Il n�a rien dit ou presque. Il s�est certes exprim�, mais en se for�ant � ne pas d�roger au formalisme de sa fonction qui veut que toute allocution officielle ait un pr�texte. En soi cela porte la marque �l�mentaire de respect d� aux auditoires qui attendent d�un chef de l�Etat qu�il aborde exclusivement les sujets qui les concernent. Mais encore fallait-il qu�il multiplie les interventions cibl�es et dans l�intervalle, qu�il s�am�nage des opportunit�s pour �difier le commun des Alg�riens sur son magist�re dans les moments de grande anxi�t�. Lui qui avait inaugur� d�s 1999 un style moins compass� dans ses discours, remarquable par la libert� digressive, d�cide d�sormais de corseter son propos au point de g�ter sa communication. C�est cette mue, aujourd�hui interpr�t�e dans les chaumi�res politiques comme un aveu d��chec, qui fait du tort � son image. Car pour avoir �t�, durant plusieurs mois, incompr�hensiblement absent il se devait de redevenir comme � son habitude plus disert au-del� du cours magistral destin� aux magistrats. �vacuer les rumeurs et signifier au personnel politique qu�il demeure le ma�tre du jeu auraient d� lui inspirer les mises au point attendues. Il n�en fit rien. Mais �tait-ce de la souveraine indiff�rence vis-�-vis d�une opinion ou bien la contrainte d�un nouveau timing dont il se garde de divulguer m�me � ses proches les grandes lignes ? La question reste pos�e alors que dans les strates du pouvoir l�agitation prend de l�ampleur et chacun improvise pour son compte. Quant au contenu du discours lui-m�me, il est d�j� pass� � la trappe m�me aupr�s de ceux qui se reconnaissent en lui. C�est dire que l�on commence � ne plus accorder l�attention voulue � sa rh�torique ampoul�e. Sauf peut-�tre qu�il faut consulter le professeur Isa�d dont la science juridique est la seule grille pour en d�gager l�essentiel. Cette personnalit�, mandat�e il y a cinq ans pour conduire une r�flexion sur la r�forme de la justice, doit distinguer mieux que tous les journalistes profanes, l� o� cette allocution emprunte des sentiers battus et o� se trouve nich�e la r�flexion novatrice. Trop elliptique pour �tre clair, le chef de l�Etat donnait l�impression de discourir � tort et � travers. Filandreux dans l�expression il se complut dans des g�n�ralit�s � d�sesp�rer le lecteur scrupuleux du texte officiel. Autant croire qu�il pensait s�exon�rer provisoirement d�un grand discours � la nation en exp�diant une formalit� solennelle. Une fois de plus, il s�est mis en porte-�faux avec tout ce qu�il compte comme alli�s. Dans la bassecour de son alliance, les voix sont de plus en plus discordantes sur les bilans de la charte, aussi bien que sur la reconfiguration de la Constitution. Ainsi � quelques mois d�une ann�e d�cisive pour la survie d�un pluralisme dans les assembl�es �lues et au moment crucial o� se joue l�avenir de son propre pouvoir, il r�fr�ne, par ses h�sitations muettes, les ardeurs des affid�s et temp�re les enthousiasmes des appareils jusqu�� diviser ses alli�s et faire douter les nouveaux compagnons de route blanchis par l�amnistie. Dans le club ferm� des �partis pr�toriens�, les gu�guerres secondaires prennent d�j� des allures de clash d�finitif. Les reproches, les critiques et les accusations ne se font plus en �interne� mais sont sciemment amplifi�es publiquement. L�on n�est plus dans les certitudes �tablies � la veille d�avril 2004, lorsque cette tro�ka fit solidairement la courte �chelle au pr�sident sortant. D�sormais chacun �voit midi devant sa porte�. Il est vrai qu�il n�y a rien d�original dans des pactes de cette nature o� les convergences rel�vent moins des projets politiques que du partage de portefeuilles. Ce genre d�associations, uniquement ciment�es par l�ambition, finissent toujours dans la cruaut� des r�glements de comptes qu�alimentent les disgr�ces et les promotions � l�image de Belkhadem et Ouyahia qui, avant de devenir des comparses, �taient fonci�rement des �ennemis compl�mentaires � soud�s par une r�futation r�ciproque mais que l�on bride par le �haut�. Quant � Soltani, arch�type de la �batardisation� du courant islamique, son devenir sera vite scell� pour peu q�il lui vienne l�id�e insens�e qu�il repr�sente une alternative m�diane. A grand pas, l�Alg�rie s�achemine dangereusement vers une seconde glaciation des libert�s publiques avec son lot de nervis politiques pr�ts � instruire des proc�s en sorcellerie pour les voix discordantes. Gr�ce aux subterfuges du pouvoir, l�uniformit� de la pens�e est redevenue le crit�rium pour survivre politiquement comme en t�moignent les pitoyables postures d�un Ouyahia disgraci�s mais toujours�. �disponible �. Reformat�s dans le moule du monopole politique les, ��lus� comme les commis de l�Etat n�ont d�autre alternative � leurs carri�res que de se mettre � la norme. Ainsi, l�hypoth�que pesant sur l�alternance d�mocratique, cl� de vo�te des r�formes de 1988, a pour origine la d�mission des �lites. Sans celles-ci le passage qualitatif ne sera pas possible, car c�est un combat d�id�es qui ne se gagne qu�en confondant publiquement la nouvelle oligarchie. M�hamed Yazid, dont on connaissait le sens de la formule, avait en 1999 exp�di� la question en quelques mots �L�alternative la plus profitable � l�int�r�t national serait de mettre sous scell�s politiques les gens de ma g�n�ration, nos r�sidus et surtout nos sous-produits que nous voyons r�appara�tre�. Ce r�quisitoire sans concession ne pouvait que d�plaire � bon nombre de personnalit�s toujours en sc�ne. Il mettait �galement � l�index le parti du FLN auquel il est reproch� sa propension � �tre h�g�monique. Ainsi l�on s�accorde dans toutes les boutiques politiques � accuser Belkhadem de vouloir s�accaparer, lors des �lections g�n�rales, les assembl�es �lues et de r�duire le pouvoir r�el � un t�te-�-t�te FLN- pr�sident. Alli�s comme opposants institutionnels si�geant au Parlement craignent cette �agressivit� destin�e � r�aliser une OPA politique totale. Cependant, aucun appareil n�a actuellement les moyens de sa riposte et Belkhadem, gr�ce � sa double casquette, est en passe d�imposer sa marque. Avec un brouillon de programme politique r�nov� et un app�tit intact pour le monopole, le FLN est redevenu la principale source d�inspiration de Bouteflika et en m�me temps son infanterie politique. Son m�lange de l�galismes r�publicain et d�islamo- d�mocratique le pr�dispose � devenir le marchepied et le refuge du pr�sident. D�ailleurs, n�a-t-il pas �t� en toutes circonstances l��claireur qui testa les projets de la charte et le r�dacteur de la premi�re mouture de la Constitution ? En somme, le FLN a retrouv� sa vocation de police politique au grand bonheur de Bouteflika qui ne sait parler de d�mocratie qu�en allusions p�joratives. �La d�mocratie n�est nullement synonyme d�anarchie des opinions et de divergences de positions au point de etc. etc;�, d�cr�ta-t-il devant les magistrats. Mais depuis quand l�unanimisme par la terreur ou la peur serait-il valorisant pour les int�r�ts de la patrie, Monsieur le Pr�sident ?