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Ghardaïa et l'épuisement de l'Etat national algérien
Publié dans Le Temps d'Algérie le 23 - 03 - 2014

Le retour sur le théâtre des violences à Ghardaïa, des désignations ethniques, religieuses ou ethno-religieuses à contenu hostile et agressif, au rôle diviseur voire meurtrier, ne peuvent qu'inquiéter.
Dans ce long processus - trente-cinq ans environ - les réformes ont généré partout des émeutes spontanées, sans chefs ni organisation que le pouvoir a jugulé dans les régions en ressuscitant les vieux rapports du patriarcat leur concédant, en négociant, chaque fois plus une part de sa propre autorité.
Calmer les jeunes revenait toujours à créer ces chantiers d'urgence pour un plein emploi provisoire, distribuer des logements, installer de l'électricité ou du gaz, mais en l'absence d'organisation, les canaux de la distribution passaient par les notables et l'argent aussi.
Le changement social subreptice
De fait, les politiques de la privatisation ont trouvé dans ces nouveaux/anciens notables leurs relais politiques, leur base sociale, leur «secret» de la stabilité et surtout un nouveau personnel politique qui a remplacé dans les assemblées les élus issus des instituteurs par des élus issus des entrepreneurs. L'interpénétration entre fonctions électives et stratégies de conquête des marchés feront désormais bon ménage.
Ce processus montre que les politiques de privatisation ont ranimé d'anciennes fonctions administratives ottomanes ou coloniales et leurs titres y afférent de notables à distinguer des cheikhs des conseils religieux communautaires. Pour que le transfert des richesses et des biens réussit au sommet de l'Etat, il fallait au pouvoir réussir la même opération au niveau intermédiaire en encourageant la création de ces relais politiques et sociaux.
Aux «barons» du sommet, il fallait le relais de «barons» locaux nourris également de marchés, de contrats, de chantiers obtenus par la réactivation des rapports claniques auquel je préfère la notion de rapports gentilices car ils sont le plus court chemin vers l'idée que les biens disponibles reviennent légitimement à la gens. Au lieu de substituer la nation à la tribu, la privatisation a substitué beaucoup de contenu tribal à son contenu national.
Ainsi s'est construite tout au long de ces trente-cinq années, une caste de privilégiés nobiliaires qui s'est constituée par cooptations successives et opportunistes et en interpénétration avec les fonctions électives et administratives de l'Etat. Elle ne peut devenir une classe au sens moderne car elle a encore besoin de son influence sur les structures gentilices pour s'assurer des marchés qui lui garantissent son enrichissement.
Dans les villes, ces rapports gentilices se sont reconstruits en dehors des liens du sang, dans les lieux et à partir des idéologies idoines pour organiser le pillage à partir des pouvoirs administratifs de dispenser un bien : l'octroi d'un logement, de bons de ciment à prix administré, chantiers permanents de réfection des voies publiques, etc.
Si cette caste a donné au pouvoir la base de sa stabilité, elle a par contre engendré la crise de l'Etat. La nature de la crise qui frappe le pays revient pour beaucoup à l'impossibilité de cette caste de nouveaux riches de se transformer en classe sociale, c'est-à-dire capable de faire passer ses intérêts particuliers pour l'intérêt général de la nation.
Ses propres intérêts lui interdisent encore de se reconstruire un destin national car il ruinerait justement ces rapports gentilices qui assurent pour l'instant son enrichissement mais aggravent toujours plus ses contradictions à l'intérieur des gens et la pousse à chercher des idéologies de substitution qui reformulent les rapports de fraternité qui les servent tout en légitimant leur recherche du gain individuel.
Aubaines au départ, les crises sont devenues dans l'expérience pratique une méthode : au prétexte de calmer la population révoltée pour des raisons collectives, on va transférer de l'argent sur des personnes privées. Plus cette stratégie se développe, plus les jeunes vont se rendre compte de l'arnaque et devenir disponibles à une «vraie révolte» en quête d'une «vraie identité» religieuse ou ethnique qui mobilisera leur énergie vertueuse en force, détruire les anciennes pratiques solidaires de nos ancêtres devenues socialement inefficaces pour les remplacer par des idéologies à finalités marchandes.
Et plus les notables révoqueront les pratiques religieuses solidaires au nom de la vraie religion wahhabite qui rend licite le gain et toutes ses formes.
Dans les périodes de rythme historique lent, les identités anciennes ont l'avantage de maintenir la fausse conscience gentilice pour faciliter la voie à de vrais rapports marchands et de vrais enrichissements que nos économistes confondent trop vite avec l'accumulation primitive. Les réformes ont précipité une marchandisation des rapports sociaux sans créer de système économique capitaliste.
Toutes les idéologies, qu'elles soient laïques ou religieuses, qui peuvent justifier ces nouvelles inégalités par un amour naturel de l'homme pour l'argent ou par le licéité du gain vont trouver leur force de frappe dans cette caste. L'anathème jeté sur les arabes ravalés en baâthistes ou sur les Mozabites est du même tonneau. C'est pourquoi ceux qui ont excommunié les Mozabites excommunieront demain les Chaâmba, et tous les autres et détruiront leurs mausolées et leurs tombes.

