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Walid Joumblatt au Soir d'Algérie :
«L'armée libanaise est très solide»
Publié dans Le Soir d'Algérie le 29 - 04 - 2015


Propos recueillis par Malika Boussouf
[email protected]
L'incontournable chef druze
Walid Joumblatt est un homme-clé dans la vie politique libanaise. Pendant que j'attends une réponse à ma demande d'interview, j'interroge des confrères à propos du personnage qu'il incarne. En majorité, on me répond en souriant. «Rassure-toi, il va te l'accorder ton entretien parce qu'il en donne, en général, plus à la presse étrangère qu'à la presse locale.»
Je comprends la démarche, plus intéressante pour un homme politique dont le souci de communiquer est plus orienté vers l'extérieur. Un comportement militant censé servir la logique partisane et, au-delà, la cause libanaise. Sans doute M. Joumblatt sera-t-il moins contrarié par mes questions que par celles de la presse locale. Mes confrères libanais vont l'interroger sur la politique intérieure et son rôle à lui, à cheval entre deux options. Comme par exemple celle qui consiste à approuver, d'une part, la résistance du Hezbollah à l'égard d'Israël et à rejeter, par ailleurs, son implication dans le conflit syrien et son appui au régime de Bachar el-Assad. La presse étrangère à laquelle j'appartiens va, elle, lui poser des questions de politique générale relatives à l'avenir d'un Liban à la recherche d'équilibre entre une guerre syrienne d'un côté et Israel de l'autre.
Ce sur quoi personne n'aime s'étendre, par ailleurs, c'est la résistance dont on parle au Golan et qui n'a rien de comparable à celle menée au Sud Liban. Dans le Golan, Il y a quatre villages druzes et les Druzes, nous dit-on, ne sont pas du tout fiables. C'est la seule communauté, non juive, que l'armée israélienne intègre et compte, donc, dans ses rangs. Organiser une résistance là où les Israéliens ont de sérieux alliés devient, dès lors, chose impossible.
La question qui se pose pour la communauté à laquelle appartient le leader du PSP et qui joue un rôle intéressant dans cet équilibre entre les frères ennemis chiites et sunnites, c'est si elle restera unie en tant qu'entité ou subira-t-elle les divisions induites par les allégeances, pour une partie d'entre elles à Israël et pour l'autre à l'Etat libanais. En fonction donc de la région où les siens se trouvent implantés.
Ce qui est reproché à Walid Joumblatt qui se veut être le chef de tous les Druzes, c'est une position très ambiguë là-dessus. Tantôt il a exhorté les Druzes de Syrie à se soulever contre le régime convaincu peut-être qu'il était que le régime allait chuter. Il leur a, plus tard, enjoint de rester à l'écart. Que dirait-il aujourd'hui aux Druzes d'Israël ? A-t-il encore de l'influence sur cette petite communauté où les familles sont très liées les unes aux autres ? Ce qu'il faut retenir comme constance dans la politique du chef de file qu'il est, c'est son acharnement à défendre et à vouloir épargner sa communauté.
Pourquoi il était, par ailleurs, important de rencontrer Walid Joumblatt ? Il se trouve qu'aujourd'hui, ce dernier joue un rôle très important dans le sens où le Camp du Futur et celui du Hezbollah ayant à peu près le même nombre de députés, c'est à son parti, le PSP, que revient le pouvoir de faire et défaire la majorité parlementaire.
Les deux camps, celui du 8 Mars et celui du 14, étant en pleines négociations, pourraient, cependant, s'entendre et mettre fin à ce rôle-clef qu'il ne joue que parce que les deux camps sont en conflit et que chacun des deux a besoin de lui pour faire pencher la balance en sa faveur. Même si on se doute bien qu'il s'agit là de pures spéculations et que ni les uns ni les autres ne sont prêts à faire bloc ou même à s'entendre sur un peu plus que le minimum.
