Les rues d'Alger ont renoué, hier, avec la contestation. Une foule impressionnante a sillonné le centre-ville à l'occasion du deuxième anniversaire du déclenchement du mouvement populaire du 22 février 2019. Les manifestants ont renouvelé les revendications du Hirak et appelé à un changement radical du système politique. Karim Aimeur – Alger (Le Soir) – Aux premières heures de la matinée, l'ambiance est morose au centre-ville. Un dispositif sécuritaire impressionnant est déployé. Les agents de l'ordre, armés de matraques et de boucliers, sont postés tout au long des rues principales. Les véhicules et fourgons de la police ont pris également position sur les principaux boulevards du centre-ville. Les citoyens allaient et venaient, attendant le lancement de la manifestation, mais ils craignent la répression, vu le dispositif, une véritable démonstration de force, de la police. Plusieurs citoyens sont fouillés et la vérification de l'identité des passants se fait de manière systématique. Des interpellations de manifestants sont également signalées. Aux environs de 11h du matin, ils s'échangent une information à propos d'une instruction qui aurait été donnée aux services de sécurité de laisser les gens manifester librement et se contenter de l'encadrement de la marche. Tout baigne dans le calme et l'expectative, quand, soudain, un cortège imposant traverse la rue Hassiba-Ben-Bouali et un autre arrive à la rue Asselah-Hocine, et se dirigent vers le centre. Tout d'un coup, la Grande-Poste, la place Audin et la rue Didouche-Mourad sont prises d'assaut. La foule devient impressionnante au fil des minutes. Venus célébrer le deuxième anniversaire du déclenchement du mouvement populaire, les manifestants ont réitéré les slogans du Hirak, appelant au départ du système et à l'instauration d'un Etat civil. «Le peuple veut l'indépendance», ont-ils crié à gorges déployées, affirmant qu'ils ne sont pas venus pour faire la fête mais pour faire partir les décideurs en place. Les manifestants disent ne pas vouloir voir le pays tomber une nouvelle fois sous un régime militaire. Tout ce beau monde a convergé vers le centre-ville pour commémorer un évènement marquant de l'histoire contemporaine de l'Algérie. En effet, le 22 février 2019, les Algériens étaient sortis massivement dans tout le pays pour faire barrage et avorter l'attentat que le régime de Bouteflika allait commettre contre le peuple et la patrie. Le cinquième mandat était ressenti comme une humiliation de plus infligée au peuple durant le règne de l'ancien Président. Après quelques manifestations dans différentes wilayas dont la plus importante est celle du 16 février à Kherrata, les Algériens avaient investi les rues du pays le 22 février 2019 pour dire non au cinquième mandat, puis, au fil des vendredis, exiger le départ de tout le système et un changement radical. C'est cet évènement marquant qu'Alger a célébré, hier, à travers cette marche imposante et pacifique. Les manifestants ont rendu hommage à l'étudiant Walid Nekkiche, dénonçant les violences qu'il avait subies lors de sa garde à vue dans les locaux des services de sécurité, appelant à l'instauration d'une justice indépendante et à la liberté de la presse. L'ampleur de la manifestation a surpris plus d'un, y compris parmi les manifestants. «Le lundi est une journée ouvrable de la semaine. Les accès vers la capitale sont verrouillés depuis vendredi. Malgré cela, la marche est imposante. C'est vraiment un peuple qui mérite d'être écouté», affirme un manifestant qui estime qu'il était temps que le mouvement populaire réoccupe la rue. Notre interlocuteur se désole du fait que «le pouvoir ait exploité la crise sanitaire pour accentuer la répression contre les activistes». Plusieurs hommes politiques à l'instar des présidents du RCD, Mohcine Belabbas, et du MDS, Fethi Gheras, et figures connues du mouvement telles que Karim Tabbou et Mostefa Bouchachi, ont pris part au cortège des manifestants qui ont défilé pacifiquement pendant plusieurs heures de la journée. L'ancien coordinateur de l'instance présidentielle du FFS, Ali Laskri, malgré la maladie qui l'a diminué physiquement, a tenu à être présent. Il est continuellement interpellé par plusieurs manifestants à propos de la dernière rencontre entre deux dirigeants du FFS et le chef de l'Etat. A chaque fois, il se démarque de cette rencontre. «Ils ont choisi leur camp et désormais ils ne peuvent plus participer aux manifestations du Hirak», lui lance un citoyen. Et à Laskri d'expliquer que «le pouvoir qui s'est détaché de ses anciens partis veut se donner un nouveau FLN et un nouveau RND». K. A.