Hidaoui souligne l'importance d'encourager les jeunes dans le domaine des médias numériques    Pour des raisons sécuritaires et économiques, l'Algérie doit repenser son système d'information    Alger, carrefour stratégique du commerce intra-africain    Analyse des positions géopolitiques    Des soldats sionistes prennent le contrôle du bateau transportant de l'aide humanitaire aux Ghazaouis    CAN féminine 2025 Le Nigeria remporte son dixième titre    L'international suédois Viktor Gyökeres s'engage avec Arsenal    Les inscriptions sont lancées    Keltoum, la doyenne de l'interprétation féminine    Le président de la République opère un mouvement partiel dans le corps des présidents de Cours et des procureurs généraux près les Cours de justice    L'Armée sahraouie cible des retranchements de l'armée d'occupation marocaine dans le secteur de Guelta    Arkab reçoit le haut conseiller du président américain pour l'Afrique, les affaires arabes et le Moyen-Orient    Crash d'un avion de ligne russe : le président de la République présente ses condoléances à son homologue russe    Jeux scolaires Africains (Algérie 2025) : médaille d'or pour l'Algérien Mounder Djemouai    Foot/ CHAN-2024 (décalé à 2025) (préparation) : Algérie - Mauritanie en amical mardi    Programme AADL 3: plus de 870.000 souscripteurs ont consulté les résultats de l'étude de leurs dossiers    Haut conseiller du président américain: les Etats-Unis d'Amérique attachent une grande importance à leurs relations avec l'Algérie    Athlétisme/Continental Silver Tour-Meeting de Berlin: Médaille d'or pour Yasser Triki au triple saut    CAAR : bénéfice net d'un milliard DA en 2024    Oran : accueil du deuxième groupe d'enfants de la communauté algérienne résidant à l'étranger    Versement de l'allocation spéciale de scolarité pour la prochaine rentrée scolaire à partir de lundi    Attaf reçoit le haut conseiller du président des Etats-Unis d'Amérique pour l'Afrique    Rentrée universitaire 2025/2026 : confirmation des préinscriptions pour les nouveaux bacheliers à partir de dimanche    Le président de la République reçoit l'ambassadeur de la République tunisienne en Algérie    Oran: clôture du Festival local de la musique et de la chanson oranaises    Attention à la noyade !    Plus de 18 kg de cocaïne et 5,3 milliards de centimes saisis par le SRLCO    Dans les pas de Fernando Pessoa…    Le réalisateur Sid Ali Fettar inhumé à Alger    Le ministre de la Communication prend part à une cérémonie en hommage au défunt journaliste Ali Draa    1.700 athlètes attendus en Algérie pour la 1ère édition    Contact perdu avec le navire Handala transportant de l'aide humanitaire    Les impacts économiques et géostratégiques des tensions entre l'Algérie et la Commission européenne    Célébration en musique du 185e anniversaire de la naissance de Tchaïkovski    Mohamed Meziane installe le nouveau secrétaire général du ministère    Sur la voie de la fidélité    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



�tat priv� et soci�t� traqu�e
Par Ahmed Cheniki*
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 03 - 2010

Le dernier communiqu� du ministre de l�Education pose s�rieusement le probl�me de la citoyennet� dans un pays o� la parole �populaire� se perd dans les trav�es de l�indicible. Mots mena�ants, violence du ton et m�pris de toute parole diff�rente. Dans un pays normal, c�est-�-dire d�mocratique, toute la soci�t� aurait r�agi � cet appel � la division nationale.