On dit de Walid Joumblatt qu'il est proche de Jeffrey Feltman, le secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires politiques. A sa dernière rencontre avec lui, Feltman lui aurait suggéré la prudence, de ne pas faire de vagues et de garder ses distances par rapport au problème syrien qui allait durer plus longtemps que prévu. Ce qui risque de devenir insupportable et pour l'Etat libanais qui dépense beaucoup plus qu'il ne peut et pour les Libanais qui n'en peuvent plus. Le chef druze s'oppose à des pourparlers avec le régime syrien mais ne propose rien en échange qui allège le fardeau libanais dû à la présence massive syrienne.
Walid Joumblatt serait-il un pessimiste né ? Ce qui reste une certitude c'est qu'il est un homme raffiné, qui a de l'éducation et du goût. Il parle bien, il a de la culture, il lit beaucoup... Ce qui, selon une amie à moi, serait rare chez les Libanais.
M. B.
Le Soir d'Algérie : M. Joumblatt, peut-on dire du Liban qu'il est un petit pays, dans une grande guerre ?
Walid Joumblatt : Nous faisons partie de la grande guerre. Sans compter que le Liban est un pays divisé. Sur le plan des opinions mais aussi sur celui des sectes. D'un côté, nous avons un parti militant qui représente une grande partie des chiites, à savoir l'Iran. Vous vous retrouvez avec une présence iranienne sur la Méditerranée et d'un autre, nous avons le régime syrien.
Vous faites allusion au Hezbollah quand vous évoquez l'Iran ?
Oui ! Le Hezbollah qui est anti-israélien et qui en a fait la preuve dans son combat en 2006 et même avant ! D'un autre côté, vous avez les musulmans sunnites qui se sentent frustrés de par le fait que leurs coreligionnaires en Syrie sont persécutés de façon massive. Plus de 10 millions de Syriens sont réfugiés, aujourd'hui, soit dans leur propre pays soit à l'extérieur, au Liban, en Jordanie, en Turquie ou ailleurs. Avec cela, vous avez l'image d'un monde arabe en constante régression. On revient sur le schisme sunnites/chiites qui fait des cycles, qui apparaît sans crier gare et disparaît de la même façon.
Le mélange de tout cela, dans un tout petit pays, explique pourquoi les regards sont aujourd'hui braqués non seulement sur le Liban, mais aussi sur toute la région. Pour l'instant, nous nous en sortons plutôt bien. Mais à long terme, je l'ignore. Les oppositions absurdes actuelles ne vont ni résoudre le problème du califat qui remonte à l'époque de la succession de Mohamed ni celui du martyre de Hussein.
Pensez-vous, vraiment, que ce soit le but actuel ? Vous croyez à une guerre de religions ? Vous pensez sérieusement que derrière toutes ces agressions et toute cette violence revendiquée par Daesh, Al Nosra et autres groupes terroristes, il y a une volonté d'asseoir un pouvoir religieux ?
Disons que, si nous le prenons sous un autre angle, il y a, quelque part, cette islamophobie grandissante en Occident. Mais il faut aussi comprendre, même après l'acte odieux contre l'hebdomadaire satirique français, qu'à travers le monde, d'Afghanistan jusqu'en Palestine, en passant par l'Irak, il y a un musulman qui se sent persécuté. Pour des raisons économiques, pour des raisons colonialistes... Ce n'est pas un hasard si ceux qui ont commis l'attentat à Paris sont des Algériens. C'est une longue histoire, le colonialisme algérien. 132 ans et pas que d'occupation...
Vous pensez qu'ils ont intégré dans leur mémoire le colonialisme français ? Ils auraient été à ce point concernés par la question algérienne ? A part qu'ils sont nés en France et pas en Algérie, et que l'Algérie ne leur a rien demandé. Que dire, alors, des Français de souche et autres Occidentaux qui épousent allègrement les causes terroristes de Daesh ?
