Au deuxième jour de l'Aïd Esseghir 1429, un cadavre dont le crâne était défoncé était découvert aux environs de l'oued Hydra près de la Colonne Voirol. Une fois sur place, les enquêteurs vont se heurter sur un os : aucun papier sur le cadavre. Ce sera donc ardu de le reconnaître et donc d'avancer rapidement vers l'auteur de ce crime horrible. Horrible car des cheveux sont restés sur la grosse pierre qui a servi à briser le crâne et les os du cou de l'homme. C'est dire la férocité de l'abominable acte. Le médecin légiste relèvera sept coups et un profond traumatisme crânien. Les recherches vont aux petits témoignages sur les derniers rôdeurs de cette soirée du premier jour de l'Aïd 1429 et le second. Ils mènent les policiers sur des pistes qui aboutiront à l'arrestation du suspect. Ce dernier, «pressé de questions» avoue être l'assassin. Et d'emblée, il met au-devant les circonstances atténuantes. «J'ai lavé mon honneur. Il a voulu abuser de moi. J'étais ivre. Je ne savais pas ce que je faisais...», dira-t-il. Mais à l'audience dans un pesant silence, le président du tribunal criminel le sermonnera. «Lorsqu'on est ivre on ne court jamais derrière quelqu'un, un blessé, tombé à terre pour l'achever à coups de pierre !» Les débats seront sereins. L'avocat commis d'office, maître Far, ne dépassera pas la ligne rouge. Il refusera même de révoquer les faits tant ils étaient clairs. Pourtant, il axera sa plaidoirie sur les demandes de l'octroi des circonstances atténuantes. Ce qui mènera droit sur un verdict juste au milieu de l'acte, et des demandes du procureur général : perpète !«Devant les coups que je lui ai portés, il a couru et a chuté : je me suis lancé à sa poursuite et à l'aide d'une pierre, je l'ai frappé à la tête.» Le président du tribunal criminel venait de relire un passage du PV du juge d'instruction. «Vous ne connaissez pas la victime, du moins c'est ce que vous prétendez. Pourquoi tout cela ?», demande le juge. L'accusé est silencieux, jusqu'au moment où le procureur général posa une question précise autour de coups portés par une barre de fer une première fois avant de lui balancer d'autres coups sur le crâne : «Et vous prétendez ne pas vouloir l'assassiner !», dit-il. Un homme à terre, continue le magistrat qui lui exhibe une photo où une tête ensanglantée ravive de moments difficiles pour l'accusé qui déclare qu'il était en colère à ce moment-là, une colère menant droit au crime. Le témoin va détendre l'atmosphère en déclarant au tribunal criminel que sa famille avait préparé le repas du mort : «Lorsque je suis rentré chez moi, j'ai découvert que l'on me pleurait. On avait pris le cadavre pour le mien.» Debout, le procureur général débute son réquisitoire par la genèse des faits. «C'était le second jour de l'Aïd El Fitr. On venait d'informer la police qu'un cadavre venait d'être découvert à la Colonne Voirol près de l'oued Hydra. Les investigations de la police judiciaire ont mené droit vers Djaïder qui, aujourd'hui, parle de légitime défense au lieu de demander pardon», dit-il. «Il a voulu abuser de moi», avait clamé l'accusé pour sa défense. Le procureur évoque les «armes» utilisées pour le crime. Il y a aussi le lieu où avait été consommé de l'alcool et une bombe lacrymogène. Revenant à l'honneur bafoué, le représentant du ministère public dit sa douleur de croire que c'est plutôt l'accusé qu'a voulu sodomiser la victime : «Sinon, pourquoi avoir utilisé la bombe lacrymogène ?», se demande le représentant de la société. «Combien de coups avait reçu la victime ? Sept ! Nous avons même la pierre ayant servi au meurtre, elle contient encore des cheveux de la victime. Il y a eu guet-apens et préméditation», a ajouté le procureur qui va réclamer la peine capitale, rien que pour avoir ôté la vie, domaine réservé au seul Tout-Puissant. Sur le plan du droit, l'avocat se réfère à l'article 261 du code pénal, avant de revenir à l'article 264 du même code qui évoque les coups et blessures volontaires ayant mené au décès. «L'exactitude de la lecture des textes de loi et ici le 264 va pour l'accusé du jour», a dit Me Far qui rappellera au tribunal criminel que ce peuple est musulman, sunnite et a des traditions d'une haute estime interne du temps des tribus. Le défenseur va même citer l'imam Malek.