Pour la plupart des pays «frères» du Moyen-Orient, nous sommes, depuis le recouvrement de l'indépendance nationale, la nation martyre qui a sacrifié un million et demi de ses enfants pour sa dignité, sa liberté. Rien d'autre. Aussi, tout Algérien en déplacement dans cette partie du monde se croit obligé de se justifier du fait qu'il ne parle pas la langue arabe châtiée de ses hôtes d'un jour alors il peut aller jusqu'à s'excuser qu'ils ne comprennent pas, eux, notre charabia, l'arabe algérien, la daridja. En un mot, il faut faire amende honorable. De plus, l'on est entouré de mystères parce que l'on débarque de la lointaine et inconnue Algérie. Arabes ? Pas dans la même acception qu'en fait Abdelhamid Ben Badis, n'en déplaise aux sponsors de «Constantine capitale de la culture arabe», manifestation du reste boycottée par nombre de nos artistes qui ne s'y reconnaissaient pas. Au Machrek, ils ne comprennent pas que nous ne partageons pas les mêmes références et que nous n'avons pas la même approche des grandes questions qui agitent le monde d'aujourd'hui. Ils ne comprennent pas notre promptitude à nous révolter contre l'injustice, à faire preuve de solidarité, en particulier dans les rapports avec l'Occident «impie». Ils ne comprennent pas, de même, que nous n'ayons pas les mêmes accoutrements vestimentaires. Que les femmes, ici, conduisent et sortent la nuit seules en voiture, qu'elles activent dans tous les secteurs de la vie économique et politique. Oui, nul ne peut nier la contribution politique, diplomatique, matérielle, des «frères» arabes contre le colonialisme français. D'où le capital de sympathie qui se manifeste dans les grands moments comme lors de l'embargo sur le pétrole à la faveur de la guerre israélo-arabe de 1973, et au sein de l'Opep. Des Sommets arabes successifs il n'en sortait que frustration. Les multiples agressions sionistes ne constituent plus un catalyseur de la volonté de faire cause commune. Le temps a eu raison de cette solidarité qui a fini par s'effilocher pour, progressivement, être noyée par de nouvelles ambitions de leadeship, les volontés hégémoniques. Et comme de guerre lasse, l'absolue majorité des «frères» arabes choisissent maintenant de regarder dans une autre direction. Saddam fait peur ? D'emblée sa condamnation à mort est actée. Il en sera de même du régime alaouite syrien, mais qui survivra malgré tout, après plus de dix ans d'agressions armées. Au Yémen, les populations payent le prix d'une entreprise génocidaire menée par les wahhabites. Honni depuis sa création, l'Etat sioniste est devenu fréquentable, son amitié recherchée malgré le massacre régulier des Palestiniens, ces activistes d'un autre temps. L'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar mènent la danse. Ne pas se soumettre à leurs volontés revient à s'exposer à de dangereuses représailles. Nous connaissons les formules scélérates telles que la création et le financement de groupes terroristes. Le nouveau monde, né des accords d'Abraham, balance ce trio hétéroclite dans une autre vision de son rôle envers les autres Etats de la région et de tous ceux qui se réclament de «l'héritage commun arabo-musulman». À l'évidence, la diplomatie algérienne est loin de s'inscrire dans cette nouvelle logique au risque d'être marginalisée, ostracisée. L'occupation du Sahara Occidental a, déjà, un effet révélateur du positionnement des pays du Moyen-Orient. À ce niveau, parler la même langue n'est pas seulement une question de sémantique. Fidélité aux bons principes, d'accord mais... Salam ! Brahim Taouchichet