Il y a des musulmans qui se sentent agressés et qui réagissent. Le point de repère pour les musulmans c'est La Mecque. C'est Karbala pour les chiites et c'est aussi Jérusalem. Il y a d'autres facteurs dont l'Occident n'est pas responsable : l'analphabétisme, le sous-développement engendré par des dizaines d'années de totalitarisme, d'autoritarisme. Au lieu d'avoir des révolutions arabes, nous tombons dans l'islam radical. Je ne suis pas en train de dédouaner l'Occident qui a soutenu les régimes totalitaires et porte donc une sérieuse responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui. De Saddam Hussein à Hafez el-Assad, de Moubarak à Kadhafi, il les a appuyés et en a profité à fond. Aujourd'hui, le voilà désemparé qui ne sait plus quoi faire.
A propos du printemps arabe, pense-vous que la déstabilisation de la Tunisie et de l'Egypte visait celle de la Syrie ?
Non ! Je ne suis pas d'accord. En Syrie nous avons affaire à un régime dictatorial qui dure depuis les années 1960. Depuis que le père Assad a pris le pouvoir en 1970. Après 45 ans d'autoritarisme, les populations en ont assez. Dès le début des manifestations civiles et durant six mois, le régime dirigé par le fils Bachar n'a pas arrêté de tuer. Il a fini par obtenir ceci : une guerre sectaire. Durant six mois, les manifestations d'ordre politique étaient pacifiques, les contestataires n'étaient pas armés. Quand on s'est mis à leur tirer dessus, à les torturer et que les disparus ont commencé à se compter par milliers, ils n'ont pas eu d'autre choix que celui de prendre les armes.
On l'accuse d'avoir regardé, avec complaisance, Daesh accomplir sa sale besogne...
Avant cela, il les a utilisés en Irak soi-disant contre l'occupation américaine mais dans l'Irak de Nouri al-Maliki. Il a envoyé des centaines d'attaques-suicide là-bas. Quand vous utilisez, de façon aussi démoniaque, ce genre de monstres, ça finit par se retourner contre vous. Les Etats-Unis en ont fait l'expérience avec Ben Laden.
Vous pensez donc que Daesh est une création locale ?
En grande partie oui ! C'est une création locale. Ses leaders étaient, dans leur grande majorité, emprisonnés dans un camp américain en Irak. Ce sont les adeptes d'un certain Abou Mosaab El Zerkaoui. Et cela s'est développé parce que là-bas, à l'inverse de la Syrie, il y a le pouvoir de Nouri al-Maliki. Appuyé par l'Iran, il a opéré une fâcheuse ségrégation anti-sunnites. Du coup, avec les anciens Baâthistes qui se sont joints à eux, cela a donné l'organisation de l'Etat islamique en Irak et au Levant (l'EIIL).
Comment, selon vous, l'armée libanaise tient-elle encore le coup ?
C'est une institution très solide. Il est vrai qu'aux derniers moments de la guerre civile dans les années 1980, elle s'était disloquée. Elle s'est, ensuite, ressoudée. L'esprit de corps à pris le dessus sur l'esprit sectaire. Heureusement. C'est-à-dire que jusqu'à maintenant, les divergences entre le Courant du Futur de Saad Hariri et le parti de Hassan Nasrallah concernaient l'intervention du Hezbollah en Syrie et son soutien au régime de Bachar el-Assad. Aujourd'hui, les deux sont impliqués. Une partie de al Mostaqbal est en Syrie. Sans compter qu'environ 900 Libanais seraient engagés, là-bas, auprès de Daesh.
Daesh ne fait pas de quartier. Ses membres s'en prennent aussi à des sunnites...
Ça, c'est autre chose. Les horreurs que commettent les membres de l'Etat islamique, les décapitations, etc., parce qu'ils sont très forts sur le plan médiatique, font, hélas, oublier au public les dizaines de milliers de disparus en Syrie. Les tortures infligées aux Syriens. Les villes entières qui ont été rasées. Il ne faut pas oublier cela. Il ne faut pas blâmer le Libanais, le Jordanien ou le Saoudien qui vient combattre en Syrie. Je ne suis pas en train de cautionner ce qui s'y passe. Je parle en tant qu'observateur. Il faut, par ailleurs, garder à l'esprit la grande envergure du conflit. Vous avez d'une part un empire perse, et de l'autre un monde arabe décadent. Pour l'instant, les grands acteurs sur la scène proche-orientale sont les Perses, les Turcs, qui ont leurs propres ambitions, et le poison israélien.
