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Enquête-Témoignages
La souffrance de ceux qui sont entre deux feux
Publié dans Le Soir d'Algérie le 06 - 12 - 2014

Dans l'Algérie d'aujourd'hui, il faut s'imposer certaines haltes afin d'objectiver la lecture et le décryptage de phénomènes et comportements sociaux devenus récurrents. A cet effet, la psychologie s'avère un excellent registre de questionnement. Par exemple, lorsqu'il s'agit de comprendre la souffrance mentale des personnes. 
Les cas suivants reflètent probablement un malaise collectif plus général, révélateur d'une crise de société.
Salima, 32 ans, couturière
Elle consulte le psychothérapeute pour un motif récurrent : «Aidez-moi à trouver un mari !» Salima, l'aînée de ses quatre sœurs, met souvent en avant la souffrance de sa mère qui n'a pu marier aucune de ses filles.
Constatant que la psychothérapie ne répondait pas à ses attentes, elle l'interrompt à chaque fois qu'intervient une rupture avec un prétendant. Salima ne revient en consultation qu'après l'apparition d'un nouvel homme dans sa vie. Elle en est à sa quatrième relation en deux ans de prise en charge, entrecoupée d'arrêts plus ou moins prolongés. 
Au cours de l'une des dernières séances, elle confie au psychologue : «Je viens d'être demandée en mariage par quelqu'un que j'ai connu par internet. Cet homme est issu d'une famille aisée, mais il a perdu ses deux jambes à la suite d'un accident de voiture». Elle précise que tout se passe bien entre eux, ayant seulement peur qu'il change d'avis. Et pour cause, ajoute-t-elle avec inquiétude : «Cela fait une semaine qu'il ne m'a pas appelée, et son téléphone est toujours occupé. Je crains qu'il ne veuille plus de notre mariage, ou alors il a rencontré une autre femme.»
Djamel, 38 ans, ingénieur
Originaire du sud, Djamel est père de quatre enfants. Sa femme et ses enfants vivent chez ses parents et lui travaille à Alger. Il leur rend visite une fois tous les quinze jours. Djamel est très attaché aux traditions et coutumes de ses ancêtres. Tout a basculé le jour où il a connu une collègue de travail. «Avec elle, j'ai développé un sentiment amoureux. Quelque chose de nouveau et de fort jamais ressenti auparavant», raconte-t-il. Une année après la rencontre, Djamel se trouve confronté à un problème de conscience : il ne peut entretenir une relation extraconjugal interdite par les traditions et la religion. Aussi, il décide précipitamment de se marier avec sa collègue après accord de sa première femme. Quelques mois après le mariage, Djamel se retrouve en consultation chez le psychologue
. Il vit un déchirement aigu en raison d'un sentiment de culpabilité, du fait de ne pas pouvoir satisfaire les deux épouses. «Les deux revendiquaient leurs droits les plus stricts, y compris sexuels», dit-il. Epuisé par de profondes contradictions et étant incapable de répondre aux exigences de ses deux femmes, Djamel se résigne à suspendre les deux relations conjugales pour ne maintenir que des liens officiels avec ses enfants.
Karima, 33 ans, pharmacienne
Dynamique, intelligente, cette jeune femme consulte pour un vaginisme ne répondant à aucun traitement.
Son état s'est aggravé à la suite d'une incision chirurgicale. La prise en charge thérapeutique a duré quatre ans. Au cours des séances, Karima saisit parfaitement le lien entre son malaise et son vécu infantile lourdement pathogène. «Mes parents ont divorcé quand j'avais cinq ans. Ma mère s'est débattue toute seule pour élever ses quatre enfants», confie-t-elle au psychologue. Depuis son mariage, Karima ne comprenait pas pourquoi elle restait attachée à son époux. Pourtant, tout indique des incompatibilités entre les deux : différence de niveau socioprofessionnel, opposition de caractères... Elle entame une procédure de divorce malgré l'opposition de sa mère. En parallèle, elle noue une relation amoureuse avec un collègue de travail. Grâce à ce dernier, elle a enfin une vie sexuelle harmonieuse.
