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Ils ont choisi ce mode de vie.. Ces SDF heureux !
Publié dans Le Temps d'Algérie le 15 - 02 - 2019

Du quartier de Belcourt à la Place des Martyrs, il a parcouru des milliers de kilomètres en quarante ans d'errance, arpentant les rues et ruelles des lieux mythiques de la capitale. Amar, 72 ans selon lui, aura tout vu. Il a à peine 19 ans quand il débarque en France… A une époque où on n'avait pas besoin de faire une demande de visa.
«J'aime la solitude même quand je suis seul».
Jules Renard
Ils sont partout et nulle part, comme on dit dans le langage courant. Au coin de la rue, à l'entrée d'un immeuble, dans un jardin public, sous les arcades des grandes artères. On leur prête rarement attention, tant ils ne dérangent personne et préfèrent rester discrets, vivant au jour le jour encombrés par leurs baluchons traînés d'un lieu à l'autre de la ville. Eux, ce sont ces sans toit, sans adresse, sans activité professionnelle. Ils sont dans un monde à part que nous avons percé, pénétré à travers les récits de quelques-uns d'entre les dizaines de ces SDF ayant choisi de mener une vie marginale mais pas aussi pénible qu'on peut le croire.
Le gai luron
Du quartier de Belcourt à la Place des Martyrs, il a parcouru des milliers de kilomètres en quarante ans d'errance, arpentant les rues et ruelles des lieux mythiques de la capitale. Amar, 72 ans selon lui, aura tout vu. Il a à peine 19 ans quand il débarque en France. A une époque où on n'avait pas besoin de faire une demande de visa. Il y restera une dizaine d'années, vivant de petits boulots. Dans les tripots tenus par les Maghrébins, notamment à Barbès, il s'exerçait à son violon d'Ingres, en l'occurrence la guitare, reprenant de vieux répertoires loufoques. «Cela me permettait de ne pas faire la manche», ironise-t-il. En fait, il avait de quoi payer sa petite chambre d'hôtel, de manger à sa faim et d'aller au cinéma en costume cravate. Il adore Rouiched et Hassan El Hassani (Boubagra) mais aussi Louis de Funès et Fernandel. Il aurait même rencontré ce dernier dans l'un des restaurants chics parisiens. Le célèbre comédien se montra vraisemblablement admiratif devant le numéro d'imitation de l'Algérien. Ce à quoi il lui prédit un brillant avenir de comique. Entre temps, la vie a pris un autre cours pour le gai luron. Durant une année, il connut d'abord le vrai bonheur avec un beau brin de fille rencontrée chez des amis. «Ses cheveux étaient aussi blonds que les épis à la moisson», se souvient le nostalgique. L'aventure amoureuse s'arrêta brusquement lors d'une beuverie quand le «macho», dans un moment de jalousie, gifla sa dulcinée. Il ne la reverra plus jamais. Des années après, il rentre en Algérie, mais non sans l'idée de repartir un jour. La mort de ses parents, un deuxième mariage complètement raté, façonnent un autre itinéraire pour lui. Aller ailleurs, histoire de changer de milieu. Vagabonder en attendant mieux. Les déceptions ne semblent pas en revanche le marquer. Les années passent et le goût d'être seul le gagne jusqu'à se complaire. Son temps se déroule en écoutant la radio et boire un coup quand l'occasion se présente. De ses longues années d'errance, il ne regrette rien. Il l'exprime à la manière de Piaf. «Non rien de rien», chantonne le blasé. Il se plaît dans cette insouciance où la contrainte du lendemain ne l'empêche pas de dormir. Quand son heure viendra, pense-t-il, il partira confiant de savoir que de braves gens s'occuperont de mettre son corps six pieds sous terre. «On finira tous dans un trou», dira le luron dans un rire sarcastique. Nous le quittons sur cette note funèbre.
