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Entretien avec Ammar Belhimer, auteur de Les Dix Commandements de Wall Street :
«Les places boursières sont l'antre des spéculateurs»
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 03 - 2017

L'Anep vient de publier un second ouvrage du professeur en droit Ammar Belhimer, sous le titre «Les Dix nouveaux commandements de Wall Street». C'est un ensemble de chroniques, reportages et analyses, parus dans Le Soir d'Algérie, réécrits, mis à jour, enrichis et agencés pour trouver une cohérence d'ensemble qui rend fidèlement compte de la réalité de l'ordre néolibéral des années 1990 jusqu'à l'élection de Donald Trump. Il nous en parle.
Le Soir d'Algérie : Les chroniques de presse se prêtent-elles à un exercice aussi ambitieux que celui de configurer le mode de fonctionnement et de reproduction d'un système aussi complexe que le néolibéralisme ?
Ammar Belhimer : La matière de l'essai est tirée des chroniques hebdomadaires parues dans Le Soir d'Algérie depuis plus de douze ans. Ces chroniques sont généralement le prétexte ou l'occasion de lectures jugées pertinentes se rapportant aux interrogations du moment. Que ces lectures soient liées à l'actualité ne diminue en rien de leur valeur scientifique, bien au contraire.
Ainsi, se régalera-t-on de la lecture de Marc Roche, journaliste financier français du quotidien Le Monde, en poste successivement à New York, Bruxelles, Washington et Londres, qui (dans un bel ouvrage La banque : comment Goldman Sachs dirige le monde) nous dresse un portrait croustillant de Lloyd Blankfein, le P-DG de Goldman Sachs, qui règne sur la finance mondiale dans le plus grand secret et qui s'autorise à dire modestement : «Je ne suis qu'un banquier qui fait le travail de Dieu.»
De la même manière, et dans un tout autre registre, celui de l'anthropologie et de l'économie, David Graeber, professeur à London University, nous livre un ouvrage, récemment traduit de l'anglais chez Babel (Dette 5000 ans d'histoire) dans lequel il souligne que, depuis l'aube du temps, les outils de communication de l'homme sont indissociables du marché : «Adam Smith aussi voyait le langage — donc la pensée humaine — naître de notre penchant à faire ‘‘des échanges d'une chose pour une autre'', qui lui paraissait également être à l'origine du marché. Le besoin pressant de commercer, de comparer les valeurs, est très précisément ce qui fait de nous des êtres intelligents et nous distingue des autres animaux.
La société vient ensuite — autrement dit, au départ nos idées sur nos responsabilités à l'égard des autres prennent forme en termes strictement commerciaux.»
Si la langue du marché a très tôt prévalu, les marques d'hostilité, de lutte et de résistance n'ont également pas été étrangères à notre langage. Parce qu'elles touchent à toutes les disciplines, ces lectures appréhendent l'objet de la recherche avec un œil à facettes multiples. Leur réécriture (afin de les extraire de l'actualité du quotidien) et leur agencement dans un ensemble thématique cohérent donne du sens à une construction d'ensemble qui ambitionne de dresser un tableau aussi exhaustif que plaisant (en termes d'écriture) de l'ordre néolibéral. L'effort de réécriture entrepris est en effet destiné à faciliter pour le plus grand nombre la lecture de concepts et autres formules habituellement réservées aux initiés, sans pour autant altérer leur complexité.
A quoi se résume cette configuration générale de l'ordre néolibéral que vous évoquez ?
Les deux mamelles du néolibéralisme que sont la spéculation et l'endettement sont soigneusement analysées. «Au cœur du monde il y a le dieu Argent. C'est là qu'est le premier terrorisme», relève, à juste titre, Sa Sainteté le pape François. S'il fallait paraphraser les Dix Commandements de Dieu donnés à Moïse sur le Sinaï pour définir les règles qui organisent le Consensus de Washington, fondateur de l'ordre néolibéral, cela donnerait un Décalogue explosif. Même s'il n'épargne pas les autres sphères, c'est dans l'économie que l'intégrisme néolibéral fait le plus de ravages. Le modèle se résume à une mixture de thatchérisme, de «reaganomique» et de «Consensus de Washington», tous favorables aux privatisations, à la libéralisation économique et à des banques centrales préoccupées uniquement par l'inflation, et accessoirement par la stabilité des prix, hors de toute considération de croissance. Déformation du réel, culte de l'évaluation et mépris de la justice, domination d'une caste et idéal sécuritaire, tels sont les signes les plus manifestes du nouvel ordre néolibéral. L'ouvrage installe méthodiquement les pièces du puzzle néolibéral pour dévoiler d'abord son arrière-boutique, son «fil conducteur» : une nouvelle forme de valeur, la haute main du banquier sur l'économie réelle, l'antre des spéculateurs que sont devenues les places boursières, dans ce qu'il est advenu d'appeler une «économie de casino».
Vous associez l'avènement du néolibéralisme à la chute de l'Union soviétique et au couple Reagan-Thatcher ?
Le néolibéralisme est un ordre hégémonique qui achève un long processus de développement du capital financier amorcé autour de la première guerre mondiale.
Le nouvel ordre néolibéral règne sans partage, hors de toute régulation et de tout contre-pouvoir, depuis les années 1990.
