[email protected] La tomate qui n'a pas de religion au moment o� elle atteignait des niveaux de prix vertigineux en a subitement une au d�but de l'�t�. Lorsqu'elle est enfin accessible, en termes de prix, et peut s'isoler, en toute l�gitimit�, avec son pendant m�le le piment. Ceux qui d�cident de faire de nous des �lus du paradis en nous menant une vie infernale ici-bas, ont perc� � jour la tomate. La tomate est chr�tienne, mesdames puisque vous �tes concern�es par sa f�minit�, et des images diffus�es sur internet vous le prouvent. Il suffit, disent-ils, de d�couper la tomate horizontalement comme on le ferait � son �pouse r�fractaire et la tromperie appara�t. La v�rit� se montre enfin, dans sa cruelle nudit�, sous la forme d'une croix, r�v�lant la croyance en la �Sainte Trinit�, et l'�uvre satanique du �Malin�. Oui ! La tomate est chr�tienne, vous le savez, enfin, et vous ne prendrez plus le risque de vous damner pour elle, en la payant trop cher. Il y a quelque temps, on vous mettait en garde contre les diaboliques tentations d'une carotte qu'on �pluche. On vous faisait entrevoir les affres du purgatoire pour avoir regard� trop fixement et trop longtemps un concombre de belle taille sur l'�talage d'un marchand assis sur le vieux tableau d'une mercuriale de jadis. Ah la mercuriale ! Voil� une d�funte qui a �chapp� aux classifications religieuses, faute de n'avoir pas connu le �delirium tremens� qu'il est possible de se payer aujourd'hui sans passer par la case de l'alcoolisme. Le nouveau d�lire, seule la couleur des �l�phants a chang�, et les souris sortent des murs voil�es. S'il n'y avait que �a, mesdames, je ne me serais pas mis en peine de vous mettre en sc�ne, avec ou sans hidjab, mais avec le regard p�n�trant des censeurs. Ces jours-ci, les �gyptiens ont �lu un pr�sident islamiste, Mohamed Morsi. Du coup, les militants du mouvement des Fr�res musulmans et leurs alli�s fondamentalistes, exercent leurs pressions, qui par fatwas qui par d�clarations comminatoires. D'ores et d�j�, le parti fondamentaliste Nour a mis en garde contre l'id�e de choisir un copte, voire une femme, comme vice-pr�sidents de la R�publique. Un choix ill�gitime au regard de la Charia, selon l'un des dirigeants les plus en vue du parti salafiste. Comme il n'est plus question d'imposer le hidjab � une soci�t� d�sormais voil�e � une �crasante majorit�, il fallait penser � d'autres formules pour la pr�servation du carcan f�minin. Comme les hadiths sont trop nombreux, contestables et contest�s, des islamistes ont brandi l'arme fatale des polygames inv�t�r�s : le verset 3 de la sourate 4 du Coran. Ce verset dit en r�sum� que les hommes (les m�les bien s�r) peuvent �pouser plusieurs femmes, mais en prenant soin de les traiter avec �quit�, et il est pr�cis� : Ayez-en deux, trois ou quatre, mais si vous craignez d��tre injustes, une seule ou bien des esclaves de peur d��tre injustes. Or, apr�s avoir fait fi durant des si�cles de l'avertissement divin proclamant que l'iniquit� est indissociable de la polygamie, les islamistes semblent se rebiffer. Ils craignent soudain d'�tre injustes et ils s'empressent de se rabattre sur la partie non contestable, en la forme, qui �voque la possibilit� de poss�der des esclaves (sexuelles).(1) Attention ! Un polygame peut en cacher un autre ! Le grand sujet de d�bat est donc la possibilit� pour les parlementaires �gyptiens de voter une loi l�galisant le commerce des odalisques, de fa�on � permettre aux �gyptiens de rester polygames de fait, tout en ayant une seule �pouse l�gale. Ainsi, les bons musulmans pourront en toute bonne conscience se dire qu'ils pourront satisfaire tous leurs d�sirs sans risquer de m�contenter Dieu, en �tant injustes(2). Ce qui est une clause de style, car ces messieurs n'ont jamais attendu de remplir toutes les conditions pour le passage � l'acte. Alors, vous mesdames qui pr�tendez mettre vos maris � l'abri du p�ch� en les mariant avec leurs secr�taires, vous aurez tout le loisir d'appr�cier ce coup de Jarnac. Bien s�r, cet Occident d�cri� a vot� et impos� l'interdiction de l'esclavage, y compris aux pays les plus r�fractaires � la libert� comme le royaume wahhabite. Mais soyez rassur�es, mesdames les �ducatrices de g�n�rations nouvelles de harraga, que l'Occident, et l'Am�rique en particulier, se fichent �perdument que vous soyez une ou plusieurs � hanter les harems. Heureusement qu'il y a encore des femmes qui r�fl�chissent � votre place et se battent pour vous, pendant que vous polissez les ors de vos cha�nes. La Saoudienne Wajiha Koweidar, dont j'appr�cie particuli�rement l'acidit� et la verve, ne perd pas une occasion de contester la supr�matie masculine, y compris dans la couleur des v�tements. �voquant l'accident de train r�cent qui a fait plusieurs victimes, essentiellement des femmes, l'�crivaine d�nonce la tenue impos�e aux femmes et qui paralyse leurs mouvements. Pour elles, c'est parce que ces Saoudiennes �taient emp�tr�es dans des djilbabs qu'elles n'ont pu avoir le temps et la libert� de quitter les wagons sinistr�s. Elles �taient plus tiraill�es par le souci de pr�server leur �pudeur� que par la n�cessit� de sauver leurs vies. Wajiha rappelle qu'en 2002, quinze �l�ves d'une �cole de filles de La Mecque avaient p�ri dans un incendie parce que les pompiers n'avaient pas �t� autoris�s � les voir sans leurs �soutanes�. Et puis, ajoute-telle, pourquoi la couleur noire resterait-elle r�serv�e aux femmes, et pourquoi les hommes ne troqueraient pas leurs gandouras blanches contre des djilbabs noirs ? A. H. (1) D'o� la subtile distinction entretenue autour du statut des �pouses, des favorites et des servantes, et l'�ternelle pol�mique sur le chiffre exact des femmes du harem du Proph�te. (2) Il y en a qui, sur le tard, n'ont jamais voulu risquer de s'attirer les foudres divines en essayant de contenter les femmes. Ce qui est aberrant de la part de personnes qui ont tout fait pour les satisfaire, du temps o� jeunesse pouvait, et que vieillesse couvait.
