Le Conseil de gouvernement vient d�adopter le projet de d�cret portant cr�ation d�un commissariat g�n�ral � la planification et � la prospective. On a envie de dire : enfin ! Il faut en effet rappeler que l��conomie alg�rienne est en pilotage automatique depuis le d�but des ann�es 1990 et si ce n��tait les accords conclus avec le FMI (stand-by et EFF) qui ont accompagn� le r��chelonnement de notre dette ext�rieure et qui ont contraint nos d�cideurs � l��laboration conjointe (avec le FMI) de matrices d�actions identifi�es et dat�es, nous aurions �t� toute la d�cennie 1990 dans une situation de celui qui cherche un �chat noir dans un tunnel noir�. Sortir notre �conomie des politiques conjoncturelles, lui faire quitter le court terme et la �gestion de pompiers�, pour s�interroger sur ses perspectives de moyen/long terme, constituent assur�ment une d�marche de salubrit� tant les Alg�riens n�arrivent plus � lire les intentions �conomiques de leurs dirigeants. Avec la signature de l�accord d�association avec l�Union europ�enne, l��conomie alg�rienne doit basculer d�finitivement dans une situation d��conomie ouverte qui d�classera compl�tement son �mod�le de d�veloppement� des ann�es 1970 fond� sur les monopoles �tatiques, le march� int�rieur et une r�gulation administrative. Les r�formes �conomiques de 1988 visaient d�j� � sonner le glas du mode d�organisation �conomique boumedi�niste mais des r�sistances de diverses natures ont ralenti la mutation et l�ont m�me par certains endroits purement et simplement contrecarr�e. Nous vivons donc depuis 1990 une situation mi-chien, mi-loup o� il n�y a plus de projet �conomique mais seulement des programmes d�actions qui varient avec les changements de gouvernement. L�industrie publique est rest�e cantonn�e dans des branches technologiquement largement d�pass�es, toujours tourn�es vers un march� int�rieur r�tr�ci et soumis � une concurrence f�roce. Cette industrie s�est av�r�e, bien �videmment, financi�rement bien lourde � g�rer. Dans le domaine agricole, les h�sitations qui caract�risent les politiques suivies traduisent l�absence de vision claire sur ce que nous devons faire de notre agriculture. M�me dans le domaine des hydrocarbures, les logiques qui dominent sont autonomes des pr�occupations qui apparaissent par intermittence dans les autres secteurs d�activit� �conomique : �Je veux maximiser les recettes de l�Etat, le reste n�est pas mon affaire�, semble r�p�ter le responsable du secteur. Bref, tout cela a besoin d��tre mis � plat et un projet �conomique pour l�Alg�rie doit absolument �tre �labor�, d�battu, et mis m�thodiquement en �uvre. Il a manqu� aux gouvernements qui se sont succ�d� un projet �conomique (je dis bien un projet et non pas un programme c�est-�-dire un catalogue d�actions � r�aliser). �Quand on ne sait vers quel port on se dirige, aucun vent n�est le bon !� L��laboration d�un tel projet n�cessite en tout premier lieu de poser les �bonnes� questions, celles qui �clairent sur la nature des impasses dans lesquelles nous avons �t� (ou plus exactement nous nous sommes) enferm�s. Ainsi, aujourd�hui, l�absence de strat�gie industrielle favorise l�immobilisme au moment m�me o� les moyens financiers sont disponibles. Le gouvernement n�a toujours pas tranch� la question de savoir quelles sont les branches industrielles qu�il doit soutenir directement ou indirectement : celles qui r�pondent aux besoins du march� int�rieur ou plut�t celles qui contribuent aux fameuses exportations hors hydrocarbures (ou plus simplement encore doit-il, peut-il, faire les deux ?). Est-ce que le gouvernement a identifi� les branches industrielles o� nous avons des avantages comparatifs qu�on doit transformer en avantages comp�titifs ? Qu�attendent nos gouvernants pour lancer un v�ritable programme de recherche-innovation au service de l�entreprise alg�rienne ? A l�heure o� le programme de mise � niveau de l�appareil industriel fait couler beaucoup d�encre (et de salir), ces questions rev�tent tant leur sens. Dans le domaine agricole, l�actuel ministre de l�Agriculture met en �uvre le Plan national de d�veloppement agricole (PNDA ou PNDRA). Ce PNDA contient des orientations lourdes de cons�quences. Notre vuln�rabilit� alimentaire est connue et ce plan n�est pas articul� sur une logique d�autonomie ou de s�curit� au moins dans certaines sp�culations strat�giques mais plut�t sur une logique de rendement et de rentabilit� financi�re. Il y a alors nouvelle occupation des sols, priorit� non pas aux cultures vivri�res mais plut�t aux cultures financi�rement rentables et aux cultures d�exportation (moins de c�r�aliculture et plus de mara�chage et d�arboriculture fruiti�re par exemple). Une telle option contribue-t- elle � assurer notre protection contre la menace de l�arme alimentaire que peuvent brandir � tout instant ceux qui nous vendent notre nourriture et autorise- t-elle le ministre de l�Agriculture � demander pour son secteur des subventions toujours plus importantes ? De m�me, cette option est-elle assise sur une analyse comparative de nos potentialit�s comp�titives dans un contexte d�agricultures m�diterran�ennes plus performantes ? Last but not least, la variante d��conomie de march� que nous devons mettre en place doit-elle �tre ouverte, sans protection et expos�e � la concurrence �trang�re ou bien l�Etat devrait-il continuer � assurer, m�me partiellement, son soutien � certaines branches �conomiques dont d�pend la diffusion du progr�s social ? En un mot, on peut accepter l��conomie de march� sans lui livrer le devenir de la soci�t�. On voit bien ainsi que le commissariat � la planification et � la prospective est le bienvenu et qu�il faut d�j� songer � en organiser les travaux et � identifier les dossiers les plus urgents � ouvrir. Il est grand temps de dessiner des perspectives � toute cette jeunesse alg�rienne qui ne finit pas de d�sesp�rer d��tre un jour int�gr�e totalement dans le devenir de son pays. A. B.