Il trouve une parfaite expresse dans ce qu'il est convenu d'appeler le «Consensus de Washington», une expression utilisée pour la première fois en 1989 pour asseoir dix mythes fondateurs : la discipline budgétaire, la réorientation des dépenses publiques, la réforme fiscale, la libéralisation financière du commerce et la déréglementation, les taux de change, la privatisation et l'extension des droits de propriété.
Quelles implications cela induit-il pour les pays en développement, dont le nôtre ?
Pour les pays du Sud, la nouvelle économie politique repose sur deux fondements étroitement associés à l'extraction de la valeur :
le développement de nouvelles forces productives (dans l'électronique, les communications, les transports, la logistique et la gestion) ;
la suppression des barrières nationales à la circulation des capitaux et des marchandises (pas des personnes), la privatisation des sphères publiques et communes, l'avènement de nouvelles institutions commerciales (OMC), financières (FMI) et miliaires (Otan) dans la prise de décision.
Dans notre essai, la chaîne de domination et de dépendances qu'un tel ordre génère est longuement illustrée par l'humiliation subie par la Grèce à la faveur du rééchelonnement de sa dette, de nouvelles vagues d'acquisitions coloniales avec la constitution des fonds pétroliers et la contagion de nouvelles ressources comme l'eau et la terre par l'appât du gain, la privatisation de la guerre, etc.
Il s'ensuit l'avènement de nouveaux vecteurs de la puissance que dessinent l'entreprise du futur, le management financier, le poids du lobbying, le diktat des agences de notation ou encore la gouvernance algorithmique.
Quelles conséquences politiques et sociales génère une telle évolution ?
Une telle évolution ne peut laisser aucun droit de cité à la liberté et la démocratie, ou à toute autre valeur héritée du libéralisme ancien. Le nouveau système politique est une «démocratie totalitaire» qui déconsidère le suffrage universel et les institutions représentatives, menace les libertés syndicales, érode le pouvoir de négociation des salariés. Il prévaut la règle «un dollar = une voix», avec une certaine fatalité de la terreur, sur fond de raz-de-marée d'extrême droite, de perdition de la gauche et de la social-démocratie, de velléité social-libérale.
Au plan social, cette évolution se traduit par une accentuation des inégalités et injustices meurtrières, une pauvreté croissante, le déclin des classes moyennes, l'éloge de la médiocrité, «le syndrome du larbin».
Politiquement parlant, le système installe un Etat qualifié de carcéral et sans souveraineté, qui a pour mission de supplanter les classes.
Quel avenir immédiat se profile devant tant de menaces ?
Le modèle néolibéral, «survendu», peine à produire de la croissance, le non-marchand progresse, sur fond de désertion et de désobéissance, comme en témoigne la «gifle islandaise» — à notre sens insuffisamment analysée.
C'est du grand froid polaire qu'est venue la première réaction honorable à la crise financière de 2008-2009. L'Islande a dit «non» à un traitement inéquitable de ses dettes.
Ce petit Etat insulaire de 103 000 km2 de glace pour 320 000 habitants a inscrit la journée du samedi 6 mars 2010 au fer rouge dans l'histoire du néolibéralisme. Ce jour-là, les Islandais — un petit peuple de pêcheurs réputés peu râleurs — se sont prononcés sur la loi Icesave (du nom d'une banque en ligne locale), votée par le Parlement islandais dans la nuit du 30 au 31 décembre 2009 et qui visait à entériner la nationalisation des dettes privées et à mettre en œuvre un train de mesures d'austérité (gel des salaires, diminution des dépenses publiques...) pour permettre au pays de s'acquitter des dettes contractées auprès des Etats britannique et hollandais. Face à la vive protestation engendrée en Islande par l'adoption du texte de loi, avec notamment une pétition déposée par 60 000 personnes, le président Olafur Ragnar Grimsson a choisi de ne pas le signer et de la soumettre à référendum. Au cours de la campagne, les partisans du «oui» ont mis l'accent sur la légitimité du remboursement des épargnants britanniques et néerlandais qui ont perdu cette somme avec la faillite des banques locales en 2008, ainsi que sur le respect des engagements antérieurement pris par l'Etat. Le gouvernement islandais de coalition entre sociaux-démocrates et Verts était, lui aussi, favorable au remboursement de ces épargnants lésés (évalués à quelque 300 000). Mais les Islandais, dans leur écrasante majorité, ne l'entendaient pas ainsi. Ils ont rejeté à 93,2% l'accord financier Icesave.
Le «oui» n'a réuni que 2 699 suffrages, soit 1,8% des voix, tandis que le «non» a obtenu 134 397 votes, pour une participation finale de 62,7% avec 144 231 votants.
Ce «non» massif est une réaction à une double injustice ou à ce qui est perçu comme tel : la nationalisation d'une dette privée et le besoin de se sacrifier pour financer le sauvetage d'une banque privée.
M. B. 
Ammar Belhimer présentera et dédicacera son livre à la librairie Chaïb Dzaïr — baptisée du nom de la première chahida tombée au champ d'honneur aux côtés de Badji Mokhtar – 1, rue Pasteur, Grande-Poste, Alger, samedi 11 mars à 15h.


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