ELLE s'appelle Rahma, un bébé de vingt mois qui se trouvait dans la voiture de son papa qui allait sortir de son lieu de stationnement, une ruelle d'Annaba. Une ruelle qui, comme toutes les ruelles de la «Coquette» et des autres villes du pays qui sont autant de «parkings» livrés à une armée de voyous racketteurs roublards et violents à l'occasion. Toutes les «occasions» où un homme ou une femme refuse de mettre la main à la poche ou simplement rechigne avant de payer, en allant chercher le bout de dignité résiduelle qui subsiste encore chez quelques extraterrestres qui savent pourtant à quoi s'en tenir et à qui ils ont affaire. Ils sont roublards, violents et surtout lâches. Et le brave automobiliste d'Annaba qui ne s'est pas laissé faire ne devait pas savoir jusqu'où ils pouvaient aller dans la violence et la lâcheté. Le petit voyou à qui il avait affaire a sorti un couteau et c'est à son bébé qu'il s'en est pris. La petite Rahma s'est retrouvée avec le visage balafré. Elle a payé le prix de la dignité paternelle. Le fait n'a pas besoin de commentaire. Il n'a peut-être même pas besoin de colère, même si cette horripilante agression a fait le tour des réseaux sociaux. Que peuvent les réseaux sociaux quand, entre deux trêves terroristes, le pays est livré à la terreur «ordinaire» ? Un bébé de vingt mois s'est fait taillader ses joues roses avec une lame tranchante, ça aurait pu être pire. Il y a plus lâche que les lâches, parce que dans cette «affaire», comme dans d'autres, il doit encore y avoir quelques âmes sensibles pour jouer aux «tranquillisants». Et dire dans la chaleur des chaumières, un coin isolé d'un café de quartier ou dans un coin de… parking, que le brave automobiliste d'Annaba n'aurait pas dû jouer à Superman pour «économiser une pièce» ! Mais est-ce d'une pièce qu'il s'agit ? La question ne se pose pas, même s'il faut quand même la poser. D'autres diront que c'est la faute à ceux qui sont payés pour aménager des parkings et qui n'en aménagent pas ou n'en aménagent pas assez. C'est vrai qu'il n'y a pas de parkings, mais est-ce vraiment de parkings qu'il s'agit ? La question se pose, alors il faut la poser. Mais est-ce qu'on poignarde des bébés de vingt mois parce qu'il n'y a pas de parking ? D'autres encore diront que c'est la faute au chômage qui envoie une armée de «jeunes» désoeuvrés gagner leur croûte comme ils peuvent : même en pointant des couteaux dans le visage d'un nourrisson ? D'autres, enfin, iront à l'essentiel : le pouvoir politique «gère le pays» avec une seule préoccupation : comment durer. Durer en neutralisant tout ce qui peut constituer un obstacle à sa durée. Alors, il mesure les capacités de nuisance de chacun et lui délivre un pan du pays à exploiter, à ronger, à ruiner… tranquillement. Et les «parkings», comme d'autres espaces vitaux devenus la «part de pétrole» des Algériens bas de gamme mais utiles donnent des comportements de type «balafreurs de bébés». Ils sont sûrs d'être dans leur bon droit, ils sont sûrs que personne ne va râler et ils sont sûrs de l'impunité quand ils en arrivent à… punir ceux qui osent encore ne pas obtempérer à leurs sommations. Le «balafreur» d'Annaba va peut-être être arrêté jugé. Juste parce qu'il a été «trop loin». Resteront des milliers de racketteurs de parkings «informels», balafreurs potentiels. Et des millions d'Algériens à continuer à se taire, une fois revenus de l'émotion suscitée par l'horreur subie par la petite Rahma. Si ça pouvait changer après un drame du genre, ça se saurait. Il y a même eu mort d'homme dans des circonstances similaires, il n'y a pas si longtemps à Azazga. [email protected]