A la sortie de la ville de Djelfa, les visiteurs auront remarqué la présence d'un monument pas comme les autres. Il s'agit d'une très grosse pierre entourée d'une chaîne. C'est l'histoire de cette pierre qui est intéressante puisqu'elle reflète la bêtise et l'ignorance des colonialistes français. En effet, cette pierre dite Lembassia a été réellement condamnée par la justice française. Cette roche qui était tombée sur un Français travaillant dans un chantier avait fait mal à toute la France. Les Français qui avaient réquisitionné les Algériens dans l'opération dite Etteskhira pour les travaux de la route menant de Aïn Maâbed à Djelfa n'avaient pas accepté que l'un des leurs se fasse tuer en Algérie. Alors que le chantier avançait au niveau de la montagne Haouas, la chute d'un rocher tua sur le coup le chef de chantier qui était un militaire. Comme les Français ne faisaient pas de différence entre les hommes et les pierres et pour montrer que la France ne pardonne à personne, même aux pierres, ils ont décidé de juger la «meurtrière», auteur du crime contre le Français. Un jugement en bonne et due forme fut alors organisé. Le juge, le procureur et le greffier étaient présents face à un public arabe obligé d'assister au procès et à la sentence. Dans sa plaidoirie, l'avocat a tenté de convaincre le jury en mettant en exergue les circonstances atténuantes pour faire éviter la condamnation à mort à la pierre meurtrière. Après une longue plaidoirie, l'avocat français a en effet pu toucher les sensibilités du juge, du jury et même du procureur, puisque le rocher a été condamné seulement... à perpétuité. En ce jour mémorable, la France représentée par ses militaires avait réussi l'exploit de condamner la pierre meurtrière. Pour la justice française qui tenait à donner une bonne leçon à la population locale, il fallait que les Arabes de Djelfa et de toute l'Algérie sachent que tout criminel sera puni par le colonialisme, même s'il s'agit d'une pierre. Donc, juste après le procès, la pierre baptisée El hadjra lembassia (passée par la justice) a été enchaînée par les militaires et exposée pour que tous les Algériens en tirent la leçon. En effet, la leçon a été bien apprise. Juste après le départ forcé des Français en 1962, des jeunes Djelfaouis se sont précipités pour libérer El hadjra lembassia en brisant ses chaînes. En 2005, lors de l'aménagement de la ville, la wilaya de Djelfa a décidé d'exposer des symboles de la ville à chaque rond point. El hadjra lembassia a donc retrouvé ses chaînes, et sa réplique se trouve actuellement au rond-point face à Hammam El Herfa. Comme les habitants de Djelfa tiennent à garder cette leçon de justice, la pierre restera à jamais enchaînée pour que tout le monde, y compris les touristes français, sache que les soldats qui sont passés par là ont condamné et torturé même les pierres.