Par Miloud Touati A tous ceux et celles qui ont encore le scoutisme SMA dans le cœur, dans les tripes, dans la peau ou dans un coin de la mémoire veuillez SVP, le temps d'un soupir, jeter un coup d'œil en arrière et saluer respectueusement ce monument pour tout ce qu'il nous a donné pour souffler avec lui sa 75e bougie. Parler du scoutisme aujourd'hui est un exercice délicat dans la mesure où toute la philosophie qu'il prône est devenue aux yeux de beaucoup un ensemble de concepts tout bons à servir aux niais et aux attardés. Il est inadmissible pour ces gens que l'on parle aujourd'hui de fidélité, de loyauté, d'amour du prochain ou de la patrie, de probité, de responsabilité. Pour eux les valeurs qui sous-tendent l'esprit scout vont à l'encontre de ce qui constitue de nos jours la raison essentielle de la réussite sociale. Le gain immédiat et sans limite de la seule et unique richesse qui fait «l'homme» : l'argent. Il est encore en ce bas monde des crédules comme moi, qui croyons fermement que l'homme de demain, ne peut être que celui qui est loyal envers Dieu, qui aime sa patrie, qui respecte son prochain, qui est responsable de sa famille, qui protège le faible, qui aime la nature, qui est propre dans son corps, ses paroles, ses pensées et ses actes. Je suis tout heureux de constater que je ne suis pas seul à demeurer encore accroché à l'esprit scout. Les statistiques du mouvement mondial du scoutisme font état de 28 millions de scouts activant dans 155 pays. Le dernier jamboree tenu au courant d'août 2011 en Suède a regroupé 50 000 scouts venus de plus de 100 pays. Ces chiffres font chaud au cœur. Cela fait évacuer tout sentiment de déprime. Les sites spécialisés deviennent de véritables bols d'oxygène et des fenêtres pleines de promesses pour l'avenir du scoutisme. Alors pourquoi le scoutisme serait-il bon pour les autres et pas pour nous ? Par les temps qui courent, comme il a été dit plus haut, essayer d'expliquer l'esprit scout n'est pas du tout un exercice aisé. Néanmoins en s'appuyant sur l'exemple de nos aînés cette tâche sera plus légère à accomplir. Il y a de cela 75 années, les scouts voulant affirmer avec détermination leur «ALGERIANITE, face à la puissance coloniale, créèrent leurs premiers groupes». Armés de leur seule volonté et comptant sur la protection divine, ils mirent toute leur ardeur pour assimiler les méthodes scoutes telles que définies par le fondateur du mouvement, le britannique lord Baden Powell. En substance, donner une éducation basée essentiellement sur des jeux éducatifs qui développent l'esprit d'équipe et l'esprit d'initiative, aiguiser le sens de la responsabilité, de la débrouillardise et du sacrifice tout en enracinant chez le jeune scout, la crainte de Dieu, l'amour de la patrie, la loyauté envers la famille et le respect de la loi scoute. Ils redoublèrent d'ardeur quant il a fallu adapter ces principes à la situation qu'ils vivaient. Un peuple colonisé par une puissance qui faisait tout pour le dépersonnaliser. Ces jeunes pleins d'abnégation ont foncé, ils ont aussi participé à l'éclosion d'autres groupes à travers tout le pays. Ils venaient de créer l'école du patriotisme. Non contents d'éveiller les esprits et d'enseigner aux jeunes l'amour de la patrie ils se fixèrent comme objectif vital le recouvrement de l'indépendance nationale. Par l'action politique, mais aussi, si nécessaire, par l'action armée. A ce titre les activités de plein air ont constitué de véritables opportunités pour l'apprentissage de la guérilla et le maniement des armes à feu. «SOIS PRÊT» est la devise du scout. Le jour du déclenchement de la guerre de libération, le 1er novembre 1954, nos aînés «ETAIENT PRÊTS». Le départ de quelques chefs vers les maquis ne fut une surprise pour personne et arrosèrent de leur sang la terre d'Algérie qu'ils aimaient plus que tout. Au lendemain de l'indépendance, les scouts rouvrirent grand leurs bras pour étreindre généreusement tous ceux qui ont accouru des quatre coins du pays. Comme hier, les scouts devinrent l'espace idoine pour satisfaire des jeunes et moins