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� PROPOS DES DERNIERS �V�NEMENTS
Alg�rie : brutalit�, double jeu ou mal de voir ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 07 - 02 - 2013

Avertissement : je ne proposerai pas ici des explications concernant les derniers �v�nements en Alg�rie (prise d�otages � In Amenas, positionnement de l�Alg�rie concernant le Mali). Il est plut�t question de discuter de la mani�re dont cette actualit� a pu �tre pr�sent�e dans certains m�dias (fran�ais ou europ�ens) et par certains responsables politiques. Je limiterai mon propos � deux �l�ments : l�accusation de �brutalit� de l�action militaire � In Amenas, ainsi que celle du �double jeu� de la part de l�Alg�rie.
L�objet est de montrer les faiblesses et les implicites de telles imputations. Je me bornerai � essayer de poser certaines bonnes questions s�agissant de la mani�re dont l�actualit� a �t� pr�sent�e ; fid�le en cela � une certaine �thique du travail scientifique que l�on m�a inculqu�e et que je fais mienne : �Notre travail n�est pas n�cessairement d�apporter des r�ponses, il consiste avant tout � poser les bonnes questions. � Il y a aussi, on le remarquera au ton de ce texte, une certaine exasp�ration. En tant qu�anthropologue en poste en France, travaillant sur l�Alg�rie et allant fr�quemment sur le terrain, je suis bien plac� pour ressentir le hiatus existant entre l�Alg�rie que je connais et la mani�re dont ce pays est pr�sent� � l��tranger, en France et en Europe. Qu�il y ait un parti-pris de ma part, cela va de soi, mais au moins s�agit-il d�un parti-pris empiriquement fond�, c�est-�-dire reposant sur une certaine connaissance concr�te de ce pays ! Pour �tre encore plus pr�cis, l�objet de ce texte est bien de critiquer certaines lectures que l�on donne de ce pays � lesquelles se sont, h�las, encore diffus�es ces derniers jours.
S�il est une r�gularit� du regard port� sur l�Alg�rie et les Alg�riens, c�est bien celle de la r�currence de fantasmes, que l�on retrouve d�s l��poque coloniale et qui irriguent encore nos repr�sentations de ce pays, de ses habitants et de ses gouvernants. Philippe Lecat et Jean-Claude Vatin avaient, il y a pr�s de quarante ans de cela, essay� de rendre compte de cette imagerie, telle que transmise par les militaires, administrateurs, scientifiques, universitaires, �crivains. Bien s�r, elle n�est pas uniforme, elle a parfois pu �tre flatteuse ; elle fut �logieuse par moment � mais, il faut bien le dire, elle a le plus souvent �t� m�prisante, h�las ! Parmi ces images m�prisantes de l�Alg�rie et des Alg�riens, je pense en particulier � celle de �l�indig�ne� ensauvag� � �naturellement� violent � �naturellement� habitu� aux razzias (ghazw)ou encore � celle de �l�indig�ne� aux comportements perfides, troubles, pratiquant le double jeu, le double langage comme une seconde nature. Images encore v�hicul�es, qui ont d�pass� le simple cadre fran�ais, et qui trouvent encore sous des formes insidieuses � se manifester �� et l�, comme� � propos des derniers �v�nements (prise d�otages � In Amenas, positionnement de l�Alg�rie concernant le Mali) !
Brutalit� ?