Vous parlez d'environs 900 Libanais partis en Syrie combattre aux côtés de Daesh. Comment, selon vous, les Libanais voient-ils l'afflux de réfugiés syriens ?
Nous n'avons pas pu, à cause de nos différences sectaires, confessionnelles et politiques, monter des camps pour accueillir des réfugiés syriens. Il y a en plus un racisme latent chez le Libanais. Près d'un million et demi de Syriens sont réfugiés ici. C'est environ le quart de la population libanaise. Dispersés à travers le territoire, les Syriens vivent dans des conditions misérables, surtout dans le nord et dans la Bekaa. Un jour, ce Syrien rentrera chez lui. Pour l'instant, il n'a pas où aller. Dans son pays tout est détruit ! Alep, Homs et une partie de Damas... Tant que Bachar el-Assad sera au pouvoir, ils ne pourront pas rentrer.
Même si je comprends certaines phobies libanaises, nous n'avons pas le choix. Il faut apporter aux Syriens un minimum d'aide. Leur donner les moyens de vivre dignement. Et on ne le fait pas.
Comment, selon vous, s'organise la résistance contre Israël à partir des villages du Sud Liban ? Parce que là-bas, aussi, vous avez diverses communautés qui y sont installées...
La résistance contre Israël au Sud Liban est passée par différentes phases. Avant, vous aviez l'alliance palestino-progressiste, ensuite, la résistance nationale libanaise, puis est venue la résistance islamique, donc le Hezbollah. N'oublions pas le mouvement Amel dont ce dernier est issu. Maintenant, le Hezbollah a une infrastructure militaire impressionnante. C'est un mouvement très bien organisé avec des moyens très puissants. Ses membres sont dévoués à la cause et ont la foi. Les différentes invasions israéliennes au Liban ont causé des dégâts terribles. De grandes pertes matérielles et humaines. Mais le Libanais, avant communiste, aujourd'hui islamiste, après avoir été, aussi, socialiste, a résisté et battu l'Israélien.
Vous soutenez cette résistance ?
Je la soutiens. Je ne peux que soutenir toute action contre Israël. C'est un axiome ! Mais il est vrai qu'un jour, je souhaiterai, en tant que Libanais, que cette résistance devienne celle de l'Etat libanais et pas d'un parti. Cela n'est malheureusement pas dans nos moyens. Cela nous dépasse parce qu'il s'agit là d'une confrontation beaucoup plus large qui se livre sur la scène moyen-orientale.
En même temps, le fait que le Hezbollah dispose d'autant de moyens permet à l'armée libanaise de tenir le coup, non ?
Oui et non. Peut-être qu'à mon niveau je peux comprendre la situation mais il y a un citoyen libanais quelque part qui a besoin d'une certaine sécurité et qui se dit qu'il est temps d'avoir un Etat qui soit souverain dans la prise de décision de la guerre ou de la paix. C'est ainsi que cela se passe dans tout Etat normal. Nous assistons, aujourd'hui, à un nouveau phénomène. A l'émergence d'entités non étatiques qui deviennent plus puissantes que les Etats. Comme le Hezbollah, les Houthis, Hamas. Qui sait s'il n'y aura pas, peut-être, un jour un Hezbollah syrien ?
La question du soutien au Hezbollah se pose d'autant plus que ce dernier suscite des réactions violentes comme celle de Samir Geagea en rapport avec la riposte du parti chiite à l'attaque de Quneitra fin janvier dernier...
Le Hezbollah ne pouvait pas ne pas riposter à une agression israélienne. Ce sont les Israéliens qui ont agressé et tué les militants du Hezbollah et le général iranien présent sur les lieux. Le Hezbollah a riposté de façon très intelligente parce que là où il y a eu l'opération, c'est une terre, à l'origine libanaise, sous souveraineté syrienne. Hassan Nasrallah parle de terre occupée. Les fermes de Chebaa sont une terre que nous réclamons. Pour les récupérer, il faudra que Syriens et Libanais se mettent d'accord sur la délimitation des frontières. Nous n'avons pas pu le faire pour l'instant.
