Quatre ans de prison ferme pour des photos souvenirs trouvées dans la carte mémoire d'un téléphone portable Quatre jeunes sans histoires dont un repenti, tous issus de familles modestes et qui gagnent leur vie d'une manière informelle, selon le jargon juridique, se retrouvent devant les juges. Mais peut-on les soupçonner et les inculper sans preuves ? La réponse semble évidente et le sort des accusés scellé au moment même où les éléments de la police judiciaire les ont apostrophés et interrogés. Hier, à la cour d'Alger, dans une salle pleine à craquer, l'angoisse était palpable sur les visages des familles et des proches des accusés, venus épauler et aider leurs enfants à surmonter cette épreuve. Trois magistrats, un procureur général, un greffier et un agent de justice auxiliaire, bocal à la main. Le bocal contenait des petites feuilles portant les noms des assesseurs et un choix de deux d'entre eux est effectué par tirage au sort. Les quatre accusés sont là, attendant leur procès. Pour informer l'assistance, le rapport les inculpant d'appartenance à groupe terroriste est lu par le greffier. Le choix des assesseurs est fait, la séance est ouverte et le premier accusé est appelé : «Raconte-nous ce que tu sais de cette affaire» interroge la magistrate. Khaled H. répond : «Je ne sais rien, je suis innocent.» Aucun mot de plus n'a été soufflé par ce jeune de 26 ans et ce, malgré l'insistance des membres du jury. Le second à la barre, Lounès D. donne la même réponse à la même question : «Je suis innocent». Le troisième accusé s'avance à pas lents. Pour lui, la formulation de la question a été changée par la magistrate : «Pourquoi es-tu là ?». Un petit sourire et un «je ne sais pas, je suis innocent» est la réponse. «Apparemment, vous vous êtes donné le mot : je ne sais pas et je suis innocent, qui est coupable, c'est moi ?» s'emporte la magistrate. Le quatrième est un repenti : «J'ai déjà payé 3 ans de ma vie pour ce genre de crime, je suis innocent». La magistrate tente tant bien que mal de maîtriser ses nerfs, vu la sensibilité de l'affaire, mais elle craque : «Là, je suis convaincue que vous êtes tous innocents et que la fautive, c'est moi». Le parquet est sollicité alors par cette dernière pour un réquisitoire : «20 ans de réclusion criminelle». «C'est trop, c'est injuste» lança la mère du repenti, avant d'ajouter : «Là, ils condamnent mon fils à payer toute sa vie malgré sa repentance». La magistrate demande aux avocats s'ils ont des questions à poser aux accusés. La réponse est négative. Néanmoins, ces mêmes avocats ont défendu bec et ongles la cause de ces jeunes à la fleur de l'âge. La plaidoirie la plus marquante est incontestablement celle de Me Touati qui a mis en exergue une règle fondamentale en matière de justice : «Le rapport de la chambre d'accusation n'est valable que pour argumenter les raisons de l'inculpation d'un accusé, et non comme base d'argumentation à utiliser éventuellement pour condamner un accusé». Un argument de taille. Et d'ajouter : «Et puis, au pire des cas, la balance de la justice doit pencher vers l'innocence de l'accusé et non le contraire, dans le cas où la preuve matérielle est absente ou même inexistante». Pour les photos trouvées dans le fichier du téléphone portable des accusés, l'avocate avance : «Ce sont des photos prises pour garder comme souvenir et c'est à la justice de prouver le contraire». Après délibération, la magistrate rend son verdict qui a assommé les quatre accusés.