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CHRONIQUES DES TEMPS SORDIDES
Le voyage de Si Hac�ne
Publié dans Le Soir d'Algérie le 21 - 04 - 2005


Par Ma�mar FARAH http://farahblog.ift.cx
C'est un printemps sale, poussi�reux et insignifiant. Apr�s les fortes averses et les abondantes chutes de neige, on pensait que la belle saison serait � la mesure de notre attente et qu'elle nous offrirait les meilleures conditions pour les sorties en week-end et les randonn�es en pleine nature. Mais, allez d�nicher un printemps normal dans ces saisons m�diterran�ennes affol�es par le tourbillon ravageur des changements climatiques.
Il n'y a plus de printemps ! Nos villes sont cern�es par un temps toujours excessif : les hivers deviennent plus rigoureux et, � peine le froid quitte-t-il nos murs qu'un �t� pr�matur�, br�lant, venteux et cendr�, montre le bout de son nez dans nos rues. �C'est la faute des gaz qui d�ciment la couche d'ozone�, pense Si Hac�ne, la soixantaine bien d�pass�e, le visage ravag� par l'alcool et qui semble totalement absorb� par le spectacle de la belle vall�e verdoyante qui s'�tend � l'infini au pied de cette route de montagne o� le car peine, siffle et crachote pour avancer sur la pente raide. Si Hac�ne est un s�dentaire. Il est certes sorti de son village � l'occasion de deux d�placements infructueux � Alger pour r�gler des probl�mes administratifs ou de quelques rares voyages impos�s par les obligations familiales, mais la vir�e qu'il entame aujourd'hui est particuli�re. Elle ne ressemble � aucune autre. Loin, tr�s loin, on peut contempler les lignes incertaines d'une cha�ne de montagnes noy�es dans le brouillard. Si Hac�ne s'assoupit un moment et ses pens�es tra�nent dans les m�andres de la m�moire, faisant surgir un flot ininterrompu de souvenirs sans qu'il puisse en fixer les images trop vagues, trop confuses... C'est comme si l'on rembobinait un film : les tableaux se succ�dent � un rythme trop rapide pour que l'on en garde une id�e pr�cise. Seules quelques t�tes reviennent h�tivement, avant de dispara�tre, de r�appara�tre � nouveau, puis de s'estomper dans le flou g�n�ral o� baigne cette sorte de r�ve �veill�. Tiens, voil� Si Mahmoud, ancien moudjahid comme lui, un gars bien qui n'avait peur de rien. Il le revoit encore jeune, un ch�che jaune sur la t�te, la moustache bien �paisse au milieu d'un visage �maci� o� brillent deux yeux au regard per�ant. Il le revoit, agenouill� derri�re un bosquet, tirant rafale sur rafale � l'aide de son fusil mitrailleur, sautillant d'un coin � l'autre, changeant fr�quemment de position pour ne pas se faire rep�rer… Il le revoit pench� sur lui, le jour o� une balle assassine est venue se loger dans sa jambe gauche. Alors qu'il commen�ait progressivement � perdre conscience, il percevait ce regard intense qui lui disait �courage, nous sommes l�!�. Une main chaleureuse serrait intens�ment la sienne et cela l'aidait � supporter la douleur qui montait en lui comme un torrent de souffrances… Oui, les fr�res �taient l� et la cause �tait noble… La lutte contre le colonisateur ne pouvait aboutir sans cette solidarit� sans faille, cette fraternit� qui courait comme une nu�e de beaux papillons � travers les bosquets, annon�ant un printemps � nul autre pareil. Ce voyage, Si Hac�ne l'attendait depuis longtemps. Il en a imagin� avec force d�tails chaque instant. Mais maintenant qu'il approche de l'objectif, une sorte d'angoisse le saisit. Il ne sait pas au juste pourquoi il appr�hende cette arriv�e dans une capitale qu'il n'a pas revue depuis quarante ans. Si Mahmoud est devenu un grand Monsieur, avec des responsabilit�s nationales et des journ�es certainement bien remplies. Mais, quand il verra son cher Si Hac�ne, il laissera certainement tout tomber et ira avec lui l� o� son invit� a toujours r�v� d'aller : la place des martyrs qu'il voit souvent � la t�l�, la place du 1er Mai avec son beau jet d'eau fleuri, Maqam Echahid, ce point d'exclamation debout sur la colline et dans les entrailles duquel brille, vivace et �ternelle, la flamme de la r�volution et, surtout, la Madrague ! Il a h�te de d�guster la belle crevette royale de �chez Sauveur�… Si Mahmoud le laissera bien accompagner ce repas somptueux par quelques verres d'un beau vin rouge de sa r�gion natale, Mascara… Si Hac�ne a appris � boire sur le tard. L'ennui, l'hypocrisie des gens qui l'entourent dans cette bourgade perdue de l'Ouest, les probl�mes qui ne se sont pas arr�t�s depuis l'ind�pendance, la course de ses semblables vers les postes et l'argent, leur fr�n�sie � assouvir leurs bas instincts dans l'indignit� et la l�chet� ; tout cela l'a totalement transform�. Lorsqu'il �tait au maquis, il r�vait d'une autre Alg�rie : plus juste, plus libre, plus solidaire. Mais ce qu'il voit quotidiennement