Officier de l'ALN à la retraite, Mouloud Belkissen est un témoin vivant de la guerre de Libération de l'Algérie. Il vient de publier un ouvrage dans lequel il revient sur son parcours de combattant et sur les années de feu. Dans ce livre édité à compte d'auteur, l'ancien maquisard a voulu porter un témoignage, aussi modeste fut-il, sur quelques événements de la guerre en Wilaya III historique notamment. L'objectif d'un tel témoignage, souligne-t-il, répond au souci de se rapprocher le plus possible de la vérité historique. «Il est temps de réviser ce que l'on a appris et de faire la lumière sur l'Histoire pour mieux connaître la Révolution. Le langage de la vérité est simple. En écrivant, nous rendons justice à la vérité, la vérité et la justice assurent la grandeur des nations», lit-on dans son ouvrage. «Le langage de la vérité», on s'en doute, sera celui du baroudeur des djebels qui, sur une centaine de pages, donne à lire un récit forcément sélectif. Du vécu, oui, mais limité à des épisodes et des séquences événementiels jugés marquants, ou à des héros de la Révolution que l'auteur avait connus. Cette contribution mémorielle ne prétend donc pas à faire œuvre historique, d'autant plus que cette dernière s'appuie sur des normes méthodologiques reconnues et recourt à la pensée critique. D'autre part, le titre du livre est également trompeur, dans la mesure où Mouloud Belkissen ne s'étend pas sur son parcours personnel de moudjahid, préférant mettre en lumière quelques grandes figures de la lutte armée (Amar Aït Chikh, Amirouche, Mohand Oulhadj, Krim Belkacem, Mohammedi Saïd) et évoquer les compagnons de combat au nom moins connu. Sans oublier l'hommage rendu à toutes celles et à tous ceux, anonymes, qui ont participé d'une manière ou d'une autre au combat libérateur. L'auteur a tenu aussi à donner un éclairage, voire de dire son opinion sur des sujets et des personnages historiques qui continuent d'alimenter le débat (Melouza, la bleuite, Messali Hadj, l'opération Jumelles, l'OAS, etc.). Par pudeur morale ou retenue, il n'use jamais non plus du «je» personnel. Mouloud Belkissen parle de lui à la troisième personne, l'effacement de soi étant l'une des qualités de modération de jugement. Résultat, Parcours d'un maquisard dans la guerre d'Algérie est un texte structuré en fragments mémoriels, doublé d'une interprétation sélective des événements et de ceux qui les font. Le tout, rassemblé, forme une certaine cohérence du point de vue contenu informatif et est susceptible d'enrichir le débat sur les représentations qu'on se fait du passé. Le témoignage d'un homme sincère et qui a voulu s'exprimer en toute franchise sur certains sujets. Les chapitres de l'ouvrage, courts et sans artifices, entraînent le lecteur dans le vif du sujet. Quelques paragraphes suffisent à l'auteur pour se faire connaître. «Mouloud Belkissen est né le 1er octobre 1932 au village Ibelkissen, dans la commune mixte du Djurdjura. Il a rejoint les maquis le 5 janvier 1955. Il prit attache avec Amar Aït Chikh, responsable de la rébellion dans la région de Aïn El-Hammam. Il faut dire que la résistance, dans cette région de la Kabylie, avait commencé avant 1954 avec Amar Aït Chikh et ses compagnons.» Suite du parcours résumé en quelques pages et, au passage, un vibrant hommage à Amar Aït Chikh, «le premier à monter au djebel, avant 1954». Mouloud Belkissen précise que celui qu'on appelait Da Amar entra dans la clandestinité en 1947. «Il était déjà militant du PPA, avant de prendre la tête du mouvement indépendantiste, sous l'égide du FLN en 1954 (...) Il sera reconnu officiellement comme le plus haut chef politico-militaire du FLN de la région. Il aura sous son autorité le célébrissime capitaine Amirouche qui lui succédera à sa mort le 11 août 1956, dans la charge et comme responsable de la Wilaya III historique», écrit-il. Après les premiers chapitres largement consacrés à Amar Aït Chikh, l'auteur revient sur l'opération dite «Oiseau bleu», en 1955, puis sur la fameuse «bleuite», montée par les services spéciaux français deux ans après et suite à l'échec de la première. Retour aussi, dans la même année (1957), au feu de l'action : Mouloud Belkissen évoque les «embuscades et attaques armées» auxquelles il avait pris part. S'ensuit «l'affaire Melouza», de septembre 1957, le colonel Amirouche et la bleuite, l'opération «Jumelles»... Mouloud Belkissen dit ce qu'il en pense, n'hésite pas à donner un point de vue tranché, cite des auteurs... Le regard que porte un témoin et acteur sur des événements douloureux dans la mémoire collective, sur un héros mythifié (Amirouche) ou sur un leader controversé (Messali Hadj). Cela a le mérite de la clarté et c'est tout à l'honneur de cet officier de l'ALN, franc et direct. Le principal reproche que l'on peut faire à Mouloud Belkissen, sur son ouvrage, c'est l'amateurisme visible (et notamment lié à cette forme de publication, l'édition à compte d'auteur) dont il n'a pas pu éviter les pièges. Le retravail de lecture était, par exemple, nécessaire pour supprimer les répétitions (des passages entiers parfois), corriger les coquilles et les blancs, accorder plus d'intérêt à la forme du texte pour une meilleure cohérence... Néanmoins, la spontanéité sincère de l'auteur parvient à gommer ces imperfections et incite à une lecture d'une seule traite. Hocine Tamou Mouloud Belkissen, Parcours d'un maquisard dans la guerre d'Algérie, récit édité à compte d'auteur, avril 2015, 110 pages, 700 DA.