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La bulle illusionniste
Publié dans Le Soir d'Algérie le 25 - 01 - 2014


Par Kamal Benkoussa
De 2000 à 2012, le taux de croissance moyen de l'économie s'est élevé à 3,5%, malgré les centaines de milliards de dépenses publiques, dépenses qui ont été multipliées par 3,3 en valeur entre 2000 et 2013, et par 2,7 entre 2006 et 2013. Le prix du baril équilibrant le budget de l'Etat est passé de moins de 60 dollars en 2006 à 110,3 dollars en 2011 et 143 dollars en 2012 (source loi de finances).
En 2006, les dépenses publiques représentaient près de 29% du PIB et 59% du PIB hors hydrocarbures. En 2011, elles s'élevaient à plus de 40% du PIB et plus de 69% du PIB hors hydrocarbures.
Les dépenses de personnel ont été multipliées par 6,6 en valeur, passant de 6,3% du PIB en 2000 à 12% en 2011. Les transferts sociaux s'élevaient à moins de 8% du PIB en 2000, ils sont passés à 12,5% en 2011. Les dépenses en capital totalisaient moins de 9% du PIB en 2000 ont atteint 13,6% en 2011.
Enfin entre 2000 et 2013, les transferts aux moudjahidine ont été multipliés par près de 3 (soit bien plus que pour compenser l'inflation), passant de moins de 900 millions de dollars, à plus de 2,3 milliards.
Dire que ces dépenses n'ont pas eu du tout d'impact sur les conditions de vie des Algériens serait faux. Selon l'Office national des statistiques (ONS), le niveau de vie des Algériens s'est amélioré. L'enquête ménage révèle une hausse importante des dépenses des ménages avec une multiplication des dépenses par 3 en moins de 10 ans. Selon toute vraisemblance, les chiffres employés pour ce calcul ne sont pas en dinars constants. Ils intègrent nécessairement l'inflation, car la considération de quelques ordres de grandeur et du poids de la consommation dans le PIB montrent qu'un tel chiffre est impossible. Quoi qu'il en soit, un plus grand nombre d'Algériens vivent mieux, c'est un fait et cela est dû au pétrole. Mais cette situation est construite sur des fondations fragiles, elle est des plus précaires.
En réalité, il y a donc très peu de raisons de s'enorgueillir de ces chiffres. Avec un tel niveau de dépenses publiques, ce n'est pas 3% que nous aurions dû avoir, mais certainement plus du double. En termes «scientifiques», on dit que l'élasticité du PIB aux dépenses publiques est faible, et c'est un sérieux problème pour le pays, qui plus est, avec un tel niveau de dépenses publiques, n'importe quel pays aurait enregistré une hausse du niveau de vie des ses habitants, nonobstant l'impact sur les inégalités des dépenses publiques.
Pourquoi alors un taux de croissance aussi décevant ?
Une première partie de la réponse est plutôt bien connue et a priori comprise, elle tient à la fois de la façon dont ces dépenses publiques ont été faites et à la faiblesse structurelle de notre économie. En d'autres termes, la croissance a été essentiellement tirée par les projets d'investissement public qui ont consommé en moyenne 15,6% des dépenses publiques entre 2006 et 2011. L'Etat a dépensé beaucoup d'argent, et avec l'avènement du printemps arabe, les dépenses de fonctionnement et les subventions ont connu une hausse fulgurante. Les postes les plus importants des dépenses de l'Etat sont le budget de fonctionnement et l'investissement public. La hausse des dépenses de fonctionnement se décompose en hausse des salaires (avec un effet rétroactif pour certaines catégories dont les salaires ont été multipliés par 3 sur plusieurs années) et l'augmentation du nombre de fonctionnaires. La hausse des salaires a des conséquences négatives sur une économie à court terme, mais également à long terme. D'une part, elle ponctionne une fraction plus importante des recettes de l'Etat et érode ainsi ses capacités d'investissement, d'autre part, la hausse des salaires dans la Fonction publique force le secteur privé à ajuster à la hausse les salaires dans un contexte de très faible productivité du travail. Cela a un impact négatif sur la compétitivité de notre économie et pèse sur la diversification de nos exportations. En effet, la compétitivité de l'économie algérienne a été impactée, et cela a ralenti la diversification de nos exportations. De plus, ce manque de compétitivité de notre économie a également découragé les investissements directs étrangers (IDE) «productifs».