Pourquoi ne croyez-vous pas à l'émergence, à l'existence de deux Etats, palestinien et israélien, côte à côte ?
A la suite de la signature, en 1993, des accords d'Oslo, deux thèmes principaux ont été mis à l'écart : le statut de la mosquée de Jérusalem et les colonies. Depuis, les colonies se sont multipliées. Il faut compter entre 700 000 et 800 000 colons en Cisjordanie. Qui va les déloger ? En même temps, vous avez le camp de la paix en Israël qui fait marche arrière, le camp des laïcs qui lui aussi recule et ce sont les ultra-orthodoxes de Netanyahu qui gagnent du terrain. L'Occident ne fait rien dans ce sens.
L'Europe et l'Amérique, pour faire aboutir l'idée de deux Etats, pourraient arrêter les subventions économiques, arrêter l'importation des produits israéliens. Pensez donc ! ça commence, timidement, dans certains pays d'Europe mais l'aide massive américaine supplante tout.
Il y a surtout une autorité palestinienne sous occupation et qui est réduite à ne rien faire...
C'est exact ! cela rappelle Laval et Pétain avec les Allemands. C'est vrai qu'ils essaient de faire mais ça s'effrite lentement. Le Fatah de Yasser Arafat, de Khalil El Wazir, Abou Jihad, Abou Iyad n'existe plus. J'ai vécu cela. J'ai eu l'occasion de côtoyer tout cela du vivant de mon père et après son assassinat. J'ai eu le plaisir et l'honneur de rencontrer à trois reprises Nasser. J'ai rencontré une fois Boumediene. Avec Arafat, nous avons lutté pendant des années ici contre Israël et contre la droite libanaise. A l'époque on les appelait les isolationnistes. J'ai connu cette période qui maintenant n'existe plus.
Vous pensez que le monde est devenu moins combatif ?
Non ! Pas du tout ! Je suis Arabe. Mon étiquette de base est que je suis Arabe. L'arabisme n'existe plus. A présent c'est l'islamisme. Dire que ça me plaît, non ça ne me plaît pas. Mais parfois, il faut l'accepter. Si le seul moyen de combattre Israël, c'est l'islamisme, alors ahla wa sahla ! Qu'il soit le bienvenu. Parce que dès le départ, c'est un corps étranger, un corps colonial implanté au cœur du monde arabe.
Et vous croyez réellement en la capacité de l'islamisme de résoudre le problème de l'occupation israélienne ?
Oui ! Tôt ou tard, il le fera.
Qu'entendez-vous par islamisme ?
L'islamisme militant comme celui du Hezbollah.
En tant que chef incontesté des Druzes, est-ce que votre voix est entendue ?
Non. Parce que j'ai un problème avec les Druzes de Syrie qui se sont alliés à Bachar el-Assad. Ils ont été utilisés par le régime pour réprimer le peuple syrien. J'ai essayé de lancer plusieurs appels. Cela n'a rien donné. Maintenant, ça commence à bouger lentement. Au bout de quatre ans, cela devient une guerre d'usure. Ils refusent, de plus en plus, de servir dans l'armée régulière qui réprime son peuple. C'est un bon signe mais ce n'est pas suffisant.
C'est cela qui fait que vous tenez des propos très pessimistes sur l'avenir de la Syrie ?
Les accords Sykes-Picot qui ont créé l'Irak, la Syrie, la Jordanie et tracé de nouvelles frontières pour mettre un terme à l'hégémonie de l'empire ottoman sont en train de voler en éclats. Les frontières en question n'existent presque plus. L'Irak est disloqué entre Kurdes, chiites et sunnites ; la Syrie entre alaouites et sunnites. J'espère que les Druzes seront épargnés. Les anciens Etats centralisés étaient à l'époque des Etats-nations. Se sont, ensuite, imposées les dictatures du Baâth. Le plus terrible dans le monde arabe c'est le Baâth. Le cancer du monde arabe, c'est le Baâth. Maintenant, tout cela est en passe d'exploser.
