«Mon petit Ala ne viendra pas me rendre visite le jour de l'Aïd. Il ne viendra plus jamais, les criminels l'ont tué.» En arrivant à la Concorde où un terrible éboulement vient de se produire, la grand-mère de la jeune victime laisse exploser sa colère. Son cri de douleur ravive les échauffourées qui ont éclaté cette terrible nuit du lundi 14 août... Abla Cherif - Alger (Le Soir) - Les forces anti-émeutes déployées sur les lieux interviennent pourtant peu. Presque pas, comme pour laisser les habitants de ce quartier épancher une colère trop longtemps contenue. Deux gros engins appartenant au propriétaire du terrain qui vient de s'affaisser sont incendiés sans que la police puisse y faire grand-chose. A cet instant même, toute intervention risque d'amplifier la fièvre de tous ces jeunes descendus dans les rues. Jets de pierres, cris de souffrance, de détresse, ceux des voisins, des amis des victimes du drame. Ceux des riverains du chantier menaçant contre lequel de nombreuses protestations citoyennes ont été émises tout au long de ces dernières années. «Tout le monde savait que ce jour finirait par arriver. Des correspondances exposant nos craintes ont été adressées aux autorités compétentes, nous avons fait des pétitions, des délégations, mais personne ne nous a écoutés. Le résultat est là, un jeune enfant est mort, mais que vaut la vie des Algériens aujourd'hui ?» Ala n'est pas mort sur le coup. Surpris par le glissement de terrain alors qu'il promenait fièrement son mouton de l'Aïd, il s'est retrouvé lui et sa bête enseveli sous les masses rocheuses qui avaient dégringolé. Un homme qui se trouvait sur les lieux a subi le même sort. Des moutons qui paissaient. Des témoins de l'événement rapportent que les roches ont chuté de manière spectaculaire entraînant une panique indescriptible. «C'est de cela dont nous avions peur. Qu'ont-ils à dire maintenant tous ces responsables que nous avions alertés ? C'est à eux qu'incombe la faute, le décès de cet enfant.» En se déplaçant sur les lieux, le maire de Bir-Mourad-Raïs fournit ses explications : «Des mises en demeure ont été transmises au promoteur deux fois de suite. Nous lui avons demandé d'achever rapidement ses travaux mais cela n'a pas été fait.» Le promoteur... un homme au centre de toutes les curiosités, toutes les interrogations ce soir. Ici, très peu d'informations sont disponibles sur la personne. Pas de plaque permettant d'identifier la société chargée d'accomplir les travaux de construction de ce que l'on croit être une promotion immobilière. Pas de nom. «Vous êtes dans un lieu très sensible, très convoité, il faut avoir beaucoup d'argent et des appuis très solides pour obtenir un terrain de ce genre ici. Personne ne sait qui est le propriétaire de ce terrain. En revanche, on sait qu'il a dernièrement changé de mains. L'ancien avait compris qu'il aurait des problèmes. Mais le nouveau propriétaire est inconscient. Ou peut-être trop sûr de lui.» Il est 22h30. Le quartier la Concorde est entièrement bouclé par les forces de l'ordre. Des tirs de grenades lacrymogènes ont lieu pour repousser les émeutiers de plus en plus nombreux. Les équipes de la Protection civile, aidées de chiens renifleurs, poursuivent leurs recherches. Des moutons sont également coincés sous les décombres. Les locataires de maisons avoisinantes s'inquiètent pour leurs habitations situées à proximité du chantier où vient de se dérouler le drame. «Regardez, à l'amorce des travaux, ils ont grignoté de la plateforme sur laquelle sont bâties nos demeures.» Il est bientôt minuit. Le bilan est d'un mort et plusieurs blessés. Les cinq moutons ensevelis semblent perdus à jamais. Une très grande tension règne à Bir-Mourad-Raïs. La famille de la petite victime commence à arriver. Des cris s'échappent de la maison du défunt. Les hommes promettent de se réunir après l'enterrement pour trouver le moyen de régler définitivement le problème. A. C. Le procureur de la République ordonne l'ouverture d'une enquête «approfondie» Le procureur de la République près le tribunal de Bir-Mourad-Raïs a indiqué, hier dans un communiqué, avoir ordonné l'ouverture d'une enquête «approfondie» suite au glissement de terrain qui s'est produit lundi soir au quartier Sidi Yahia (Alger), afin d'en déterminer les causes et présenter les responsables devant la justice. Un enfant de 10 ans est décédé dans cet incident tragique et cinq autres personnes âgées de 3 à 45 ans ont été blessées. Trois de ces victimes avaient été immédiatement évacuées par des citoyens à la polyclinique de Bir-Mourad-Raïs où elles ont reçu les premiers soins.