Les dépenses publiques de fonctionnement sont donc non productives avec un léger effet positif sur la croissance du secteur privé, mais cet effet est temporaire.
L'augmentation des effectifs de la Fonction publique permet à court terme de créer des emplois, mais elle pose deux problèmes à terme. En premier lieu, elle crée une lourde charge pour les finances publiques.
En second lieu, compte tenu de la faible qualité du système éducatif et de l'organisation de l'administration, elle ne fait que renforcer l'inefficacité de l'administration et crée une situation encore plus difficile à réformer. De plus, dans un contexte de faiblesse structurelle de l'offre nationale, la hausse des dépenses de fonctionnement a un effet mécanique à la fois sur les importations et sur l'inflation. Les dépenses publiques d'investissement ont eu des effets similaires alors qu'elles sont censées permettre une augmentation du capital dans l'économie et créer un effet d'entraînement sur le secteur productif national. Dans les faits, ce n'est pas ce qui s'est réellement passé dans notre pays, la productivité de l'investissement public est restée faible. Cette faiblesse de la productivité s'explique par le fait qu'elles n'ont pas été accompagnées de réformes «structurelles» pour doper l'économie nationale (création d'entreprises, modernisation et développement des entreprises existantes, amélioration du climat des affaires, etc.). Elle s'explique également par la façon dont les dépenses publiques ont été menées. En effet, les grands projets publics ont donné lieu à l'importation massive de matière première et même de travail non qualifié (les ouvriers chinois notamment). Ce sont surtout des entreprises étrangères qui ont bénéficié des contrats publics, et aucune stratégie de transfert technologique et de capitalisation en termes de savoir-faire n'a été mise en place par les pouvoirs publics. En somme, même si l'Algérie se dote d'infrastructures (elle était en retard dans ce domaine), elle ne le fait pas de façon à créer un réel effet d'entraînement sur le tissu productif national. De plus, aucune réforme ambitieuse n'a été mise en place pour faire en sorte de doper la création d'entreprises et le développement du secteur privé. On peut par ailleurs s'interroger sur la qualité des infrastructures, comme l'autoroute Est-Ouest dont des tronçons entiers sont déjà en réfaction totale (sans compter les dépenses d'entretien qui n'ont pas été prises en compte et qui sont faramineuses).
En conclusion, l'Etat, via ces dépenses, redistribue du pouvoir d'achat qui se retrouve érodé par l'inflation, dépenses, qui, non seulement, tirent insuffisamment le secteur productif local mais surtout exerce une pression à la hausse sur nos importations.
Dans un contexte de stagnation, voire de réduction des exportations d'hydrocarbures, cette politique est suicidaire. Cela est d'autant plus problématique qu'elle aura bien évidemment des conséquences négatives à moyen et long termes. La hausse des dépenses de fonctionnement d'une part pèsera encore plus sur le budget de l'Etat et renforcera l'inertie d'une administration qui est un véritable frein au développement. Il est à parier que l'Etat sera prochainement obligé de rogner sur ses dépenses d'investissement, et cela aura des conséquences négatives sur la croissance au risque d'entraîner l'Algérie dans un cercle vicieux. C'est une explication de la faible réactivité de l'économie aux dépenses publiques, mais elle n'est pas sufisante. Par ailleurs, pour comprendre notre faible croissance, il faut s'interroger sur les raisons qui poussent à dépenser aussi vite autant d'argent. La rationalité économique aurait dû au contraire nous dicter une approche gradualiste : initier des premières dépenses, les évaluer en fonction des capacités d'absorption de notre économie, mettre en place au préalable et en parallèle des réformes structurelles pour accroître la réactivité de l'économie dans son ensemble et du tissu productif local en particulier, lancer un nouveau programme d'investissement public dans une deuxième étape et ainsi de suite. Cette approche est par ailleurs indissociable d'une stratégie de développement qui permette de prioriser et de mieux cibler les dépenses.
