Par Ali El Hadj Tahar [email protected] En juin 2012, le pr�sident nig�rien Mahamadou Issoufou a affirm� que des mercenaires �afghans et pakistanais� �taient pr�sents dans des camps d'entra�nement du septentrion malien : �On a des informations sur la pr�sence d'Afghans et de Pakistanais dans le nord du Mali, (�) de djihadistes venus de pays non africains. Ils serviraient de formateurs. Ce sont eux qui entra�nent ceux qui sont recrut�s dans les diff�rents pays d'Afrique de l'Ouest.� Il a ajout� : �Tout cela est coordonn� : cela va du Sahara jusqu'en Somalie (�) Je crois que toutes ces organisations coop�rent entre elles, que ce soit les Shebab en Somalie, Boko Haram au Nigeria, AQMI en Alg�rie et au Sahel en g�n�ral, jusqu'en Afghanistan.� Le pr�sident nig�rien a termin� : �Notre pr�occupation, c'est que le Sahel ne se transforme pas en un nouvel Afghanistan�, pr�cisant que �ces groupes arm�s du Nord continuent � s'approvisionner en armes dans le sud-ouest de la Libye�. Contrairement � Sellal, il ne m�che pas ses mots, estimant que cette zone du Sud libyen �constitue une base d'appui pour les factions arm�es pr�sentes sur le territoire malien�. Tout est r�sum�. Toutes les armes que l�OTAN a d�vers�es en Libye en 2011 n��taient pas uniquement destin�es � d�boulonner Kadhafi, mais � d�autres �agendas�. William Engdahl, un �conomiste am�ricain sp�cialiste en g�opolitique et �nergie depuis plus de trois d�cennies, pense que �l�intervention au Mali est un autre avatar du r�le de la France dans la d�stabilisation que nous avons vue, sp�cifiquement en Libye l�an dernier et le renversement du r�gime de Kadhafi. Dans un sens, cela repr�sente le n�o-colonialisme fran�ais en action�. Il ajoute : �Mais, curieusement, je pense que derri�re l'intervention fran�aise il y a la main tr�s forte du Pentagone am�ricain qui cherche la pr�paration de la partition du Mali.� Engdahl va plus loin : �Je pense que l�AQMI est une organisation tr�s suspecte et le calendrier de ses activit�s laisse supposer que certains pays de l'OTAN l�aideraient � obtenir des armes et cr�er le casus belli qui justifierait l'intervention de l'OTAN.� Pour lui, l�afghanistanisation du conflit est en cours, du fait m�me de l�intervention arm�e : �Le conflit est appel� � traverser les fronti�res vers les pays voisins et pourrait engloutir la totalit� de l�Afrique de l'Ouest.� Mireille Fanon-Mendes-France, fille de Frantz Fanon et experte aux Nations unies, �crit : �Se pose, � l�heure actuelle, la question des alliances pour mener cette guerre dont les premi�res victimes seront les Maliens eux-m�mes, mais aussi les Mauritaniens, les Nig�riens, les Burkinabais, les Alg�riens avec des cons�quences �videntes pour les Guin�ens, les Ivoiriens et les S�n�galais. Autant dire que toute l�Afrique sah�lienne et de l�Ouest pourrait s�embraser et s�enfoncer dans une guerre sans fin � l�instar de celles men�es en Irak et en Afghanistan.� Beaucoup d�autres auteurs pensent que la crise malienne s�inscrit dans un �agenda�, pour utiliser le terme employ� par notre ministre des A.E., M. Medelci, et ceux qui parlent d�une volont� de transformer le Sahel en Sahelistan o� pulluleraient des terroristes. D�abord, d�finissons ce qui est entendu par Sahelistan, un terme consacr� par un pr�sident (le Tunisien M. Marzougui) et une situation � laquelle ont fait clairement allusion le pr�sident nig�rien Mahamadou Issoufou et le chef du gouvernement alg�rien, M. Sellal. C�est d�abord un conflit o� des forces internationales sont impliqu�es pour soi-disant lutter contre le terrorisme. En v�rit�, il s�agit d�un conflit o� des forces internationales sont impliqu�es pour les propres int�r�ts �conomiques, g�ostrat�giques