est � mille lieues de ce tableau id�alis� qui semble s'�loigner de jour en jour. Et surtout maintenant, avec ces d�cisions de tout privatiser, de tout mettre entre les mains d'une minorit� dont il conna�t l'app�tit f�roce pour les gains faciles et les penchants pour l'exploitation de l'homme. Au fond, se disait-il, ce qu'il aper�oit aujourd'hui ne correspond pas � ce que voulaient les moudjahidine et les martyrs. Et � voir le comportement de certains nababs qui piquent tout, sans rien laisser aux autres, il se demande m�me si tous ces sacrifices valaient le coup. Il a conscience d'un fait qui commence � triturer son esprit : les nouveaux colons sont bien pires que les anciens ! Toutes les conqu�tes sociales des pr�c�dentes d�cennies sont en train de foutre le camp et l'Alg�rie compte aujourd'hui un nombre incalculable de pauvres qui s'appauvrissent de jour en jour. Il les voit faire la cha�ne devant l'APC pour qu�mander quelques sacs de semoule. Il les voit tra�ner de chantier en chantier � la recherche d'un boulot. Il les voit mourir lentement dans des maisons de fortune o� le froid rigoureux de cet hiver a install� la tuberculose � grande �chelle. Il les voit, parqu�s comme des moutons, dans les h�pitaux o� ils doivent payer. Mais avec quoi ? Un voyageur assis � c�t� de lui, dans ce car qui d�passe maintenant Chlef, ouvre son journal. Si Hac�ne y jette un coup d'œil : �La r�gion a connu une �croissance exceptionnelle � qui a d�pass� les 5,6% en 2003 et 2004. La BM estime m�me que c'est �la meilleure performance depuis 10 ans �. Attir� par l'information, il attend que le jeune homme ait termin� sa lecture pour lui soutirer le quotidien. L'article se poursuit comme suit : �seuls l'Alg�rie, l'Arabie saoudite, l'Iran et les Emirats arabes unis sont � l'origine de 97% de cette reprise�. Bon sang, tous ces chiffres que la t�l�vision et les journaux balancent, ont-ils r�ellement un sens ? Ces millions de logements, ces millions d'emplois, ces reprises �poustouflantes, ces r�formes, ces discours optimistes, �a veut dire quoi au juste ? A quoi tout cela sert-il si, dans la r�alit�, c'est plut�t la mis�re qui s'installe, la maladie qui bouffe les hommes, le d�sespoir qui grimpe comme un soleil de damn�s dans le ciel des r�veurs de visas ! Il les voit tous les jours, ces tribus d�chues qui perdent chaque matin un pan de dignit� et d'honneur sur le chemin du d�clin. Et ceux qui r�ussissent sont toujours les m�mes : ils �taient avec Ben Bella et se sont retrouv�s avec Boumediene. Ils �taient avec Chadli et se sont retrouv�s avec Boudiaf. Ils �taient avec rien du tout et se sont retrouv�s avec Ali Kafi, dans l'une de ces p�riodes transitoires qui ne se terminent jamais. Ils �taient avec Z�roual et sont avec Bouteflika. Il �taient contre le capitalisme et sont les pires capitalistes. Ils �taient anti-terroristes et deviennent adeptes du grand pardon. Ils peuvent se transformer en tout, un une chose et son contraire, pourvu que cela fructifie leurs affaires ! Et lorsqu'il parle de cela, les gens se l�vent et vont � leur monde sordide. �Fais gaffe ! Tu parles trop !� lui a dit un jour l'un des rares moudjahidine qui le fr�quente encore. Car, Si Hac�ne est devenu comme un �tranger dans son propre village, un pestif�r�, un d�rang�, un alcoolique… Mais Si Mahmoud lui fera oublier ces petites bassesses. Apr�s le long voyage et une course interminable vers les hauteurs de la capitale, il arrive enfin devant la villa. Un palais ! Ils avaient r�v� ensemble � une Alg�rie plus juste et s'�taient jur� de vivre comme le peuple qu'ils voulaient lib�rer ! Si Hac�ne n'arrive pas � bien expliquer au gardien de la villa l'objet de sa visite. Il s'�nerve, perd le contr�le et commence � crier : �Si Mahmoud ! Je suis l� ! C'est ton compagnon du djebel ! Si Hac�ne ! Je suis l� ! Viens me secourir ! Sors de chez toi, je voudrais tant te voir avec ton ch�che jaune…�. Le gardien a beau expliquer � Si Hac�ne que Si Mahmoud se trouve en mission � l'�tranger, l'�trange visiteur ne veut rien savoir. Derri�re le voilage transparent d'une immense baie vitr�e, il a bien vu la t�te d�charn�e de Si Mahmoud… Ses cris ameutent tout le quartier et il est chass� � coups de pied. C'est un printemps sale, poussi�reux et insignifiant. Quand il monte dans le car du retour, il doit lutter de toutes ses forces contre ce tourbillon �trange qui se l�ve comme une col�re mal contenue et fait valser les papiers et les sacs en plastique dans le ciel embrum� de l'aube… M. F.
P.S. : Au moment o� j'�cris cette chronique, je ne sais pas s'ils vont lib�rer Benchicou et tenir compte de ses souffrances physiques. Je ne sais pas. Ils sont capables d'avoir un peu d'humanit�. Ils sont capables de ne pas en avoir aussi…


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