Nous savons que ce qui a été fait n'est économiquement pas rationnel, mais garde tout de même une rationalité propre. La peur d'une contagion du «printemps arabe» explique en partie le train des dépenses depuis 2011 et l'allocation des dépenses (comme la hausse des dépenses sociales, les subventions, l'Ansej qui cible directement les jeunes, etc.). Les subventions ont par exemple augmenté de 1,7 milliard de dollars durant cette même période. La loi de finances 2014 prévoit des transferts publics (tous types confondus) qui atteindront 56 milliards de dollars. Cela dit, la hausse des dépenses ne date pas de 2011, elle a débuté bien avant. Certes, l'accroissement des recettes explique celui des dépenses, mais il n'explique pas à lui seul leur nature et leur rythme. La population algérienne, qui se décompose en trois catégories, ne saisit malheureusement pas de la même manière les conséquences de ces politiques. Une première catégorie n'est pas du tout initiée aux grandes questions économiques, aux problématiques budgétaires et aux réformes économiques, etc. Cette catégorie est certainement majoritaire dans la population. La deuxième catégorie comprend mieux ces questions, mais n'est pas forcément très au fait des mécanismes économiques.
La troisième et dernière, qui représente une petite fraction de la population, est non seulement tout à fait consciente de l'inefficacité des dépenses publiques, mais elle a également conscience du lien intime qui existe entre cette inefficacité et la nature des institutions publiques. Lorsqu'on est un Etat en manque de légitimité, dans un régime non démocratique et que l'on dispose d'une manne financière, face à une population qui majoritairement ne comprend pas grand-chose aux questions économiques, il est «rationnel», à court terme du moins, de construire à tour de bras des logements, une autoroute et de se livrer à une distribution effrénée de la rente. Le principal objectif d'une telle politique est de créer l'illusion que le régime politique est capable de créer du bien-être social. La façon la plus simple de le faire, qui soit compatible avec le statu quo institutionnel, est de se lancer dans des projets «visibles» et de dépenser dans des postes qui impactent directement la vie des Algériens et notamment de la clientèle du régime. En période électorale, ceci est encore plus flagrant s'il s'avère nécessaire de renforcer cet effet d'illusion pour mobiliser un maximum d'électeurs. N'oublions pas que l'électorat du régime est majoritairement dans la catégorie qui n'a que faire des enjeux économiques du pays et qui réfléchit, comme le régime, à court terme.
Alors, les «vraies» réformes ne sont pas mises en œuvre et ne le seront pas pour plusieurs raisons. Premièrement, elles ne sont pas compréhensibles pour l'électorat du régime, et pire encore elles peuvent même lui être douloureuses (prenez par exemple la question des subventions qui doivent être remises à plat pour en rationaliser l'usage). En second lieu, elles prennent du temps à avoir un effet sur l'économie et le régime est dans l'urgence du court terme.
Enfin, les réformes s'assimilent à un changement de comportement, et pour qu'il puisse effectivement avoir lieu, il faut transformer le régime politique. Malheureusement, cela ne semble pas être à l'ordre du jour. L'Etat est ainsi engagé dans l'entretien de ce que je qualifie de «bulle illusionniste». L'analogie avec les bulles sur les marchés financiers est saisissante. L'Etat dépense presque sans compter pour entretenir l'illusion, et des pans entiers de la société contribuent à alimenter cette bulle en soutenant le statu quo.
La mauvaise nouvelle est que, comme toutes les bulles, elle finira par «exploser». Cela arrivera lorsque, inévitablement, la politique budgétaire actuelle aura atteint ses limites. Et tout porte à croire que cet horizon est bien plus proche qu'on ne le croit, même sans un choc important sur l'économie.


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