Tout bascula d'un coup
Quand Miloud quitte Djelfa au milieu des années 1970, il n'a aucun pied à terre à Alger où il arrive tout émerveillé par sa blancheur éclatante. Pas un proche, ni un ami pour être aux côtés de ce jeune homme débordant d'énergie mais traînant un passé pas très gai. Une enfance malheureuse héritée d'un père alcoolique et d'une mère se tuant à la tâche pour élever une demi-douzaine de rejetons vivant souvent de la charité des voisins. Etant l'aîné de la fratrie, le fougueux Miloud aidait comme il pouvait à nourrir la marmaille en louant son physique d'athlète aux commerçants de la ville. Décharger la marchandise, s'occuper de ranger les produits ou faire les courses étaient ses principales activités journalières. Il lui arrivait de temps à autre de faire le caissier quand le patron ou ses deux enfants sont appelés à s'absenter. Jusqu'au jour où l'idée diabolique le tenta de piquer quelques biftons. Le propriétaire qui lui vouait une sacrée confiance se rendit tout de suite compte. Réceptif à la situation familiale de son employé, il évita de porter plainte. Viré et pris de remords, le jeune décide un matin d'été de partir. Ce fut un aller simple. Cela fait déjà 45 ans qu'il est nomade. Et même s'il a pris un coup de vieux, il garde encore un certain charme, un atout peut-être qui contribue à attendrir les âmes charitables. «Je n'ai jamais demandé l'aumône» précise-il à ce sujet. Pour un SDF, il faut le dire, il est plutôt coquet. Pourtant, hammams, dortoirs publics, cages d'escalier, parkings sont des repères cycliques dans sa «chienne de vie» comme il le dit d'un air moqueur. La fermeture éclair de son fourre-tout laisse dépasser «Bel ami», un roman de Guy de Maupassant. «Je l'ai lu et relu», fait-il savoir indiquant qu'il s'identifie un peu à l'un de ses personnages. Une surprise d'apprendre que notre vagabond est porté sur la littérature. L'on saura dans ce sens qu'un ancien compagnon, parti vivre sous d'autres horizons, lui a légué l'amour de la lecture. Cependant, changer de vie et rompre avec la solitude ne semblent pas le titiller. «Non, je ne suis jamais seul avec ma solitude», passage du tube des années 1960 de Georges Moustaki, nous surprend. C'est un peu trop tard pour lui, pense-t-il. C'est vrai que l'habitude et le poids des ans ont souvent le dessus sur une décision. Depuis qu'il est parti de la capitale des Ouled Naïl, Miloud n'a plus regardé dans cette direction. Il n'a même pas assisté à l'enterrement de sa génitrice dont il apprendra la disparition des années après. Une chose est sûre, c'est qu'il n'est pas malheureux et se voit libre comme le vent. En prime, il a de l'orgueil jusqu'au bout des ongles. Le refus poli à notre invitation pour un petit repas dans une des gargotes de Meissonnier était bel et bien une confirmation de l'hypothèse. Salut, l'ami !
L'artiste
«Le comble d'un Kabyle est de s'appeler Larbi (l'Arabe)», ironise-t-on dans le parler bien de chez nous. C'est un peu le cas de ce SDF qui, n'en pouvant plus des remontrances quotidiennes du mari de sa mère, quitte son village natal à Maâtkas, perché sur les monts dominant Tizi Ouzou. Larbi, bercé par les poèmes de Si Muhand Umhand, récite aussi El Mutanabbi et Alfred de Musset. Sans le vouloir, il se retrouve dans un milieu d'artistes en herbe. Des étudiants en majorité. «J'étais dans un bar avec un proche, chez qui je créchais, quand ce dernier me présenta un ami à lui. Un guitariste talentueux. On se voyait souvent en fin de journée pour prendre quelques verres ensemble avant de se quitter en milieu de soirée. Lui allait rejoindre l'orchestre où il jouait dans un des cabarets de la capitale et moi je m'abreuvais de quelques pots jusqu'à la griserie. J'étais employé dans une entreprise comme agent de maîtrise, poste que je maîtrisais bien avec mon niveau de terminale. Mais les fréquentations, surtout avec le monde des artistes, ont fini par me détourner de ma carrière. «En 1978, les diplômés universitaires ne couraient pas les rues. J'aurai pu aller loin. Le destin a écrit une autre page pour moi. Avec mon ami le guitariste j'ai appris à jouer de cet instrument. Grâce aussi à mon pote j'ai fait la connaissance, entre autres artistes, de celui qui deviendra mon idole; en l'occurrence Matoub Lounès que Dieu ait son âme. Sa tragique disparition m'a énormément touché. Depuis cet évènement, je n'ai plus le cœur à jouer de la guitare. Fréquentant de plus en plus les bars, j'ai perdu tous mes repères et voilà où j'en suis», raconte Larbi. C'est cela le résumé de son émouvant parcours. Et s'il lui arrive d'être un peu triste, il noie son chagrin dans un carton de vin bon marché et se réveille avec des lendemains chantants. Il a oublié de fonder un foyer, de prendre femme pour l'aimer, de penser à avoir une descendance. Choix ou destin ? Les deux peut-être. Des SDF et heureux ? Il en existe tout comme «les tziganes heureux» d'Aleksandre Petrovic.


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