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Fouad Boughanem, un phare au milieu de la houle !
Publié dans Le Soir d'Algérie le 14 - 06 - 2021


Par Noureddine Khelassi
Cela fait déjà deux ans. Des mois qui ont filé comme un jour depuis que Fouad Boughanem est parti rejoindre le journal de l'éternité. Là-haut, quelque part, dans des cieux plus cléments pour le journalisme qui n'est plus ici bas le métier de la noblesse de la plume et de l'honnêteté des mots.
Dieu que Fouad, l'historique et zen visage de l'Unité, d'Horizons, du Mouvement des journalistes algériens (MJA) et du Soir d'Algérie, nous manque à nous ses vieux confrères et amis fraternels. Lui, qui fait défaut à la presse en ces temps d'incertitude politique, de disette économique, d'inquiétude sociale et d'intranquillité des âmes. Oui, chers amis lecteurs, il nous manque tant en ces temps de médiocrité intellectuelle, plus encore à ceux qui veulent voir plus clair à travers la brume. Il manque cruellement le créateur de repères là où les balises sont brouillées, là même où on a besoin de comprendre et d'espérer pour mieux voir au-delà de la ligne d'horizon.
«L'absence n'est-elle pas, pour qui aime, la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ? » disait Marcel Proust.
Par où commencer, s'est demandé au lendemain de sa mort Arezki Metref, chroniqueur fidèle du Soir, compagnon de route éditorial et des temps de foi et de doute de Fouad ? Par où commencer pour parler ici de l'Absent ? Pour évoquer l'homme, le journaliste, le directeur de canard, le producteur de clarté, le faiseur de certitudes. Bref, comment le dire sans le trahir ? « Nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage », disait Marcel Proust.
Commençons donc par le commencement. Juriste de formation quand l'université préparait encore à la maîtrise du droit de vrais hommes de loi, Fouad fut, la vingtaine à peine entamée, un des pionniers de l'Unité, organe d'une organisation de masse de l'ancien parti unique, mais vraie pépinière de talents en herbe et réelle école du journalisme de terrain, du progressisme et du patriotisme.
Du bouillonnement des idées progressistes et de l'exacerbation des passions juvéniles émergeait alors, derrière le look de rock-star british, un homme mûr et un journaliste chez qui se mariaient précocement la profondeur de la réflexion et le sens de la décision. On y notait surtout la solidité des principes, la force de conviction, l'humanisme tranquille et la générosité sans fond. De même, la qualité du champ lexical, l'élégance du verbe et le charisme rassurant.
L'intelligence vive, par-dessus tout. L'intelligence naturelle qui s'imposait à tous, avec la douceur des mots et l'affection des gestes. C'est alors que le Capital de Marx, Esquisse d'une critique de l'économie politique d'Engels, Que faire ? de Lénine, les Prolégomènes d'Ibn Khaldoun et Algérie, nation et société de Lacheraf n'étaient plus pour nous choses absconses et sciences complexes ! Et c'est ainsi que d'aucuns se sentaient moins bêtes qu'ils ne pouvaient l'être d'ordinaire ! Arezki Metref, son camarade des premiers jours, dit qu'il était peut-être le seul qui lisait Lénine ou Bakounine en écoutant les Beatles ou les Who, alors qu'il lui était plus naturel de lire l'illustre révolutionnaire communiste en se laissant bercer par un Ferrat chantant la Commune ou magnifiant Federico Garcia Lorca !
Fouad avait déjà l'étoffe d'un chef. Leader clairvoyant qui saisissait vite les enjeux du moment, les spécificités d'un conflit et les subtilités de son contexte. Sa clairvoyance renforçait son courage de prendre position et de s'y tenir. Son sens du rationnel et du relationnel lui permettait d'être un homme de conciliation et de réconciliation, en quête permanente du consensus dynamique. Ce qui lui permettait de donner aux Autres le sentiment réconfortant d'entretenir avec lui une relation de type gagnant-gagnant. D'où cette idée que nous avions tous de voir en lui l'ami indéfectible, le copain irremplaçable, le compagnon rassérénant.
1981. L'Unité est dynamité alors par le scélérat article 120 des statuts du parti unique, destiné à barrer la route au seul patriotisme digne de ce nom : l'intelligence, la culture, le professionnalisme, la qualité au service du seul Bien commun. La dislocation de la rédaction n'entraîna pas pour autant la désunion de la bande de copains qui s'en allèrent suivre leur propre chemin pour mieux créer ailleurs le cercle des poètes disparus, malgré la rareté des retrouvailles autour de la dive bouteille. La confraternité ne fut pas perdue et l'amitié se consolida pour mieux se retrouver dans de nouvelles rédactions. Pour les uns, se furent Révolution Africaine et Algérie-Actualités, pour Fouad l'aventure naissante du quotidien du soir gouvernemental Horizons. Il y excella en contribuant à lui donner un cachet de journal d'information et de débat de service public. Au service de l'Etat et non du pouvoir établi.
