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Savoir et pouvoir : à chacun son Faust
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 08 - 2014


Par Hacène Saâdi
Professeur d'Université
Rarement dans l'histoire des mythes de l'humanité, le rêve d'allier savoir et pouvoir, avec toutes les conséquences (souvent tragiques) que l'on devine, n'a été aussi dramatiquement représenté que dans le personnage mi-historique, mi-légendaire de Faust, et dans la tragédie inimitable qui en a été tiré par Goethe. Nous allons tenter de cerner, dans ce qui suit, ce mythe dans la littérature et dans la réalité.
Il y a toujours eu, au fond de chacun de nous (quelque part enfoui dans notre inconscient collectif), un Faust qui sommeille. Même si Faust n'a pas existé, il aurait fallu l'inventer, car il y aura perpétuellement chez chaque être humain peu ou prou cultivé (ou même pas du tout, la curiosité derrière le fait de vouloir pénétrer le secret de toute chose autour de nous étant ancrée dans nos gènes bien avant l'invention de la culture, qui est l'une des conséquences principales de l'éducation en général, c'est-à-dire les pratiques et usages qui évoluent en connaissances, dans les sociétés humaines) un rêve de vouloir tout connaître, une quête illimitée des lumières du savoir sur toutes choses, êtres compris, laquelle recherche aura comme prolongement inéluctable un pouvoir de contrôle sur l'objet de ce savoir. C'est la conjugaison de ces deux tendances naturelles, qui se sont développées au plus haut point chez certains êtres d'exception, qui caractérise essentiellement le personnage de Faust. Le personnage des «Faustbooks» (de la deuxième moitié du 16e siècle) et plus tard le héros de Goethe, dans le drame éponyme, avait fini par constituer l'un des plus grands mythes de la recherche luciférienne du savoir. Le discours théologien de l'époque a dressé tout un lexique caricatural des feux de l'enfer dirigé contre tout homme soupçonné, dans le jugement dogmatique des théologiens, de s'être écarté du droit chemin, et donc d'obéir (comme conséquence inévitable de cette déviation, pour ces gardiens farouches de la foi) aux caprices du diable ! Nous y voilà. Le destin du Faust de la légende dans l'imaginaire des dizaines et des dizaines de générations de lecteurs et d'auteurs, à travers les continents et les siècles, dans plusieurs langues, s'est définitivement établi, auréolé de mystères, d'arcanes secrets, de magie, de clairs-obscurs ; de son théâtre baroque, de scènes tragiques et romantiques, des adaptations de Marlowe aux représentations cinématographiques du 20e siècle, en passant par le théâtre de l'Age classique, le 18e siècle et le théâtre de Guignol, le 19e siècle romantique, et enfin les adaptations libres au 20e siècle... Toute cette énorme littérature, accumulée depuis cinq siècles, a constitué la figure d'un mythe éternel visité et revisité par des penseurs de tous ordres, au point où chaque auteur aura, un jour ou l'autre, tendance à créer son propre Faust. Il y aurait donc en chacun de nous – au-delà du fait qu'on soit lecteur ou auteur – en toutes probabilités, dans notre désir incommensurable de vouloir connaître le tout et le plus que tout (à l'image d'une espèce de Homoncule des alchimistes au pouvoir surnaturel et prêt à bondir vivant, hors de nous, à tout instant flairant le miracle), un petit ou un grand Faust attendant son heure ! A chacun son Faust. Le premier des grands créateurs de héros devenu le mythe des mythes, est incontestablement Goethe, avec son inimitable tragédie de Faust. Il y eut un Faust de Friedrich Klinger, écrivain contemporain de Goethe, Vie, exploits et descente aux enfers de Faust (1791), mais héros beaucoup plus prosaïque d'un roman qui a sombré dans l'oubli. En pleine période romantique, en France, il y a eu les lithographies de Delacroix, dont le talent original dans la représentation de Faust et Méphistophélès a beaucoup plu à Goethe ; il y a eu, à la même période, la traduction du Faust de Goethe de Gérard de Nerval (1828), qui a ajouté