Où situez-vous la place des minorités dans le Liban ?
Une minorité est en grand danger dans le monde arabe musulman, c'est la minorité chrétienne. La perte de la présence chrétienne dans le monde musulman est une perte terrible. Qu'elle soit culturelle ou politique, c'est une perte irréparable. Ils faisaient partie de ce monde arabe avant l'Islam. En Irak, avec ce qui s'est passé à Mossoul, nous avons vu comment les églises et les sanctuaires chrétiens ont été détruits. En Palestine il en reste 1%, au Liban peut-être 25%.
En Syrie, si cet état d'instabilité perdure, les chrétiens ne pourront pas et ne resteront pas. Il est, là, le véritable danger pour les pays arabes musulmans. Pour le reste, voyez comment même les alaouites sont entraînés par Assad dans une guerre à outrance. Ils ont enregistré des pertes terribles et j'ignore comment ils vont s'en sortir. Ils ont soutenu Assad contre leur volonté mais ils ne s'attendaient pas à cela. Comment tout cela va se terminer ? Je ne peux pas le prédire. Peut-être y aura-t-il un bastion alaouite quelque part au nord, à côté de Homs ? Peut-être, je ne sais pas.
En dehors d'être pessimiste à son propos, comment voyez-vous l'avenir de la Syrie ?
La Syrie que je connaissais, celle qui faisait office de pivot central dans le monde arabe va voler en éclats.
Vous voulez dire que l'avenir de Bachar el-Assad est scellé ?
Oui, ses jours sont comptés.
Pourtant, même si l'on n'a pas cessé d'appeler à sa déposition, il est plus que jamais là !
Ce qui s'est passé en France, les attentats, l'organisation de l'Etat islamique, a détourné les regards des crimes de Bachar el-Assad. Ce qui ne veut pas dire qu'il a encore de longs jours devant lui. Il est impossible que la population syrienne lui permette de rester à la tête du pays.
Un de ces jours, il se prendra une balle dans la tête et subira le sort qu'il mérite. Les rebelles syriens le déposeront. Je suis contre le courant actuel et avec les rebelles syriens quelle que soit leur origine.
Sur ce plan-là par contre, vous êtes optimiste...
Tout à fait optimiste ! Avec lui prendra fin la succession par filiation. Le pouvoir héréditaire.
On dit de vous que faites et défaites la majorité au Parlement. Votre position d'homme-tampon qui permet d'atténuer les tensions entre sunnites et chiites est indispensable à la stabilité environnante. Quel impact aurait, sur le rôle que vous jouez, le dialogue actuel amorcé par les frères ennemis ? Hezbollah et Al Mostaqbal discutent en ce moment, chose impensable il y a quelques mois encore. Ils pourraient se mettre d'accord à votre détriment...
Je ne les crains pas du tout. J'ai simplement pris une position médiane qui consiste à ne pas voter à la présidentielle pour deux candidats, Michel Aoun et Samir Geagea. C'est pour cela que notre bloc parlementaire composé de 11 éléments, ce n'est pas grand-chose sur 128, a opté pour un candidat modéré de par son histoire et l'histoire de son père : Henri Hélou. C'est très simple. Qu'ils se mettent d'accord et que le jeu démocratique prime sur les autres contingences. Par le vote ! Il n'y a pas de problème pour moi.
J'accepte les règles du jeu. Mais je ne me désisterai pas de M. Hélou. Que l'on n'y compte pas. C'est une position de principe. Mais il faudrait, surtout, que cela débouche sur une décantation des relations sunnites/chiites. Tout le monde n'est, hélas, pas convaincu de l'issue de ce dialogue.
Revenons aux réfugiés syriens. Pourquoi parle-t-on de hausse de la criminalité et de la prostitution adulte et infantile avec l'afflux de ces derniers ?
