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Le bal des dérives
REFORME DE L'ECOLE
Publié dans Le Soir d'Algérie le 28 - 10 - 2021


Par Ahmed Tessa, pédagogue
En éducation, il y a une formule cardinale : «Demain, c'est aujourd'hui.» Toute mesure prise dans ce secteur et plus particulièrement dans son segment pédagogique revêt un caractère prospectif. Et pour paraphraser cette fameuse formule : et si l'école algérienne d'aujourd'hui s'annonçait déjà hier – au lancement de la réforme (à partir de 2003) ?
À l'orée du IIIe millénaire, en l'an 2000, les officiels algériens annonçaient en grande pompe le lancement d'une réforme de l'école. L'opinion publique avait cru en la magie du mot réforme et en l'habillage sémantique qui l'accompagnait. Premier couac qui devait nous alerter : le rapport de la Commission de la réforme (CNRSE) dormira dans les tiroirs. Il n'est porté à la connaissance que des membres du gouvernement. D'autres alertes seront signalées en temps voulu dès l'annonce des premières décisions.
Dès le démarrage de la réforme, la rubrique «Education» du journal El Watan avait servi de lanceur d'alerte, relayée par les colonnes du Soir d'Algérie et de Liberté. Il nous faut préciser que le ministère de l'Education nationale (MEN ) avait fait office de boîte d'enregistrement et d'application des fameuses 30 mesures prises par le Conseil des ministres — en 2003.
Ces mesures peuvent-elles remplacer une stratégie globale pensée de façon rigoureuse ? N'est-ce pas qu'en éducation, toute réforme est d'abord et avant tout une stratégie à moyen et long terme ? À moins d'opter pour le replâtrage par des rustines collées ici et là pour colmater des brèches. Vingt ans plus tard, la réponse coule de source.
En 2020-21, ces mesures gouvernementales prirent la forme de grosses dérives que les taux d'admission aux examens ne sauraient camoufler. Elles apparaissent au grand jour — tel le nez sur le visage de Pinocchio. Une génération d'élèves aura expérimenté les conséquences de ces dérives... d'ordre pédagogique, surtout. Mais ne voilà-t-il pas que s'élèvent des voix – non pas pour éradiquer le mal profond – mais pour faire diversion : remplacer le français par l'anglais dès le primaire. Ou quand le charlatanisme pédagogique sur fond de revendication purement idéologique rejoint «l'ignorance sacralisée» (dixit Mohamed Arkoun). Quelles sont ces dérives qui gangrènent notre système scolaire et qui font le lit de la mafia des neurones ?
Dérives
Première mesure inaugurale de la réforme de 2002. Sur un coup de tête, l'Etat décide de réduire d'une année (de 6 à 5 ans) la durée du cycle primaire... sans toucher à la lourdeur d'un programme – déjà obèse — conçu pour 6 ans. À cette entorse aux normes élémentaires de la psychopédagogie vient s'ajouter une démultiplication/cloisonnement des matières et sa conséquence inévitable : l'apparition de cartables «scoliosants»— physiquement et intellectuellement. Les enfants du primaire – mais pas qu'eux — n'auront pas fini de souffrir de ces premières «ruades» qu'ils sont invités à subir un examen de passage vers le collège. Cet examen remonte au moyen-âge de la pédagogie, quand l'école bourgeoise filtrait et tamisait les élèves pour des motifs purement idéologiques (l'élitisme bourgeois à la française). Comble du paradoxe, la nouveauté tant vantée et médiatisée à partir de 2003, à savoir l'approche par les compétences, se voulait aux antipodes du système archaïque d'évaluation en vigueur (examen et évaluation sommative) et des méthodes pavloviennes toutes basées sur la mémorisation au détriment de l'intelligence. À cette contradiction vient se greffer une énormité qui fera de l'Algérie le seul pays au monde à se payer le luxe d'avoir supprimé la formation initiale des enseignants. Les ENS chargées de les former pour les 3 cycles peinent à satisfaire 10% des besoins du secteur. Plus grave : leur programme de formation (des ENS) est entièrement axé sur la formation académique, avec la portion congrue à la formation pédagogique et psychologique, essence même du métier d'enseignant. L'exigence, totalement justifiée, d'un niveau universitaire pour enseigner ne devait pas nous fermer les yeux sur une vérité fondamentale : «Sans formation initiale de qualité, pas d'enseignant digne de ce nom.» Eh bien, depuis le début des années 1990, avec la fermeture – ensuite le bradage – des ITE, l'école algérienne vogue au gré des vents du laxisme et d'un recrutement à l'emporte-pièce où le piston allait servir de passe-droit pour accéder au poste convoité. Exit l'idée formulée en son temps d'une licence professionnelle dédiée à l'enseignement et ce, afin de contourner l'incapacité matérielle des ENS à combler les besoins du secteur. Bien des idées novatrices et pertinentes, émises dès le début de la réforme, ont été rejetées d'un revers de main.