et militaires en d�veloppant le terrorisme et le nourrissant par des moyens directs (op�rations secr�tes, financement et soutien par le biais d�Etats-valets) ou indirects par leur seule pr�sence du fait des �dommages collat�raux� qu�ils causent : des missiles tomb�s sur des �coles ou des march�s, des soldats �fous� qui br�lent le Coran, des drones qui ciblent des bus, d�veloppement exponentiel de la culture et du trafic de la drogue, d�veloppement de la corruption, pillage des ressources et autres Abou Ghra�b de ce genre. Ces ph�nom�nes induisent parfois des r�actions saines d�autod�fense des peuples mais qui sont r�cup�r�es par des agents travaillant pour l�ennemi et dont ces innombrables Al-Qardaoui font partie. Une r�solution comme un blanc-seing Un conflit type Afghanistan ne sera pas ruineux pour le seul Mali. Il d�truira toute une r�gion, avec un prolongement de la guerre dans les pays frontaliers. La premi�re guerre d�Afghanistan (1979-1996) a eu des r�percussions �conomiques et s�curitaires graves sur le Pakistan, qui a voulu servir de base aux Afghans-Arabes pour d�truire son voisin sous pr�texte qu�un r�gime socialiste �tait en place � Kaboul. La deuxi�me guerre d�Afghanistan (depuis 2001) a mis le Pakistan � plat : la d�solation et la mis�re sont pires qu�en Afghanistan, notamment la r�gion frontali�re avec le pays o� les Am�ricains ont pr�tendu vouloir �liminer Ben Laden, Al-Qa�da et les talibans. Sous ce fallacieux pr�texte, les Etats- Uniens ont men� des milliers d�op�rations au Pakistan, et les seules attaques au drone Predator ont caus� pr�s de 687 morts dans ce pays entre 2008 et 2010, avec une attaque qui a tu� treize villageois pakistanais d�un seul coup. Les morts parmi les civils, les d�plac�s et tous les autres facteurs induits par la guerre et par la pr�sence �trang�re ont g�n�r� au Pakistan et en Afghanistan de la sympathie populaire pour les terroristes qui se sont transform�s en insurg�s et dont la cause incite des recrues d�origines diverses. Apparemment, c�est ce que souhaite l�imp�rialisme am�ricain qui ne perd rien, dans la mesure o� il a r�duit le seuil des morts durant les guerres � un niveau plus qu�acceptable. Treize ann�es de guerre au Vietnam (1960-1973) ont caus� la mort de 52 000 Am�ricains alors qu�en douze ann�es, la guerre d�Afghanistan n�en a caus� que 2.000, du fait des progr�s technologiques. La France, ancienne puissance coloniale, aujourd�hui soucieuse des �droits de l�homme� au Mali et en Syrie, mais pas en Palestine, dit qu'elle ne participerait qu'en soutien logistique � une intervention ent�rin�e par le Conseil de s�curit�. Nul doute que les Etats-Unis cachent aussi leur jeu mais ils voteront pour une r�solution d�intervention, attendue comme un blanc-seing pour des enjeux � la fois compl�mentaires et concurrents de ceux de la France. Des plans s��laborent et se mettent sur le terrain mais leurs desseins n�apparaissent que lorsqu�ils sont sur le point d�avaler leur proie. Sur le terrain, les acteurs exog�nes ont jou� leur r�le. Les services des renseignements �trangers n�ont commis aucune erreur. Des �lites maliennes et celles de certains pays africains ont trahi. Les tra�tres arabes ont fourni armes et argent. Les peuples ne tarderont pas � avaler la pilule d�une �ing�rence humanitaire�, la premi�re � passer comme une lettre � la poste, sans grosses contestations populaires. L�opinion occidentale est conquise par la �bont� de la France et, partant, de l�OTAN. Les partis en France sont unanimes pour une intervention. Quant aux acteurs du terrain, ils ont fait le sale boulot : tu�, coup� des mains, d�truit des mausol�es pour donner une pi�tre image de l�Islam. Le sc�nario �tant fin pr�t, le