Octobre 1988, avènement du premier mouvement d'émancipation de la presse, le MJA, et Constitution de février 1989 qui libéra la parole, le champ politique, l'espace associatif et la presse. Ensuite, la loi d'avril 1990 du gouvernement Hamrouche qui permit à des collectifs de journalistes de devenir leur propre patron en créant leurs journaux spécifiques. Après l'éphémère et amère expérience du MJA, qui fut trop étroit pour laisser s'épanouir les idéaux du journalisme libre, retour donc au terrain, c'est-à-dire au réel.
Avec une autre bande de complices, certains disparus et d'autres heureusement encore actifs de la plume, Fouad crée, le 3 septembre 1990, Le Soir d'Algérie, second quotidien privé à voir le jour après Le Jeune indépendant fondé le 28 mars de la même année. À partir de 1999, année du bouteflikisme naissant, Fouad en devint le directeur-gérant et en fit un instrument médiatique singulier dans l'orchestre disharmonieux de la presse.
Fidèle à l'homme et au journaliste qu'il fut à l'Unité, et fort du sens de la mesure et de la distanciation fruits de l'âge et de l'expérience, Fouad met le journal au service d'une certaine idée de l'Etat et du patriotisme. Par conséquent, le journal ne sera pas au garde-à-vous et ne sera jamais assujetti aux chapelles politiques et aux puissances de l'argent public détourné.
Ligne républicaine claire, contre l'obscurantisme religieux, souverainiste et opposée au libéralisme désordonné des gouvernements successifs depuis 1999. Ligne toujours en vigueur.
Un an avant de recevoir la visite de la Camarde, Fouad m'appela un jour pour m'inviter dans un haut lieu de la gastronomie algéroise où il avait son rond de serviette. C'était un temps de retrouvailles propices à des agapes épicuriennes. Moment de grâce au cours duquel il me parla, avec sa puissance de conviction qui arrache rapidement l'adhésion, d'un projet de création d'un hebdomadaire généraliste. Idée d'autant plus séduisante que la scène journalistique n'en comptait plus depuis la disparition de titres emblématiques comme Algérie-Actualités, l'Hebdo Libéré et La Nation. Nous en discutâmes le principe, le concept et même la maquette, les idées fluides grâce au fluide du merlot et du cabernet sauvignon ! On se retrouva encore autour du même projet à Alger, et même à Paris où nous en discutâmes, heureux comme des papes, dans une église de l'art de la table gaulois, dans le chic 7e arrondissement.
Malheureusement, c'est à ce même instant, fin 2018, un soir d'hiver parisien, qu'il me révéla qu'il devait se faire opérer d'un épineux problème gastrique, sans qu'il s'agisse alors du crabe pernicieux. Il était confiant, plein d'entrain, habité plus que jamais par l'idée de lancer l'hebdomadaire pour lequel il avait réuni les conditions nécessaires d'éclosion. De retour à Alger, nous nous ne revîmes plus, et le contact fut même interrompu. Fouad ne donnait plus signe de vie car il affrontait stoïquement, sourire et bons mots aux lèvres, selon des dires, le mal funeste. Jusqu'au jour où survint l'inexorable, un 5 juin 2019. Il n'était plus.
Fouad, le confrère, le frère, le pote, le compagnon, le convive, l'éclaireur, le pilier, le phare au cœur de la houle, la zénitude dans le tumulte des jours, la clairvoyance au cœur de l'ambiguïté, fut un homme impossible à ne pas aimer et un journaliste qu'il était inconcevable de détester. Pour reprendre une si juste formule de l'ami fraternel Mohamed Fellag, il était homme de presse jusqu'à l'obsession et patriote jusqu'à l'entêtement.
Il est parti à l'automne de sa vie pleine mais tranquille, un soir où ses rares forces ne pouvaient plus lui donner encore un peu de souffle pour avancer. Il a quitté ce monde Fouad, journaliste probe, d'une extrême correction et d'une exquise urbanité. Il est parti l'homme-intègre et de grande humanité. La bonté incarnée. Le sourire permanent en guise de bonsoir ou de bonjour. Patriote républicain, le cœur et l'esprit ouverts.
« L'amitié, camarade, est semblable à la coupe, qui passe, au coin du feu, de la main à la main. L'un y boit son bonheur, et l'autre sa misère ; le Ciel a mis l'oubli pour tous au fond du verre », disait Alfred de Musset. « Oublier ? La mort offre l'oubli ! La vie n'a pas cette indulgence », disait de son côté François Bourgeon. Si l'oubli est au fond du verre, alors comment oublier Fouad du moment que la mort, la mienne, ne m'en a pas encore offert l'opportunité ?
N. K.


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