Ramtane Lamamra, en diplomate chevronné, a-t-il fait le pari risqué de bousculer un immobiliste teinté de défaitisme lors de la récente réunion des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe ? Le diplomate-TGV de l'Algérie, connaissant le terrain semé d'embûches n'a pas, malgré tout, à mettre les pieds dans le plat. On le comprend, dès lors qu'il n'y a rien à gratter de ce côté-ci. Et d'abord cette mise au point claire, nette et précise concernant la rupture décidée par l'Algérie de toute relation diplomatique avec un «pays frère» qui nous traite d'ennemi et qui nous souhaite tous les malheurs du monde, en l'occurrence le Maroc du Makhzen. Une «décision souveraine» d'un Etat et ne peut souffrir d'aucune contestation. Il l'a fait savoir dans les coulisses. Du reste, et à bien y voir, il n'est pas allé en Egypte découvrir les pyramides ou visiter le nouveau Musée du Caire. Déterminé à faire entendre la voix de l'Algérie sur plusieurs dossiers dont celui de la Palestine, la réintégration de la Syrie, au sein de la Ligue arabe, notre envoyé spécial chez les dirigeants du Levant avait du grain à moudre et surtout convaincre. Si le challenge est plutôt rude dans un environnement chlorophormé par les retombées des Accords d'Abraham, l'arrogance de l'Etat sioniste, Lamamra a aussi des arguments à faire valoir. L'Algérie n'ayant de démêlés avec aucun Etat en particulier, cela la crédibilise dans le rôle de médiateur. C'est le cas pour la crise née du Grand Barrage de l'Ethiopie, aujourd'hui dans une impasse, d'où la menace de guerre. La diplomatie algérienne entend faire de la question palestinienne son cheval de bataille afin de briser une certaine léthargie l'entourant. Comment est-il possible de secouer monarques et chefs d'Etat quant à la nécessité vitale, aujourd'hui surtout, de reconquérir le terrain perdu face à l'ennemi et de reprendre confiance dans la justesse de la lutte pour la libération de la Palestine qui conditionne au demeurant leur devenir. Un sursaut salvateur possible ? L'entreprise exige en soi des prouesses diplomatiques, voire des efforts surhumains. Le représentant algérien espère réchauffer les ardeurs mobilisatrices face à l'arrogance de l'Etat sioniste qui prend plaisir à imposer à tout ce beau monde ses quatre volontés. Ramtane Lamara est certainement au fait des rééquilibrages géostratégiques qui sont en train de s'opérer. Est-il à même de percer les nouveaux enjeux qui se trament dans le Moyen-Orient arabe ? La réponse à cette question déterminera pour une grande part l'importance du prochain sommet prévu à Alger. Brahim Taouchichet