au génie du maître sa propre aura poétique, toujours aussi rayonnante et fraîche, aussi évocatrice de la magie du héros tragique. Il y a le Faust (inachevé) de Paul Valéry, une énième incarnation de Monsieur Teste, beaucoup plus angoissé et amoureux que l'original, un Dr Faust-Valéry sous l'influence d'«Eros énergumène», «source d'extrême énergie», et finalement en proie à un désespoir profond, à un déchirement épouvantable : ce sera son journal intime peu avant sa mort. Chez l'écrivain Allemand, Thomas Mann, il y a aussi un Doctor Faustus (1947), écrit en fin d'une carrière brillante et mondialement connue (tout autant que celle de Valéry) ; un Adrien Leverkühn-Dr Faust qui va de la théologie à la musique, et qui finira par signer un pacte avec le diable, en échange d'un don pour l'inspiration et l'extraordinaire ivresse sensuelle qu'elle procure. Mais, terrible ironie du sort, le héros sera, en fin de parcours, paralysé et aliéné mental. Il y a même eu (là où on s'y attendait le moins, peut-être) un roman de Pierre Mac Orlan, Marguerite de la Nuit (1925), qui reprend la légende, assez travestie et adaptée adroitement (pour faire couleur locale), l'auteur étant servi, en cela, par une imagination féconde, aux années les plus fébriles du Paris de l'immédiat après-guerre, dans le Montmartre populaire avec ses bistrots, ses boîtes de nuit, ses zincs, ses filles des rues... George Faust, vieux reclus de 82 ans, ancien professeur agrégé de grammaire, et tout de même lointain descendant du héros légendaire, habitant un immeuble quelconque non loin de la place du Tertre, ne cessait de se lamenter sur son sort. Un soir, l'octogénaire à la peau du cou qui «pendait comme une peau de dindon», tira son vieux drap jusqu'à son nez «goguenard», et pensa tout haut ; «Un homme, serait-il assez bête pour refuser d'échanger son âme contre une nouvelle jeunesse ?». Le lendemain, il décide de vendre tous ses livres encore en bonne condition de conservation à un bouquiniste du coin. Avec l'argent de la vente, il s'achète un complet, un feutre, des souliers jaunes, etc ; et avec l'argent qui reste il décida d'aller à la rencontre des filles des bistrots et des cabarets de Montmartre et des environs. C'est alors qu'il fit la rencontre d'un certain Léon-Méphistophélès qui boitait un peu (une autre caractéristique du démon ?), qui lui propose un marché : George Faust sera rajeuni de 60 ans, à condition qu'il signe, avec une goutte de son sang, le pacte, et offrir ainsi son âme au Prince des Ténèbres. Le jour d'après, George Faust se réveilla, ô miracle des miracles ! dans le corps d'un jeune homme de vingt-cinq ans ! La suite de l'histoire est stupéfiante, inattendue. La belle Marguerite (une Gretchen des Années folles), rousse aux yeux violets, fille étrange de la nuit montmartroise, devient sa maîtresse et tombe rapidement amoureuse de lui. Par une clause, laissée à l'appréciation du signataire du pacte, il était possible à George Faust de faire signer le pacte par une autre personne, l'important pour Léon- Méphistophélès (un pourvoyeur de drogue, dans la réalité) c'est qu'à l'échéance du pacte le dernier signataire laissera le diable prendre possession de son âme. Par amour pour George Faust, Marguerite signa à son tour le pacte, et du coup le délivra du terrible fardeau que représente la signature du document. Un jour, à contrecœur, elle prendra le bateau pour l'Australie, dans l'espoir de trouver un vieux monsieur pour lui faire signer à son tour le pacte, laissant son ami libre de tout engagement... Nietzsche a créé son Zarathoustra, personnage-clé de son œuvre philosophique, un peu comme Goethe a construit le drame de Faust, son œuvre majeure. Le génie de Nietzsche nous renvoie l'image parfaitement amalgamée d'un maître de la Haute Renaissance italienne et d'un prophète moderne, dont les principales tendances de l'œuvre (Volonté de Puissance, Gai Savoir, Eternel Retour) s'érigent sur les décombres de vingt-quatre siècles de philosophie occidentale. C'est la conquête avec toute la joie et toute