En tant qu�universitaire et ancien journaliste, n�ayant jamais fait partie d�un groupe de plus de deux personnes, je n�ai nullement �t� surpris par le silence complice de personnalit�s dites nationales et de l�universit� cens�es parler au nom de ceux qui sont priv�s de l�usage de cette parole. Comme je n�ai pas �t� �tonn� par le ton mena�ant et l�instrumentalisation de l�appareil judiciaire. Le discours minist�riel engage tous les espaces de gouvernement, contrairement aux propos contenus dans la d�claration, tr�s tardive, trop timide et extr�mement timor�e d�un Cnes, esseul�, pr�f�rant peut-�tre les jeux de coulisses, porteuses de places possibles � des strapontins �ventuels. Le silence d�sormais trop peu significatif d�une UGTA, minoritaire, portant l�uniforme du soldat sans grade, faisant penser � Schweik, �tait �galement pr�visible. Tous s�accordent en observant un mutisme complice � cette menace tragique et historique (m�me du temps de la colonisation, la chose n��tait pas arriv�e) de licencier 50 000 enseignants et de les remplacer par d�autres qu�on pourrait changer de peuple et en choisir un autre beaucoup plus convenable, c�est�- dire un peuple de ventres creux s�octroyant avec un plaisir extatique les places des autres. L�universit� a besoin d�un v�ritable syndicat et d�une certaine autonomie, loin de cette mode � l�alg�rienne de recteurs futurs s�nateurs ou d�put�s de �partis� - appareils dits majoritaires. Certes, apr�s le d�part sciemment encourag� de centaines de comp�tences universitaires nationales � l��tranger, surtout dans les universit�s europ�ennes et canadiennes, il ne reste finalement pas grand monde dans l�univers de ce que nous pourrions placer dans la cat�gorie des �producteurs de savoir�. L�universit� a atteint un stade avanc� de d�liquescence sans que les pouvoirs publics daignent s�en inqui�ter. Ce qui se passe dans ces lieux mis�rables, marqu�s du sceau de l�aphonie et d�une incomp�tence primaire, n�int�resserait pas nos gouvernants trop prompts � aligner des chiffres trop myopes et � chercher � exorciser r�guli�rement le syndrome de l�ann�e blanche. Professeur exer�ant en Alg�rie et dans des universit�s europ�ennes comme professeur invit�, je ne peux qu�appr�cier la grande diff�rence entre les deux espaces. Chez nous, le plagiat, l�absence de s�rieux, la mauvaise gestion et l�absence de recherche, en dehors de cette comptabilit� fun�raire de projets et de labos dits de recherche sans consistance, sont les lieux les mieux partag�s. Des universit�s souvent sales, des amphis non op�ratoires, des responsables d�sign�s, parfois, en catimini et un fonctionnement des plus mis�rables caract�risent ces lieux o� il n�y a ni salle de travail pour les �tudiants, ni bureaux pour les professeurs condamn�s � passer leur temps vide au milieu des �tudiants, des biblioth�ques jamais r�actualis�es et un grave d�ficit en activit�s culturelles, des conseils scientifiques s�occupant rarement de l�essentiel, des �coles dites doctorales n�h�sitant pas � se substituer � la Fonction publique et des bourses assimil�es � une distribution d�une rente. La majorit� de nos universitaires ne lit pas, incapable de produire un savoir, manquant tragiquement de background culturel, se fourvoyant dans des t�ches de reproduction de discours d�j� l� et dans une gymnastique continue de non-r�actualisation de leurs cours (parfois int�gralement d�Internet) et de leurs connaissances. L�activit� culturelle est dramatiquement absente : tout d�bat est impossible, les colloques se r�sumant souvent � des expos�s descriptifs, espaces de bouffe et de distribution d�attestations de participation donnant la possibilit� de postuler � des grades sup�rieurs et des revues ineptes sans r�elle valeur scientifique. Il y a aussi cette histoire, qui n�en finit pas, de soutenances arrang�es