Les chemins syriens de l'Algérie
Ghardaïa est si près de Hassi Messaoud. Elle est la porte du Sud et du pétrole. L'échec patent des marches du samedi et des ordres de Sarkozy et d'Obama, d'ouvrir aux manifestants la route d'El Mouradia oblige les puissances impériales à passer par les dissensions ethno-religieuses.
Ils ont dû comprendre par la suite que l'état de dislocation de l'Etat national est insuffisant en Algérie, notamment grâce aux mouvements de grève qui ont maintenu le sentiment d'appartenance à une même nation dans les corps des élites : enseignants, médecins, fonctionnaires.
Les services sociaux à contenu national ont continué d'exister : écoles, hôpitaux, service national. Pour qu'il y ait un stade avancé de dislocation de l'Etat, il faut que les familles soient atteintes dans l'éducation, la santé, etc. En préservant contre la volonté des «privatiseurs» les services sociaux fondamentaux, les luttes des travailleurs ont préservé à l'Etat beaucoup de son caractère national.
Quand des responsables déplorent l'absence de l'Etat à Ghardaïa, ils ne voient pas qu'au contraire, l'Etat est bien présent mais c'est ce nouvel Etat, celui des connivences entre les castes des nouveaux privilèges nobiliaires et commis de l'Etat insérés dans ces rapports gentilices. Un Etat qui ne peut contrer sa base inavouable ni ses commis se retourner contre leurs amitiés.
Deux fers au feu et un incendie annoncé
En plus de leurs ONG, les forces impérialistes vont agir sur deux plans. Faire pression sur le gouvernement pour qu'il y ait davantage de renoncements aux responsabilités sociales de l'Etat et passer en force à une phase de privatisation qui aggrave à la fois les problèmes sociaux et la corruption.
Deuxièmement, frapper en même temps au Sud car il n'est plus possible de provoquer une révolution de velours de couleur au Nord. La seule possibilité est une guerre ethno-religieuse au Sud à partir de l'abcès touareg ou de Ghardaïa. Les puissances impériales trouveront dans cette nouvelle caste des forces et des groupes impatients d'aller plus loin et plus vite dans l'espoir de gagner encore plus en ramassant les «royalties» d'une privatisation généralisée et sans limite. Les idéologies de substitution à celle de l'Etat national sont disponibles et actives bien qu'encore contenues mais leurs avant-gardes ont commencé le travail à Ghardaïa. Il va s'étendre.
Dans notre environnement, les conditions sont mûres et les moyens réunis. A nos frontières, nous avons désormais un Maroc transfiguré et transmué en pays sahélien, en membre du CCG, en partenaire de la sécurité du Mali, en allié des Berbères d'Algérie et en force militaire placée à notre Sud en attendant les bases de la France.
Le jour venu de l'intervention, le Maroc qui s'apitoie sur le sort du M'zab jouera le rôle de la Turquie, la Libye en déliquescence qui jouerait le rôle de l'Irak, la Tunisie devait jouer le rôle de la Jordanie qui ne veut mais ne peut contrôler ses salafistes, surtout qu'elle reçoit l'argent du Golfe et les militaires US dans son sud.
On peut imaginer que les Kurdes seront présents à travers la question touareg que la France mijote depuis cinquante ans dans l'Azawad. Toutes les conditions semblent réunies pour que pousse le projet d'un Etat saharien riche en ressources naturelles.
Le M'zab, c'est le détonateur mais les Touareg peuvent aussi être l'explosif en attendant d'autres carburants.
Les marches des chômeurs du Sud, après les incidents ou les slogans criés ou tagués à Illizi, Béchar, Touggourt, Tamanrasset, ont donné plus de consistance, de chair d'une polarisation sudiste.
A Laghouat, la fondation Frederich Ebert a exigé, pour l'accès à ses formations, la qualité de membre d'une association non agréée. Y a-t-il meilleure sélection d'éventuels jusqu'au-boutistes ? Les marches du Sud, c'était une préparation de l'identité sudiste et d'un mouvement sudiste.
On ne l'avouera pleinement que lorsque les choses seront mûres. Mais on se met à véhiculer l'idée qu'être sudistes et mieux que d'être algérien. La rupture sera consommée quand les élites du Sud se seront convaincues qu'un destin sudiste sera préférable à une identité algérienne.
Saurons-nous sauvegarder notre destin solidaire dans un Etat restitué au peuple et à la nation et brider les appétits voraces destructeurs de cette caste naissante aux privilèges nobiliaires ?
Cela commence par sortir des analyses dont le but est plus d'affirmer une posture politique que de comprendre le réel. Il ne reste plus beaucoup de temps.
Ce texte est une synthèse d'échanges avec Samia Zennadi et Mehdia Belkadi, achevés le jeudi 06 mars 2014.


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