l'énergie du désespoir, de la liberté intérieure, incarnée par Zarathoustra qu'il nous laisse en héritage. Zarathoustra, du haut de sa montagne, tel un Titan sur sa cime, dira, au bord de l'extase : «Tout homme porte en lui cette double nostalgie de la hauteur intellectuelle et de la pureté morale. En tout esprit deux ailes tendent à s'éployer : le génie et la sainteté.» L'élan unique vers le spirituel de Nietzsche, et son chant irrésistible du poème de la vraie Vie, figurent pour nous la poursuite jusqu'à l'extase, jusqu'à la limite de la connaissance, de l'inconnaissable ou de l'inconnaissant, de ce rêve de liberté, et c'est pour cela que Zarathoustra est l'incarnation dionysiaque du Dr Faust. La quête infinie, inlassable, jusqu'à la mort, jusqu'à la folie même, du dissolvant universel et de la Pierre philosophale ou l'élixir de longue vie (pour un pied dans l'éternité), a été (et l'est encore) celle des alchimistes de tous les temps. C'est aussi l'un des plus grands rêves de Faust. Dans le monologue de la première partie du drame, Faust, au milieu de ses livres, de ses alambics, cornues et autres instruments qui constituent l'essentiel de ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui le laboratoire de l'alchimiste, énumère, avec lassitude, toutes les connaissances – considérables pour l'époque – qu'il a pu achever, et constate avec une grande amertume qu'elles ne l'ont mené nulle part : «Philosophie, hélas ! Jurisprudence, médecine, et toi aussi, triste théologie !... Je vous ai donc étudiées à fond avec ardeur et patience : et maintenant me voici là, pauvre fou, tout aussi sage que devant. Je m'intitule, il est vrai, Maître Docteur, et, depuis dix ans, je promène çà et là mes élèves par le nez. – Et je vois bien que nous ne pouvons rien connaître :...(...) Il ne me reste désormais qu'à me jeter dans la magie... (Si enfin je pouvais connaître tout ce que le monde cache en lui-même, et sans m'attacher davantage à des mots inutiles, voir ce que la nature contient de secrète énergie et de semences éternelles : (Faust : 1re partie de la tragédie. Edition de Jean Lacoste. Le livre de Poche Classique, 2007, pp.63-64. Traduction de Gérard de Nerval.) «Voir ce que la nature contient de secrète énergie et de semences éternelles » n'est, ni plus ni moins, que le programme surdimensionné et démentiel des alchimistes. Si la physique des particules («particules élémentaires» dans le vocabulaire de la physique contemporaine) qui peut décrire et expliquer les propriétés de la matière
et les forces (entre autres, la force électromagnétique) qui s'exercent entre les différentes parties la constituant, d'une manière à sidérer le lecteur naïf, peut plus ou moins prétendre connaître (mais il reste encore beaucoup à découvrir dans ce domaine) le secret de la matière, de la transformation et de la conversion de l'énergie, cela n'empêchera pas les grands physiciens de produire, un jour ou l'autre, de l'or, en quantités désirables, en accélérant les atomes de plomb à des vitesses inouïes ! C'est fondamentalement, une question d'éthique, et la conscience du grave danger (tout autant que la fusion de l'atome et de ses effroyables conséquences destructrices) que cela représenterait pour l'équilibre des valeurs (et poserait, à long terme, la question cruciale de l'or comme monnaie de référence pour l'ensemble des pays de la planète), qui les retiendraient sérieusement de se lancer dans une telle aventure. Alors, ces nouveaux physiciens sontils des Faust en puissance ? Ont-ils enfin résolu l'éternel problème des alchimistes ? Sont-ils sur le point (imminent !) de connaître tous les secrets de la matière ? Autant de questions qui ne nécessitent pas de réponses décisives, péremptoires, tranchantes, mais bien plutôt une longue et patiente recherche, non pas pour avoir en fin de parcours des résultats qui répondraient à notre attente, mais pour la pure joie de la recherche, quelle qu'en soit l'issue, et aboutir enfin à une sagesse stoïcienne.


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