Abdenour, 45 ans, chef d'entreprise
Marié et père de deux filles, Abdenour est l'aîné de cinq frères et sœurs. Il consulte le psychologue parce qu''il souffre dans sa vie sexuelle. Première séance de 45 minutes et, déjà, les larmes et une forte émotion. Abdenour pleure pendant trente bonnes minutes avant que le psychologue comprenne enfin le motif de la consultation. «J'ai trompé ma femme ! Mais comment cela a pu m'arriver à moi ? Il a suffi qu'elle parte chez ses parents pour quelques jours pour que je profite de son absence et la trompe», parvient-il à articuler. Puis il donne un peu plus de détails. Et là, le psychologue apprend que la culpabilité du patient est, en réalité, en rapport avec des films pornographiques qu'il avait vus durant l'absence de sa femme. Le psychothérapeute comprend que la relation conjugale de Abdenour est extrêmement fragile. Le cas nécessite un profond travail psychothépique qui lui permette d'avoir une meilleure jouissance sexuelle avec son épouse.
De l'avis du Dr Nacir Benhalla, les quatre cas cités montrent clairement le poids de la pression sociale.
«Tout se passe comme si les personnes ne découvrent la sexualité que dans le cadre de la légitimité socioreligieuse. Un certain idéal est imposé à tous et que les personnes doivent respecter coûte que coûte, même au détriment de leur équilibre psychologique», fait-il remarquer.  Dans les quatre cas, il est clair que la lucidité de la pensée consciente survient ultérieurement à l'obéissance inconditionnelle aux exigences de la société. «Dans le premier cas, la personne veut à tout prix se marier, et cela juste par souci du qu'en-dira-t-on. 
Le remariage du deuxième cas intervient aux fins de légitimer un désir extraconjugal. Dans le troisième cas, la femme consulte pour être aidée à divorcer, après qu'elle se soit rendu compte que l'obéissance aux règles admises a aggravé son vaginisme. Enfin, le quatrième cas illustre clairement qu'une légitimité imposée par les sacro-saintes lois du mariage risque d'être remise en cause à la moindre occasion. L'acceptation profonde des conjoints ayant été ignorée, la situation échappe au contrôle à un moment où le surmoi manque de vigilance, baissant la garde. D'où le dérapage de Abdenour», commente le psychologue. Ces quelques indices cliniques (ou symptômes) traduisent manifestement un syndrome de malaise culturel et psychique, résume le Dr Nacir Benhalla. Il explique le phénomène de la souffrance mentale par le mal-être, l'absence d'exutoire... «Cette souffrance est intimement liée au vécu socioculturel et à la faiblesse criarde des canaux et autres moyens d'expression», souligne-t-il. Le vide ainsi généré a pour effet, selon lui, «de freiner les pulsions et de favoriser une dynamique régressive, voire un attachement aux premiers objets d'amour». Autrement dit, «il s'agit d'une souffrance essentiellement œdipienne, dans le sens où les personnes vivent un attachement excessif à la mère et d'autant plus fort qu'il les empêche de se projeter vers des identifications souples et efficaces». La problématique de leur souffrance, elle, s'articule autour de la dualité désirs-défenses. 
«Dans notre société, les désirs sont très importants. Favorisés par un idéal (le moi), ils sont cependant réprimés (par un surmoi exigeant et sévère). Le sujet se retrouve tiraillé entre la force des désirs émanant de l'intérieur et la toute puissance du socioculturel qui, lui, représente l'environnement extérieur», rappelle-t-il. Et quand l'individu cède à la tentation et transgresse les interdits, c'est parce que, explique le psychologue, «la force pulsionnelle est très importante». Dans ce cas, «le sujet est rattrapé par un fort sentiment de culpabilité. Il éprouve de la honte, des regrets qui sont souvent à l'origine d'une décompensation».


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