Rambo fran�ais pouvait entrer en sc�ne. Juste quelques d�tails, une visite de Hollande � Alger, suivie de celle de Hamad bin-Khalifa Al-Thani �galement � Alger, pour que des avions fran�ais se mettent � siffler au-dessus du ciel, qui fut paisible, des Alg�riens. Si au moins le conflit ne concernait pas directement notre pays comme l�a dramatiquement montr� l�attentat d�In Amenas� La visite de Hamad � Ghaza n�a-t-elle pas �t� suivie de la mort du chef militaire du Hamas, Ahmad Jaabari, puis d�un d�luge de feu isra�lien ? Sa mission de bonne volont� au Soudan n�a-t-elle pas �t� suivie par la partition du pays ? Faction fantoche � la solde du n�ocolonialisme Comme par hasard, le terrorisme islamiste sah�lien qui justifiera l�ing�rence fran�aise se trouve sur les routes du p�trole, du gaz et de l�uranium. Et comme par hasard, l�intervention co�ncide avec un basculement des �quilibres g�ostrat�giques, g�opolitiques et g�o�conomiques vers l'Est, un basculement que l�Alliance atlantique veut emp�cher co�te que co�te. Au Mali comme en Syrie, il s�agit d�emp�cher la Russie et la Chine de jouer dans la cour traditionnelle d�une France qui reste fid�le aux principes du colonialisme et d�une Am�rique qui s�estime partout chez elle. Comme par hasard, le Mali figure parmi les quatre pays les plus d�sh�rit�s du monde, avant le Burkina Faso, le Niger et la Sierra Leone qui sont d�ailleurs voisins ou tr�s proches l�un de l�autre. Les revendications ind�pendantistes du MNLA sont de l�ind�cence dans une situation de d�sespoir du peuple malien qui souffre de faim, d�analphab�tisme, de probl�mes de sant�, de manque d�eau et d�hygi�ne. Le Qatar, qui d�tient 4% de la dette malienne, aurait pu l�effacer et aider ce pays au lieu de lui ajouter une mis�re s�curitaire � une mis�re �conomique, et de causer l�une des crises humanitaires les plus graves du XXIe si�cle. Le Qatar veut des wahhabites � Bamako, des puits de p�trole pour Total o� il est actionnaire, plus d�uranium pour Areva o� il l�est �galement, sans oublier une base am�ricaine pour les Etats-Unis et une autre pour la France, tout en enfon�ant l�Alg�rie et en obligeant les pays de la r�gion � grossir leur facture d�armement pour enrichir tous les marchands de canons. Comme par hasard, le MNLA revendique une terre qui ne lui appartient pas et qui correspond � la zone que la France coloniale voulait concr�tiser par la loi n�57-27 du 10 janvier 1957 et qui porte cr�ation d�une �Organisation commune des r�gions sahariennes� (OCRS) afin de n�accorder que des ind�pendances incompl�tes aux pays de l'Afrique occidentale fran�aise (AOF) et de l'Afrique �quatoriale fran�aise (AEF), comme l�a prouv� le r�ve gaullien d�amputer l�Alg�rie de son Sahara. C�est une m�me promesse qu�on fait miroiter aujourd�hui dans le cadre des politiques imp�rialistes et n�ocolonialistes. Joli sc�nario pour les futurs James Bond franco-am�ricano-qataris� D�ailleurs, m�me si le MNLA repr�sentait vraiment les Touareg (une population de 250 000 habitants sur 14 millions de Maliens !), au nom de quelle logique oserait-il revendiquer plus que la moiti� du territoire malien ? En v�rit�, les Touareg maliens n�ont aucune vell�it� ind�pendantiste, tout comme les Touareg d�Alg�rie et des autres pays ou comme les Kabyles, les Chaouis ou les Chleuhs marocains. Chacune de ces ethnies est intimement li�e � son pays, et il n�y a aucune diff�rence entre les hommes bleus maliens et nig�riens des Touareg libyens, alg�riens ou burkinab�s. Les probl�mes essentiels des Touareg sont li�s au pastoralisme qui conna�t des difficult�s du fait de la s�cheresse, m�me en Alg�rie. La manipulation �trang�re d�une d�tresse humaine a aggrav� le cas malien. A. E.-T.