[email protected] La porte de l'ascenseur s'ouvre. Farouk est frappé par la mauvaise odeur qui s'en dégage. Le plancher est recouvert de feuilles de carton d'emballage. Il a vite compris que ce camouflage c'était pour dissimuler, comme d'habitude, la saleté et l'urine. Il savait donc ce qui lui restait à faire. Il sort, retourne chez lui et demande à sa femme la serpillière, le chiffon, le seau d'eau, les gants et le désinfectant. Un attirail que son épouse a spécialement réservé pour le nettoiement du lieu en question. «Encore !» dira son épouse. Il retrousse ses manches et se met au travail en dégageant d'abord le carton qu'il pliera soigneusement avant de le ranger dans un sac poubelle. Heureusement qu'à cette heure de la nuit, les voisins se font rares. Ça lui permettra de travailler à l'aise. Adepte de la perfection, il frotte, récure et ôte toutes les petites boules de tabac à chiquer que ses chers colocataires ont poussé du pied et qui viennent se loger dans les fentes. Réda est obligé alors d'utiliser un couteau pour les en déloger. C'est au tour des grosses taches noires formées par du chewing-gum. Elles le feront suer à force de les racler. Elles sont tenaces, mais il aura raison d'elles. Rien ne résiste à Farouk. Il s'attaquera ensuite au miroir devenu ces jours-ci par endroits opaque. Il se munira de son chiffon imbibé de vinaigre blanc et fera briller la glace. Il vérifie une première, puis une seconde qu'aucune tache ne persiste. Farouk est interrompu par un couple de voisins sortis en soirée. Confus, il se glisse dans l'ascenseur. Le mari lancera à ce cadre : «Tu ne devrais pas t'abaisser à ce genre de besogne. Ils ne le méritent pas.» Sa femme réplique : «Si de temps en temps quelques volontaires se relayent, l'endroit sera toujours propre.» Lui, calme, silencieux, ne relèvera même pas. Il s'attaquera maintenant aux portes, et aux parois de l'engin. Il finira son œuvre en essuyant soigneusement les boutons d'appel devenus brillants comme des sous neufs. Il vérifiera une dernière fois si tout est nickel, puis quittera son ascenseur.