Etrangement, c�est le terme �brutalit� qui a �t� employ� d�s les premiers temps pour d�signer l�action de l�Arm�e nationale populaire (ANP) alg�rienne dans le cadre de la prise d�otages d�In Amenas. C�est en effet en invoquant ce terme ou l�expression �assaut brutal� que la secr�taire d�Etat, Hillary Clinton, le Premier ministre britannique David Cameron, ou de nombreux articles de presse ont, d�s les premiers temps, qualifi� les mesures prises par l�ANP pour r�gler cette situation complexe et p�rilleuse. Fallait-il intervenir de la sorte ? Les experts � qui auront l�ensemble des informations � disposition � pourront trancher cette question. On notera ici que la presse ind�pendante alg�rienne n�a pas, de son c�t�, jug� cette action comme brutale, mais au contraire comme ad�quate et professionnelle. Pour ma part, il est une autre question que je souhaiterais poser : comment se fait-il que le terme �brutalit� soit d�s les premiers temps employ� par celles et ceux qui, dans le m�me moment, se plaignent du manque d�informations s�agissant de cet �v�nement ? Il y a donc l� un paradoxe, � moins de faire l�hypoth�se de l�existence de pr�jug�s � propos de l�arm�e alg�rienne, consid�r�e a priori comme �naturellement brutale�. J�ajouterai que ce pr�jug� ne daterait pas de la p�riode de la d�cennie noire, il s�est si bien diffus� qu�il autorise l��ditorialiste de la rubrique Moyen-Orient du quotidien britannique The Guardian� proposer comme seule explication valable de l�intervention alg�rienne celle d��une r�ponse instinctive conditionn�e par une histoire brutale�[1]. Avec ce genre d�explication essentialisante, on n�apporte rien, mais on alimente certains fantasmes et pr�jug�s. Encore une question pour rendre compte de l�aporie d�un tel raisonnement : peut-on penser un seul instant que ce genre d�arguments puisse �galement s�appliquer � l�Europe � elle qui fut marqu�e par le si�cle des extr�mes ?
Perfidie et double jeu ?
Une autre critique port�e � l��gard de l�Alg�rie et, en particulier, du pouvoir alg�rien est celle de pratiquer la perfidie et le double jeu � en autorisant le survol de son territoire national d�un c�t� et en menant des tractations avec les islamistes d�Ansar Dine de l�autre. On a pu � ce propos lire et �couter, dans les m�dias fran�ais, des analyses particuli�rement alambiqu�es d�un certain �sp�cialiste� de l�Alg�rie, Kader Abderrahim (cf. l�article �L'Alg�rie est retomb�e dans ses vieux travers� de Lib�ration du 18 janvier et l�entretien RFI du 20 janvier)[2]. Et ce, avec d�autant plus de d�ception que les bonnes analyses de chercheurs exer�ant en France sont publi�es ailleurs en Europe � comme l�article de Vincent Bisson paru dans le journal suisse le Tempsdu 24 janvier (�La vraie guerre du Sahel se jouera hors du Mali�)[3]. Kader Abderrahim avance ainsi que l�autorisation de survol du territoire national alg�rien a �t� donn�e �en contrepartie de l�assentiment implicite de Fran�ois Hollande (au) maintien (de Bouteflika) au pouvoir�, que ce dernier n�avait de la sorte comme calcul que de se garantir un quatri�me mandat de pr�sident. Cette lecture � en termes de perfidie, ruse, calcul politicien � a �t� reprise ici et l� dans la presse � propos de Bouteflika et/ou de l�arm�e qui tenterait �d�accommoder la ch�vre et le choux� pour asseoir leur pouvoir. Pour qui conna�t un peu l�Alg�rie de l�int�rieur, on peut faire deux constats : d�une part, que le pr�sident Bouteflika, qui jouit d�une grande popularit�, n�a nullement besoin du consentement de Fran�ois Hollande pour rester au pouvoir ; d�autre part, que, m�me si certains partis et responsables politiques l�ont appel� � se repr�senter pour un quatri�me mandat, il n�a lui-m�me ni infirm� ni confirm� sa volont� de se repr�senter. Autrement dit, il s�agit � ce stade d�une