Avant l'ouverture simultanée de ces deux centres, les nouveaux patients atteints d'insuffisance rénale avaient toutes les peines du monde à être pris en charge dans un des centres existants, publics ou privés fussent-ils. La tension était telle qu'ils ne pouvaient bénéficier que d'un minimum de séances, juste de quoi être maintenus en vie. Ces deux nouveaux centres, nés d'investissements privés, l'un à El Attaf à la clinique El Imane, doté de 17 régénérateurs, l'autre à Khemis-Miliana avec 11 appareils à la clinique El Wanchariss. On a attendu plus de 2 ans pour pouvoir bénéficier de conventions avec la Cnas, à cause de certains blocages, nous a-t-on dit, pendant que des patients vivaient un calvaire et luttaient pour leur survie, eux et leur entourage familial. Ces deux nouvelles structures viennent ainsi renforcer les capacités d'accueil d'une manière très importante. En effet, maintenant la wilaya de Aïn Defla dispose de 106 régénérateurs, 56 relevant du secteur public et 50 du secteur privé pour 397 patients dont 239 pris en charge par le secteur public et 158 par le secteur privé. Ainsi la capacité d'accueil globale, par semaine et à raison d'une moyenne maximale de 3 branchements par jour et par régénérateur, est de 2 226 séances alors que la demande hebdomadaire globale n' est que de l'ordre de 1 171 séances. L'offre d'accueil équivaut donc au double des besoins. En plus de cet accroissement très important des capacités d'accueil, les patients se sont vu rapprochés des centres de soins. Le centre d'El Attaf accueille maintenant les patients des communes de l'ouest de la wilaya, ceux des communes du centre se traitent à Aïn Defla et ceux de l'est à Khemis-Miliana et Miliana. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que si la clinique El Wanchariss de Khemis-Miliana dispose d'une eau suffisante et de bonne qualité, il n'en est pas ainsi de la clinique El Imane d'El Attaf où le réseau d'AEP distribue une eau trop saline avec un fort taux de turbidité obligeant ainsi le promoteur de la clinique d'acheter de l'eau douce par citernes chez des revendeurs qui s'approvisionnent auprès des forages ou des sources éloignés. Pour ce qui est de l'insuffisance rénale, un néphrologue, questionné à ce sujet, nous dira : «L'hémodialyse est une prise en charge du dernier stade des complications induites par la maladie qui est elle-même générée par d'autres affections... Selon ce spécialiste, le rempart de prévention revient en premier à l'éducation alimentaire, la pratique du sport, l'obésité, la consommation de certains produits alimentaires, entre autres les viandes rouges premier facteur de production de calculs au niveau des reins, à l'inverse des dérivés du lait riches en calcium comme on a tendance à le croire». Notre interlocuteur pointe du doigt les médecins généralistes, «leur formation souffre de lacunes et au lieu d'orienter à temps les patients qui présentent des facteurs de risque vers des structures spécialisées, ils ne font que retarder les échéances, ce qui est souvent néfaste. Considérant que l'hémodialyse n'est qu'un palliatif, le spécialiste interrogé évoque la pratique de la greffe rénale. A ce sujet, il dira «la greffe rénale est le vrai traitement qui peut compenser le dysfonctionnement ou l'arrêt de la fonction rénale... Pour l'instant, même si nous disposons de compétences et de moyens matériels, sur le plan religieux, le don étant autorisé, c'est l'aspect culturel qui fait blocage car très souvent au sein d'une même famille, il y a des résistances sévères qui s'opposent au don d'organes dans des cas irréversibles où le pronostic de survie est engagé». S'agissant des coûts de la prise en charge financière liée à l'hémodialyse, selon les informations que nous avons pu obtenir, chaque séance d'hémodialyse est facturée par le secteur privé à la Cnas, selon un système forfaitaire en 5 catégories, variant entre 5 600 et 6 100 DA (traitements). Globalement, la Cnas, avec l'argent des cotisations de tous les affiliés, verse au secteur privé en moyenne à raison de 5 600 DA la séance, pour 106 patients à raison de 4 séances hebdomadaires, de 192 séances pendant une année l'équivalent de 113 971 200 DA. Cependant, en examinant le budget du secteur de la santé, nous constatons que la contribution forfaitaire au service public par la Cnas au titre de l'année en cours n'atteint que 800 millions DA soit 50 millions de moins que ce qui est versé aux cliniques privées, un déséquilibre dont les spécialistes n'arrivent pas à expliquer les motivations et les raisons qui le sous-tendent. Pourtant quand on sait que le montant annuel (2015) alloué au titre des dépenses du secteur de la santé se monte à 5 648 600 000 DA et que 4 601 000 000 DA sont affectés à la masse salariale et qu'il ne reste que 1 047 600 000 DA pour tous les frais de gestion (restauration, médicaments, produits d'entretien et de maintenance, dépenses obligatoires), faut-il s'étonner alors que nos structures de santé n'ont pas les moyens de répondre aux attentes des citoyens quand il s'agit de la qualité des prestations ? Selon les observateurs, cette situation et ce système de financement ne sont pas spécifiques à la wilaya de Aïn-Defla mais en vigueur à travers tout le territoire. Cette situation nécessite plus que jamais une réforme du système de santé, oui, mais quand ? Un dossier lourd auquel on n'ose pas toucher, pense-t-on.