Le rock et le blues �taient au rendez-vous, le jeudi 17 juin, � la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou. Karim Abranis �tait, ce jour-l�, l�invit� de Slimane Belharat � la rencontre �Parole aux artistes�. Clips et questions-r�ponses ont permis aux fans r�unis dans le petit th��tre de l�institution de retrouver leur idole ou d�en faire connaissance pour la premi�re fois. Pour les uns comme pour les autres, ce fut une rencontre due au hasard ; l�affichage qui se faisait habituellement plusieurs jours � l�avance l��tait � quelques heures seulement du rendez-vous. La soixantaine, mais aussi alerte que ses deux enfants, Bela�d et Youba, visibles dans les clips visualis�s � cette occasion, Karim Abranis explique la naissance et la signification du nom Abranis groupe cr�� en 1973 dans des conditions politiquement difficiles de l��poque o� la suspicion et le contr�le a priori �taient de rigueur. Karim et ses cofondateurs cherchaient un nom pour leur groupe, pas n�importe lequel mais un nom qui accroche et qui rappelle quelque chose dans l�histoire du pays. C�est dans Histoire de l�Afrique du Nordde Charles Andr� Julien qu�ils tombent, entre autres, sur Branis, nom d�une tribu berb�re des VIe et VIIe si�cles qui joua un grand r�le du temps de Kocilia, ils l�adoptent d�embl�e jusqu�au moment o�, pour prendre part � un festival, les gardiens du temple cherch�rent � savoir la signification de ce nom �nigmatique et subversif � leurs oreilles. C�est un nom de lieu r�pondent les artistes pensant pouvoir dissiper ainsi les soup�ons des censeurs qui n�en croyant probablement pas un tra�tre mot exig�rent qu�on ajouta un pr�fixe en quelque sorte. Le groupe s�appellera d�s lors Abranis en concession � la b�tise, on lui fera chanter m�me une chanson en arabe qu�il ne pratique pas. Au-del�, il ne n�gociera pas son autonomie et ses choix pr�f�rant plut�t �voluer dans l�ombre avant de forcer le destin � faire briller la nouvelle �toile. L�introduction du rock et du blues dans la chanson kabyle s�est av�r�e la voie royale du groupe Abranis qui, sortant de la coquille alg�rienne trop �touffante, prend un grand �lan � l��tranger o� il a acquis une renomm�e jamais d�mentie jusqu�� pr�sent, surmontant les vicissitudes de la vie par un mode de fonctionnement in�dit. En effet, le groupe a fonctionn� comme une entreprise, d�s que quelqu�un s�arr�te pour une raison ou une autre soit il d�signe son rempla�ant, ce qui arrive dans la plupart des cas, soit il est remplac�. C�est le secret de la r�ussite et de la long�vit� des Abranis o� l�on d�nombre, de 73 � nos jours, une liste de 45 artistes parmi les plus c�l�bres qui ont fait brill� son enseigne. Le temps semble venu, maintenant, pour le principal des cofondateurs, Karim Abranis, de prendre du repos, on ne sait pas trop si c�est pour se consacrer � la production ou si c�est pour se payer du bon temps dans son pays et ne plus rien faire. Les deux hypoth�ses sont �voqu�es au cours de sa rencontre, du jeudi 17 juin, avec le public � la maison de la culture de Tizi-Ouzou. Il peut sans doute envisager l�une ou l�autre de ces hypoth�ses sans risque de voir le groupe sombrer, ses deux enfants semblent tout � fait pr�ts � prendre la rel�ve au vu des galas r�alis�s l�an dernier � Alger, B�ja�a et Tizi ouzou, projet�s � l�occasion de cette rencontre comme illustration d�un genre musical moderne et rythm�. Par beaucoup d�aspects, Karim Abranis fait penser aux plus grands noms du rock et du blues, la sc�nographie, les instruments, la gestuelle le rythme sont quasiment identiques. La langue et les textes, g�n�ralement courts, puis�s dans le terreau social kabyle sont pratiquement les seuls aspects particuliers de ce qu�on a donn� � voir � travers les clips projet�s ce jourl�. Cela dit, les Abranis ne font pas dans l�imitation, ils se situent plut�t dans l�adaptation. Ils r�alisent dans le domaine musical ce que le regrett� Mohia faisait dans le th��tre ; il assimilait et repensait en kabyle des pi�ces de th��tre universel. Ce faisant Mohia d�montrait, ce qui �tait un de ses principaux objectifs, la capacit� de la langue kabyle � v�hiculer les concepts de la pens�e moderne. Les chanteurs kabyles du genre Idir, A�t Menguellat, Matoub, Abranis et beaucoup d�autres ont travaill�, peut-�tre inconsciemment, dans le m�me but. Lynda, une chanson datant de 74, est purement imaginaire, elle ne rel�ve pas du v�cu, explique l�auteur, qui r�fute la rumeur sur un diff�rend avec A�t Menguellat, auquel il rend hommage au m�me titre que Matoub Loun�s. Karim Abranis conclut sa rencontre avec Slimane Belharat sur une r�flexion de philosophie �cologiste portant sur les d�s�quilibres �conomiques et sociaux du monde actuel. Il a, par ailleurs, �cout� avec attention Karim Habi, jeune chanteur et guitariste qui a interpr�t� deux chansons de son cru avec une tr�s belle voix, qu�il a vivement encourag� � continuer dans le m�me registre.