Par Ahmed Halli Dire de Hamid Benkanoun qu'il était un ancien joueur de l'USMA, c'est mal le connaître et ignorer ses autres apports, comme homme de guet de son club de cœur et un homme de cœur. Hamid avait une mémoire prodigieuse, et c'est ce qui l'aidait à faire son métier de correcteur, sans trop recourir au sacro-saint dictionnaire, au sein de la rédaction d'El-Moudjahid. Il était aussi l'encyclopédie de l'USMA pour ceux qui avaient besoin de se documenter sur le club de Soustara ou de régler un litige autour d'une date, d'un joueur, ou du résultat d'un match. Je le connaissais déjà en tant que joueur à l'USMA, et je l'ai mieux connu au 20, rue de la Liberté, siège d'El-Moudjahid, qui restera notre journal de cœur, en dépit d'aucuns qui ont durci le sien. Travaillant sous le même toit, si je puis dire, il était naturel que nous nous retrouvions également autour des mêmes tables ou accoudés aux mêmes comptoirs, à la fin de la journée. C'est durant ces années, où on avait l'embarras du choix des lieux où passer une partie de la soirée, que des amitiés sont nées et que des affinités se sont renforcées autour d'un verre ou de plusieurs. De tous les bars et restaurants autour du journal, dans ce quartier qu'un confrère a baptisé «La Vallée», on ne sait pourquoi, on nous faisait les yeux doux, mais on avait notre préférence. C'était le restaurant «Le Bosphore» où nombre d'entre nous avaient une ardoise ouverte, en réalité un vieux cahier d'écolier où chacun marquait à sa guise ce qu'il devait à Ahcène, le patron. Notre confrère Mokrane Harhad a parlé de l'espièglerie de Hamid telle que nous la connaissions et telle qu'il la cultivait comme une image de marque attachée à sa personne. J'évoquerai aussi son sens très particulier de l'humour qui lui faisait survoler les groupes installés près des cafés du quartier de «la Marine», et interpeller les «pigeons de Mathurin». Mathurin étant le pseudo d'un de ses copains et facilement reconnaissable, il suffit de regarder toutes les photos de Hamid et vous n'en trouverez pas une où «Mathurin» n'a pas réussi à se faufiler. Il y a aussi ce trait d'humour que je suppose être le sien ou qui pourrait l'être tant il lui ressemble : «C'est quand même bizarre qu'au tribunal voisin, les condamnés sortent par la rue de la Liberté pour être conduits à la prison d'El-Harrach», m'a-t-il dit alors que nous passions devant la porte dérobée du tribunal. Pour ne pas être en reste, côté blagues, je lui ai demandé un jour pourquoi il n'avait pas appris à réparer les membres fracturés et succéder ainsi à son père célèbre rebouteux. Son père Hadj Abderrahmane exerçait, en effet, son sacerdoce dans La Casbah d'Alger, et il avait eu notamment à soigner les joueurs de l'USMA blessés lors des matchs. Avant qu'il n'ait eu le temps de me répondre que c'est son plus jeune frère qui avait hérité du don et qui l'exerçait, j'ai glissé, perfide : «Je me demande si tu n'as pas choisi de jouer au football et au poste de défenseur, justement pour envoyer des clients à ton papa.» Depuis quelques années, la santé de notre ami déclinait et il avait déserté à contre-cœur les réunions du café «Al-Gourari», le vendredi avant la prière collective, au grand dam de ses amis. Que son épouse, ses enfants, ainsi que la grande famille de l'USMA trouvent ici le témoignage de ma compassion et de ma solidarité. A. H.