C'est faux ! On retrouve là la paranoïa et le racisme libanais. C'est essentiellement la droite libanaise qui développe ce discours. Le Libanais rejette tout sur ce pauvre syrien venu chercher refuge ici. Je refuse de faire assumer aux réfugiés syriens tous les maux qui rongent mon pays.
A propos de stabilité de la région, que pensez-vous du message de Hassan Nasrallah qui dit, entre autres, que si l'on s'en prend à ses alliés il faudra compter avec le Hezbollah. Est-ce que vous seriez preneur d'une telle solidarité ? Par exemple, si la Syrie était attaquée par Israël, prendriez-vous part à sa défense ?
Je ne suis pas non plus obligé de foncer à la défense de celle-ci. Le Liban a subi des pertes énormes. Il a payé un prix très élevé à cause d'agressions israéliennes. Il est temps, peut -être, je dis bien peut-être, de penser les choses autrement. Théoriquement, j'aimerais bien que nous soyons à l'abri.
Défendre le Liban, oui, je suis d'accord pour le faire avec le Hezbollah. En attendant qu'un jour les milices chiites intègrent l'armée libanaise. Mais aller défendre la Syrie en cas d'attaque, les Syriens ont leur propre armée et sont donc en mesure de se défendre tout seuls. C'est une question qui relève de l'armée syrienne ou bien du Hezbollah syrien s'il y en a un.
En ce moment, personne, ni les Américains, ni les Saoudiens, ni aucune des parties engagées dans ce conflit, ne veut que le Liban devienne un théâtre de violence. Est-ce que dans le feu de l'action on ne penserait pas à épargner le Liban pour en faire une base-arrière ? Certaines personnes interrogées disent que c'est possible...
Cela dépend de nous. Le Liban est une partie du monde tellement volatile que je ne sais pas. C'est déjà embrasé en Syrie et en Irak et cela s'est dégradé tellement souvent au Liban ! Comme à Saïda, à Tripoli ou à Arsal, par exemple. C'est à nous Libanais de tenter de retarder l'échéance.
Je suis, pour ma part, assez pessimiste. Je vois que le feu quelque part existe, que la tension est là. Je ne parle pas de guerre mais je dis que l'extrémisme peut gagner dans certains secteurs. L'extrémisme alimenté par l'ignorance et la pauvreté. Allez dans le Akkar, à Tripoli, ce sont les gens les plus pauvres du Liban et comme par hasard ce sont des sunnites.
Tripoli est la deuxième ville du Liban. Elle est gouvernée par des milliardaires. Allez voir dans quelles conditions vit la population là-bas. Toute l'économie libanaise est concentrée à Beyrouth et dans ses environs depuis le mandat français et l'indépendance.
Est-ce que les printemps arabes vous parlent ?
Je n'aime pas cette terminologie stupide de printemps, empruntée sans doute au printemps de Prague. Cette révolte des peuples arabes est une révolte légitime. Après des décennies de dictature, l'individu arabe a le droit de vivre libre et digne.
Il y a des chances pour que ce pourquoi ils se sont soulevés porte ses fruits ?
En Tunisie, ce qui se passe est bien. Disons que le mouvement Ennahda jusqu'à maintenant et les autres partis se sont mis d'accord sur la stabilité de la Tunisie.
Ghannouchi fait jusqu'à maintenant preuve d'une certaine maturité. N'oublions pas que Bourguiba a fait des réformes à tendance laïque. Quand on évoque le XXe siècle, il y a deux grands laïcs : Bourguiba et Atatürk. Deux grands réformistes. Nasser pour moi c'était le rêve. Si on parlait de l'Algérie à un moment donné, c'était aussi un autre rêve avec le tiers-mondisme. Quand votre pays était La Mecque des révolutionnaires.
Auriez-vous un dernier mot pour nos lecteurs ?
Pendant les moments de crise contre le régime syrien et les assassinats, notre message anti-régime syrien n'est pas passé en Algérie. Dommage ! On a vu une certaine animosité du régime syrien contre une partie des Libanais après l'assassinat de Hariri... Votre pouvoir soutient Assad.


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