Revenons au cycle primaire considéré comme étant la base de l'édifice et dont dépend le devenir scolaire... et universitaire des élèves. Pour des raisons purement populistes et idéologiques, deux mesures ont été prises qui aggravent les dérives citées ci-dessus : le volume horaire hebdomadaire de la langue d'enseignement et l'introduction prématurée de l'histoire. Ils participent à l'aggravation de la problématique des rythmes scolaires en relation avec les rythmes biologiques de l'enfant/adolescent.
Pris sous l'angle scientifique tel que dicté par les spécialistes de la psycho-chronobiologie, le dossier des rythmes scolaires aurait pu servir de clé de voûte à la réforme. Et l'Algérie possède ce type de spécialistes, malheureusement ignorés.
L'hypertrophie du volume horaire hebdomadaire (VHH) de la langue d'enseignement au détriment des autres matières dont l'EPS (inexistante au primaire) et l'éducation artistique, deux activités importantes dans le développement de la personnalité de l'enfant. En augmentant le VHH (plus de 50% du volume total) de la langue d'enseignement, le MEN se positionne à contrecourant de la norme universelle qui, elle, est fixée à 20% du volume total. La conséquence première de cette «surenchère» horaire, on la retrouve dans le désintérêt de l'élève face à la langue d'enseignement – pour cause d'overdose. Ce désintérêt s'explique aussi par d'autres raisons, telles que :
- Le discours pédagogique idéologisé à outrance – via les manuels et les programmes — et qui est en déphasage total avec les centres d'intérêt des enfants,
- et une mauvaise méthode appliquée par un enseignant... novice (pour la plupart).
En 2004, pour soi-disant ancrer le patriotisme chez nos enfants, le MEN ira jusqu'à faire violence au développement mental de l'enfant. L'histoire sera introduite en 3e année primaire, à un âge où l'enfant n'a pas une claire conscience du temps historique. Au primaire, il est recommandé de présenter (et non enseigner) l'histoire locale et ce, sous forme d'activité d'éveil — pas plus. Ce n'est que vers 11-12 ans que l'enfant commence à accéder à la pensée logique et à l'abstraction. C'est au collège que l'histoire — sciences d'analyse et non chapelet de leçons insipides à mémoriser — doit être introduite.
Autre dérive, elle remonte aux années 1980, et que la réforme n'a pas jugé bon de faire disparaître : c'est la coupure linguistique entre le système scolaire et l'université. Une coupure qu'il faut bien, un jour, étudier de près afin de cerner ses retombées nocives tant sur l'économie du pays, sa culture et la vie sociale en général. Ce tabou est intouchable à ce jour. Il finira — si ce n'est déjà acté — par produire deux sociétés qui s'ignorent, par médias interposés notamment. Une coupure qui donne naissance à des frustrations et à des sentiments de violence/hostilité chez ses victimes qui se recrutent parmi les enfants du «peuple d'en bas». Une fois dans la vie active, leurs camarades issus de familles aisées profitent à plein tube de cette coupure linguistique en raflant les postes de travail tant rêvés.
La liste des dérives est longue. Comment passer sous silence le «statut du personnel enseignant concocté en 2008 et «revu» en 2012 pour acheter la paix sociale dans le secteur de l'éducation nationale? Une initiative qui a créé un fossé entre les personnels du secteur. Et a poussé ces derniers à se constituer en syndicats revendicatifs au point – là aussi – d'assister à un embouteillage syndical. Pas moins de 13 syndicats, dont certains ne cachent pas leurs liens avec des partis politiques. Une pléthore qui n'arrange en rien la stabilité qu'exige la noble mission éducative. Telles des affluents qui alimentent un ruisseau, lequel finira par devenir un fleuve en furie, ces dérives vont servir de carburant à un fléau : l'argent sale de l'informel clandestin. Il va tirer davantage l'école vers les bas fonds de l'immoralité... et de la médiocrité.
Tous les moyens sont bons pour grossir son salaire : cours payants sauvages, crèches, garderies et cantines clandestines et, cerise sur le gâteau : le poison de l'édition parascolaire frelatée. Les parents, impuissants, se laissent prendre au piège de ces vautours d'un genre nouveau. Et si on calculait la part de ces pratiques mafieuses dans le «gâteau» des 6 000 milliards de centimes évaporés dans la nature de l'informel ? Les fins limiers de la fiscalité auront du pain sur la planche, de même les pisteurs de l'informel.
Si la volonté politique venait à manquer pour les éradiquer à la racine, ces dérives et ce fléau de l'argent sale finiraient par dessiner les contours d'une société déglinguée sur les plans moral, intellectuel, culturel et économique.
A. T.


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