L'affaire Sonatrach I revient aujourd'hui dans un troisième procès ordonné par la Cour suprême. Quelques jours plus tard, le 4 mars prochain, il sera suivi du procès de l'autoroute Est-Ouest, un autre scandale sur lequel persistent de grosses zones d'ombre. L'organisation de ces procès fait suite à une décision de la Cour suprême qui avait annoncé en juillet 2019 le réexamen de trois affaires qui avaient défrayé la chronique en leur temps. Khalifa, Sonatrach I et l'autoroute Est-Ouest avaient été jugés dans une période où la latitude des enquêteurs judiciaires se trouvait limitée, et leur marge de manœuvre réduite. Ce qui ne leur a pas permis d'aller au fond des choses. Plusieurs personnalités et hauts responsables ayant, d'une manière ou d'une autre, trempé dans ces dossiers ont été épargnés, d'autres se sont carrément suffis de déclarations écrites qui ont été lues au tribunal. Les évènements qui se sont précipités en 2019 ont changé toute la donne, laissant entrevoir des changements à même de permettre de faire toute la lumière sur ces dossiers sensibles. Le 11 novembre 2020 a signé le début du retour de ces affaires avec l'organisation du procès Khalifa. Il s'est tenu durant plus d'une semaine devant le tribunal criminel de Blida, le lieu même où il s'était déroulé quelques années plus tôt, dans un tout autre contexte politique. Moumen Khalifa, principal inculpé et propriétaire de la banque du même nom, a comparu confiant, mais il a fait l'objet d'une peine similaire aux deux premières sentences qui ont été prononcées à son encontre : dix-huit ans de prison. Si dans les faits, ce troisième acte ne semble rien avoir changé en apparence, il pourrait, cependant, donner lieu à une suite dont les contours demeurent encore flous à ce stade, puisque dans leurs recommandations, les magistrats ayant ordonné le réexamen du dossier ont donné à la nouvelle composante du tribunal de Blida la latitude de poursuivre l'enquête sur la base des déclarations faites durant l'audience. Sur le sujet rien ne filtre pour l'instant, mais les deux autres dossiers à réexaminer sont déjà à l'ordre du jour. Sonatrach I sera donc à nouveau jugée aujourd'hui à la cour d'Alger où siègera une cour totalement différente de celle qui s'est déjà prononcée en 2016. Dix-neuf personnes, dont Mohamed Meziane, ancien P-dg de Sonatrach, ses deux fils, huit de ses adjoints, un patron d'une filiale d'une entreprise allemande Contal Algérie, Contal Funkwerk et Saipem Contracting Algeria, l'allemand Funkwerk, et Contel-Algérie, ainsi que Contel-Funkwerk ont comparu pour «association de malfaiteurs», «détournement de deniers publics», «blanchiment et corruption dans le cadre de marchés conclus avec des compagnies étrangères». Les principaux inculpés ont été auditionnés sur les circonstances dans lesquelles ont été passés des marchés publics entre Sonatrach et les compagnies étrangères cités dans l'affaire. L'enquête avait, quant à elle, relevé, entre autres, des irrégularités dans l'acquisition d'équipements de télésurveillance et de matériaux devant servir à la réhabilitation de l'ancien siège du groupe Sonatrach à Alger. Les verdicts sont prononcés après plus de quatre semaines de procès. Mohamed Meziane est condamné à une peine de cinq ans de prison avec sursis. La peine est assortie d'une amende de 2 millions de dinars, alors que ses deux fils, Reda Meziane, conseiller de Saipem Contracting Algérie, et Bachir Fawzi Meziane, actionnaire de Contel Algérie, sont condamnés respectivement à des peines de six ans et cinq ans de prison ferme. Les sentences sont jugées «trop en décalage» avec les peines réclamées par le procureur de la République qui avait requis quinze années de prison et une amende de trois millions de DA à l'encontre de l'ancien P-dg de la Sonatrach. Des sources proches du dossier affirment que les magistrats qui devront siéger dans ce nouveau procès ont, eux aussi, la latitude de pouvoir poursuivre d'enquêter sur l'affaire sur la base des déclarations qui seront faites par les mis en cause devant le tribunal. Il en est de même pour le dossier autoroute Est-Ouest, dont le procès est fixé au 4 mars prochain. Initialement programmé pour le 21 janvier dernier, il avait été reporté à la demande de la défense qui évoquait l'absence de plusieurs accusés et témoins. La nouveauté pourrait venir de ce procès. La défense des 23 mis en cause exige la présence de l'ancien ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, incarcéré pour plusieurs affaires de corruption. En 2016, il avait refusé de se présenter devant le tribunal criminel d'Alger auquel il avait adressé, par écrit, les réponses aux questions qui devaient lui être posées. Le tribunal accédera-t-il à la demande des avocats ? Quoi qu'il en soit, l'on assistera, dès ce mercredi, avec l'ouverture du procès de l'affaire Sonatrach 1, au «déterrement» des plus gros scandales de corruption qui ont marqué l'ère de Bouteflika. A. C.