rumeur inv�rifiable � comme fut un temps celle de la pr�paration de son fr�re Sa�d � sa succession[4]. S�agissant de l�autorisation de survol de l�Alg�rie, il est int�ressant de noter l�absence dans les m�dias de la question suivante, pourtant triviale : quel int�r�t l�Alg�rie aurait-elle � la refuser ? D�un point de vue pragmatique, une telle autorisation ne l�implique pas militairement et l�Alg�rie a toujours rappel�, par le biais de ses responsables politiques, tel le Premier ministre Sellal, qu�elle avait comme principe de ne jamais intervenir militairement en dehors de son territoire. Principe qu�elle applique jusqu�� maintenant avec constance. D�un point de vue pragmatique encore, un refus de survol n�aurait nullement emp�ch� la France d�intervenir au Mali. Les avions fran�ais auraient tout bonnement survol� la Maroc et la Mauritanie. Cela aurait �t� simplement moins pratique et plus co�teux. Ainsi donc, si on veut �tre logique, l�Alg�rie, en refusant le survol de son territoire, aurait seulement contribu� � refroidir les relations politiques qu�elle venait tout juste de r�chauffer � m�me si cela a pu faire grincer quelques dents en Alg�rie m�me. Comment expliquer qu�une telle lecture aussi �vidente n�ait pas �t� relay�e dans les m�dias et qu�on ait pr�f�r� celle sur la perfidie et le double jeu de Bouteflika et du pouvoir en Alg�rie ? A moins de faire l�hypoth�se de l�existence de pr�jug�s s�agissant des hauts responsables politiques alg�riens, consid�r�s a priori comme �naturellement perfides et adeptes du double jeu�. Ce pr�jug� ne trouveraitil pas ses racines dans quelques fantasmes concernant l�Alg�rie et les Alg�riens ? Au regard �loign� s�est superpos�, semble-t-il, le regard orient�. Malheureusement, l�Alg�rie souffre encore de ces visions fantasm�es, imag�es. Peut-�tre serait-il temps de regarder l�Alg�rie en face, pour ce qu�elle est, et en fonction de ce qu�elle fait ? Plut�t que de s�imaginer des scenarii inv�rifiables (du moins pour le moment) et qui ont pour seul int�r�t de conforter les pr�jug�s v�hicul�s � son �gard.
Communication : �to be or not to be� ?
Enfin, s�il est une critique qui trouve quelque justification � nos yeux, c�est celle du manque de communication de la part des autorit�s alg�riennes. Elle a �t� reprise et relay�e dans certains articles de la presse alg�rienne. Pour les d�mocraties d�opinion, o� il n�y a de pouvoir que sur sc�ne, o� les m�dias jouent le r�le de quatri�me pouvoir et o� l�action politique se r�duit bien souvent � une politique de la communication, une telle critique est tout � fait fond�e. Mais n�est-ce pas l� une forme d�ethnocentrisme de penser que l�Alg�rie devrait syst�matiquement agir selon ce mod�le ? Elle qui actuellement est tout juste en train de repenser et recomposer son paysage m�diatique avec notamment l�ouverture des m�dias lourds (audiovisuels).
Y. B.-H.
*Anthropologue, chercheur au CNRS Laboratoire d�anthropologie sociale, Coll�ge de France, Paris. Chercheur associ� au Centre Jacques Berque. Lucas, Philippe, et Vatin, Jean-Claude, 1975, L'Alg�rie des anthropologues, Paris, Maspero. Balandier Georges, 1980, Le pouvoir sur sc�ne, Paris, Fayard. Ab�l�s Marc, 2007, Le spectacle du pouvoir,Paris, l�Herne.
(1) Lire � ce propos les articles de Ghania Lassal et de Maurice T. Maschino dans le quotidien alg�rien El Watandu 19 janvier et du 24 janvier
(2) http://www.liberation.fr/monde/2013/01/18/l-algerie-est-retombee-dans-ses-vieux-travers
(3)http://www.letemps.La_vraie_guerre_du_Sahel_se_jouera_hors_du_Mali
(4) Sur la question de la communication politique en Alg�rie et de la rumeur, on pourra lire utilement l�article en ligne de l�historienne Natalya Vince In Amenas � a history of silence, not a history of violence.


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