jeunes avides d'activités ludiques, culturelles, artistiques, sportives, de découvertes, d'échanges, tout cela dans un esprit scout. C'est à dire dans une collectivité organisée et structurée fonctionnant selon des règles respectées par tous où seules les qualités intrinsèques étaient déterminantes. Pas de riche, pas de pauvre, pas de fort, pas de faible. Le scoutisme a, durant des années, faisant fi du paysage social et politique, été le berceau, beaucoup plus, le vivier d'où émergèrent des Algériens fiers, patriotes et compétents. Il a permis aux jeunes Algériens de toutes conditions de réaliser des rêves. Le scoutisme nous a fait découvrir toutes les villes d'Algérie. Les camps d'été constituaient l'apothéose des activités de toute une année. Le scoutisme a fait de nous des précurseurs de l'écologie, des amoureux de la nature. Les sorties de nuit, les bivouacs, les longues randonnées, hiver comme été, faisaient de nous d'intrépides aventuriers. Le scoutisme a fait de nous des artistes, des hommes de théâtre, des saltimbanques occasionnels car pour le traditionnel feu de camp, chacun trouvait le créneau qui lui permettait de réaliser ses fantasmes. Les uns chantaient d'autres dansaient, certains écrivaient d'autres jouaient, il y a ceux qui composaient et ceux qui interprétaient. Tous s'impliquaient et s'appliquaient avec énormément de bonheur. Le scoutisme a changé notre notion de l'espace pour nous permettre, nous Algériens, de découvrir l'Algérie. Grande était notre fierté quand on avait l'honneur de représenter l'Algérie dans des rencontres mondiales et de faire partie pour quelque temps de l'élite. Le scoutisme a effacé pour nous les frontières et il a insufflé de la vie à l'atlas, recueil des cartes géographiques. Le Maroc, la Tunisie, la France, l'Egypte, le Liban, et d'autres contrées ont été visités par des enfants du groupe. Le scoutisme a aplani nos différences en nous faisant vivre ensemble, dans des espaces réduits jusqu'à ce que nous soyons quasiment identiques. Cela a beaucoup servi plus tard dans nos vies d'adultes. * Il a, heure après heure, ciselé notre force de caractère. * Il a, jour après jour, déchiqueté en lambeaux la peur, la timidité,l'incertitude qui nous habitaient. * Il a, saison après saison, édifié en notre for intérieur ce sentiment de solidarité qui perdure malgré les aléas de la vie. * Il a sans relâche inoculé en nous cette curiosité de tout. * Il a fait de nous des puits intarissables de générosité. Il a fait beaucoup plus que cela. Il s'est substitué à nos proches quand on sentait le vide sous nos pieds. Il a remplacé nos maîtres quand le doute nous envahissait. Il a marqué de sa forte présence nos fêtes et nos deuils. Il a marqué de sa forte présence nos vies. Nul n'a le droit de lui dénier son apport considérable dans la maturation de nos humbles personnalités. A la fin des années soixante-quinze, le scoutisme pour des considérations qui nous désolent est entré en hibernation. Plus de dix années à faire le dos rond avant que le ciel ne s'éclaircisse à nouveau. Le vent de la relance souffla et ramena dans son sillage les enfants d'hier et les replongea dans le monde du scoutisme pur et dur. Sauf que les temps ont changé et que l'environnement est hostile. La concurrence est rude. Comment satisfaire les desiderata d'une jeunesse élevée dans le virtuel et qui n'admet que le palpable? Ces dernières années, bien que ramant à contre-courant, la barque a été maintenue à flot et a même par moment procuré des satisfactions. Cette ténacité, héritage de la vie antérieure scoute est un signe probant de la volonté de tous à demeurer sur la scène du mouvement associatif. Cette scène dont il est le doyen avec ses 75 ans d'âge. Depuis sa création, le scoutisme a vu défiler dans ses rangs des milliers de jeunes, certains pour quelque temps d'autres pour tout leur temps. Il mérite bien de leur part un clin d'œil en reconnaissance de toutes les joies qu'il leur a données. Rendons-lui hommage pour hier, saluons-le scoutisme aujourd'hui. Prions Dieu de lui prêter longue vie. Joyeux anniversaire