avec des jurys de complaisance. Dans mon universit� o� il est vain de chercher une biblioth�que valable ou une revue scientifique r�cente, je ne peux que gambader au milieu des �tudiants dans des couloirs labyrinthiques, hors des amphis trop froids o� il est impossible d��tre entendu par les �tudiants trop mal pris en charge, et d�une salle des enseignants, d�une incroyable salet�. Pas de bureaux pour enseignants, pas de toilettes ni de lieux de travail corrects. Internet, c�est du domaine du virtuel. Mon salaire de professeur (le grade le plus �lev� de l�universit�) de 72 000 dinars, avec de nombreuses ann�es d�anciennet�, me permet tout de m�me d�acheter quelques ouvrages. Les uns et les autres se regardent, observant un silence marqu� d�une grave indiff�rence, tournant souvent le dos au d�bat social et scientifique et � une soci�t�, drap�s du sceau de l��tranget�. Cette mani�re de faire qui caract�rise �galement le secteur de la Sant�, laiss� pour compte, d�ailleurs, ce n�est pas pour rien que des m�decins ont �t� brutalis�s lors de leur mouvement de protestation alors qu�ils posaient pacifiquement leurs probl�mes, eux qui, m�decins g�n�ralistes, d�butent avec un salaire mensuel de 33 000 DA et un sp�cialiste ne d�passant pas les 44 500 DA. L�h�pital, malade, est souvent assimil� � un mouroir, faute de bonnes conditions de travail et de mat�riel ad�quat. Nos responsables se soignent � l��tranger. Ce qui est une grave insulte � un syst�me de sant� qu�ils sont cens�s mettre en place. Nous sommes en pr�sence de deux mondes, les privil�gi�s et les suivants et la soci�t� profonde. Les deux conflits ont donn� � voir aux Alg�riens l�impression qu�ils sont des �trangers dans leur propre pays. Le discours du ministre de l�Education (et l�inflexibilit� arrogante de son coll�gue de la Sant�), usant d�un lexique violent, marqu� par la pr�sence de nombreux imp�ratifs et de n�gations, dit par le pr�sentateur de la t�l�vision sur un ton militaire, inqui�te par sa brutalit� et son manque de mesure. Ce qui �tait entrepris pour faire du r�cepteur un �tre passif, soumis, conna�t une mue : les jeux de la r�ception m�diatique sont tellement complexes que le discours, une fois re�u, est neutralis�, se retournant contre son �metteur, assimil� � un repr�sentant d�un appareil r�pressif, usant d�une force injuste.
C�est � l�image d�une t�l�vision �arm�e�, au garde-�-vous, �loign�e du grand nombre, que nous avions affaire, ce qui engendre plus de distance et de m�fiance. L��metteur voit sa parole d�gonfl�e, perdant son sens initial pour se retrouver marqu�e du sceau de l��trange et de l��tranger. Ce n�est pas pour rien que les gens parlant du ministre l�assimilent � un �ils�, la troisi�me personne du pluriel, qui le met dans la posture de l�adversaire. �Le temps de la carotte est termin� � �les syndicats perturbateurs doivent �tre chass�s � : ces sentences du premier responsable du secteur de l�Education sont graves, convoquent encore une fois la violence, la r�pression, la contrainte et l�autoritarisme, r�duisant � n�ant toute pr�tention citoyenne. C�est l�expression d�une pauvret� au niveau du langage et d�une propension � user de la violence quand les mots, peu engageants, ne r�ussissent pas � convaincre l�auditeur, une pratique fonctionnant essentiellement dans les structures tribales et claniques. Pour le secr�taire g�n�ral du minist�re, l�Etat se confond avec le gouvernement, �vacuant toute possibilit� de pratiques d�mocratiques assimil�es � la �carotte�. C�est le SG qui nous propose cette sortie sur la presse publique et l�Etat, digne des r�gimes autocratiques : �Les m�dias publics appartiennent � l�Etat et doivent donc d�fendre l�Etat�. De quel Etat parle-t-il ? L� se pose un s�rieux probl�me de d�finition. Dans les pays d�mocratiques, l�Etat ne se r�duit pas exclusivement � l��quipe gouvernementale. Est-il possible de continuer � user de la violence �l�gale� pour d�samorcer des crises qui ne cesseront pas de remonter � la surface et de r�duire au silence toutes les voix discordantes que compte ce pays ? La censure n�y peut rien, comme ces instructions qui auraient �t� donn�es, selon le site TSA, aux m�dias dits publics, d�ailleurs trop pauvres, pour qu�ils censurent une partie de la soci�t� protestataire, celle des enseignants et des m�decins gr�vistes. La soci�t�, par ce comportement trop peu l�gal de pouvoirs �publics�, vivant un s�rieux d�ficit de l�gitimit�, se retrouve d�j�, de fait, exclue des trav�es des m�dias publics et en porte-�-faux avec un Etat depuis longtemps en voie s�rieuse de privatisation. L�instrumentation r�guli�re de la justice fragilise davantage cet appareil id�ologique semblant ob�ir � des objections �r�f�r�es�, ce qui aggrave encore plus les choses, mettant en suspicion les espaces-cl�s du discours �tatique, � commencer par l��cole, la presse dite publique, la justice, et creusant ainsi un profond foss� entre les �privil�gi�s� (ceux d�tenant les postescl�s) et la soci�t� profonde (vivant au quotidien les jeux trop peu am�nes d�un pouvoir d�achat en chute libre), ce qui n�augure rien de bon pour un futur trop obscur, � l�aune des affaires actuelles de corruption et de la mise en accusation des espaces �politiques� actuels consid�r�s sans l�gitimit�. Qui comprendra que l�UGTA, syndicat d�sormais minoritaire, g�re encore les �uvres sociales de l�Education alors qu�il serait mieux indiqu� de les laisser � tous les travailleurs qui choisiraient des commissions libres pouvant faire profiter tous les employ�s de cette cons�quente manne financi�re ? L�UGTA, quelque peu proche du RND, est impos�e � une soci�t� qui semble vouloir l�envoyer au mus�e de l�Histoire, action qui aurait d� �tre entreprise il y a fort longtemps. Mais la contrainte semble prendre le dessus sur la raison. La c�sure caract�risant les relations conflictuelles entre les lieux de la d�cision et l�espace social est tellement profonde que toute communication est alt�r�e, travers�e par les scories de la r�pression. Les syndicats enseignants semblent d�ranger parce qu�ils posent, au-del� de la l�gitime qu�te d�augmentation des salaires, des questions politiques. Surtout la place r�elle que devrait occuper ce qu�on appelle pompeusement la �centrale� syndicale, appel�e � continuer � vivre de la rente p�troli�re, d�ailleurs trop opaque dans un pays o�, partout, celle-ci entretient les liens communautaires, tribaux et familiaux, faisant vivre une �famille� r�volutionnaire aux crochets d�un minist�re des Moudjahidine dont le budget serait beaucoup plus important que celui de l�Enseignement sup�rieur. C�est tout dire d�un gouvernement qui consid�re l�universit� comme un simple espace d�illustration de son discours, l�h�pital comme une ambulance en perp�tuelle panne et la �culture�, otage d�une politique festivali�re trop co�teuse, n�apportant absolument rien � la production culturelle, excluant les diff�rents publics, s�apparentant � une �dilapidation� des deniers publics. Dans ce contexte �lectrique, la convocation autoritariste de la parole r�pressive neutralise toute possibilit� de dialogue et radicalise davantage le discours adverse appel� � se terrer un moment pour r�appara�tre au-devant de la sc�ne. La m�moire, pour reprendre Paul Ric�ur, est le lieu privil�gi� de la remont�e des eaux. Les jeux de l�autorit� qui ne pourraient r�duire les lieux saillants de la m�moire en une zone aphasique ne feraient que diff�rer les vrais d�bats, engendrant de nouveaux rapports de force et mobilisant la soci�t� tout en fragilisant l�appareil �tatique. Ce qui provoquerait in�luctablement de profondes c�sures.
A. C.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.