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La «révolution» impossible
Reportage inédit sur la Syrie (5e partie et fin)
Publié dans Le Temps d'Algérie le 20 - 02 - 2012

Pierre Piccinin était en Syrie en décembre 2011 et janvier 2012. L'historien et politologue apporte un éclairage nouveau sur les événements qui secouent ce pays, ainsi que sur les enjeux régionaux. Sans parti pris et loin de la propagande de Damas et de ses opposants ou des avis sans nuance des capitales occidentales et des médias internationaux. Où l'on pénètre dans cette zone grise, complexe, pour comprendre un conflit… Analyse et état des lieux.
Avant tout, la question est de savoir s'il y a matière à intervenir : les chiffres invérifiables – et invérifiés – avancés de part et d'autre, dans le cadre de cette guerre médiatique que se livrent le gouvernement et certains courants de l'opposition, ne permettent pas de justifier une intervention.
Certes, en Libye, personne ne s'est embarrassé d'une quelconque enquête sur la réalité des chiffres avancés. La résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a autorisé l'intervention (et ouvert le champ à toutes les dérives, à la destruction de la ville de Syrte, qui n'était certainement pas prévue par la résolution dont l'objectif officiel – ne l'oublions pas – était la protection des populations civiles), a été votée sur base d'un rapport de la Ligue des droits de l'homme libyenne, qui affirmait que le gouvernement avait massacré six mille personnes. On sait, aujourd'hui, que ce fut là un énorme bobard.
En somme, rien n'empêcherait d'en faire autant dans le dossier syrien…
Mais il faut aussi s'interroger sur la faisabilité d'une telle intervention. Une intervention est-elle possible ?
Le gouvernement syrien a le soutien de l'Iran, puissance régionale dont l'entrée en scène dans un conflit en Syrie pourrait entraîner la déstabilisation, voire l'embrasement de toute la région, y compris des pétromonarchies du Golfe, ce que personne ne souhaite pour des raisons bien évidentes. Une implication de l'Iran pourrait en outre entraîner une réaction israélienne, avec les conséquences que l'on peut imaginer dans la géopolitique du Monde arabe.
Le soutien de la Chine et de la Russie
La Syrie a également le soutien de la Chine, grand consommateur de pétrole, qui s'approvisionne en Iran (la Chine aurait cela dit commencé à rechercher d'autres sources d'approvisionnement, dans la perspective d'une intervention occidentale contre l'Iran…), et de la Russie : Moscou, depuis les accords de Camp David, en 1978, c'est-à-dire le rapprochement entre l'Egypte et les Etats-Unis et la paix entre le Caire et Tel-Aviv, a progressivement perdu la bataille du Moyen-Orient, où il ne lui reste plus comme allié, aujourd'hui, que la Syrie.
Or, Vladimir Poutine, depuis qu'il a repris les rênes de la Russie, essaie de réparer les dégâts des années Eltsine et de maintenir la Russie au rang de puissance mondiale, de puissance régionale à tout le moins.
Ainsi, dès que Français et Turcs, en novembre, avaient évoqué la possibilité d'une intervention commune en Syrie, la Russie avait envoyé des bateaux de guerre dans les ports syriens, pour marquer son territoire ; le message a été bien clair.
La Chine et la Russie sont toutes les deux membres permanents du Conseil de sécurité et utiliseront certainement leur veto contre toute velléité d'ingérence en Syrie. Et on peut même s'attendre à ce que la Russie montre les dents si une intervention devait néanmoins se produire (comme il s'en est produit sans accord onusien, en 2003, par exemple, en Irak, ou dans le cas de la soi-disant «indépendance» du Kosovo).
La Chine et la Russie sont en outre liées par le trop peu connu Traité de Shanghai de 1996, auquel l'Iran a été associée en tant qu'observateur en 2005. Ce traité, qui se profile de plus en plus comme le pendant sino-russe de l'Otan, a été modifié en 2002, prônant un caractère «anti-hégémonique» à l'égard des Etats-Unis. La Syrie constitue dans ce cadre un enjeu de premier ordre.
Mais, au-delà de ces considérations, la problématique est en fait assez simple : aucun Etat occidental n'a d'intérêt à faire chuter le régime baathiste en Syrie, pas même Israël.
En Libye, les motivations de la spectaculaire intervention atlantique ont été limpides : Mouammar Kadhafi avait imposé aux sociétés pétrolières et gazières des contrats d'exploitation drastiques, qui réservaient à l'Etat libyen une part non négligeable des dividendes, lesquels étaient en grande partie redistribués à la population sous forme d'aide sociale (médecine gratuite, scolarisation, énergie aussi, etc.).
À l'occasion du «Printemps arabe» et des troubles qui ont surgi dans une partie du pays, il a été possible pour les Etats intéressés de s'ingérer en Libye et de renverser son gouvernement pour le remplacer par une équipe beaucoup plus docile et favorable au libéralisme économique pur et dur.
Avant même la chute de Kadhafi, la France, qui fut le fer de lance de l'opération, avait déjà négocié ses parts d'exploitation pétrolière avec le Conseil national de transition, le nouveau gouvernement désormais en place à Tripoli. Rien de tel ne préoccupe les Occidentaux en Syrie. Tout au contraire.
La Syrie n'est pas un pays très riche. Elle vend à l'Europe 98% du pétrole qu'elle produit et les Etats européens ont toujours eu d'excellents rapports avec Damas.
L'absence de sanction efficace de la part de l'Union européenne en témoigne : l'UE a décrété la suspension de son approvisionnement pétrolier en Syrie ; mais Damas sait pouvoir écouler sa production par d'autres canaux et l'EU, pouvoir s'approvisionner ailleurs. On a donc assisté à un jeu de chaises musicales sans réelle conséquence pour le régime baathiste.
La Syrie n'est plus un ennemi des Etats-Unis d'Amérique
Dans le cadre de la politique états-unienne, la Syrie baathiste n'est plus un ennemi depuis longtemps : après les attentats du 11 septembre 2001, des accords ont été passés entre les Etats-Unis et la Syrie, qui se sont découvert un adversaire commun, les islamistes radicaux.
Ainsi, des prisonniers détenus à Guantanamo ont été expédiés en Syrie pour y être interrogés et torturés. Les services secrets de ces deux Etats ont activement collaboré.
Ensuite, à partir de 2005, la France sarkozienne, grande alliée des Etats-Unis, a fait pression sur la Syrie en utilisant le Tribunal spécial pour le Liban, chargé d'enquêter sur l'assassinat du Premier ministre libanais Rafiq Hariri : le gouvernement syrien en a été accusé.
Parallèlement, les Etats-Unis ont poussé leur principal allié arabe, l'Arabie saoudite, à proposer des accords diplomatiques et économiques à la Syrie. Cette politique de la carotte et du bâton a été bien comprise par Damas, qui a accepté de se rapprocher davantage encore de Washington. L'enquête du Tribunal spécial a alors immédiatement été réorientée vers le Hezbollah au Liban.
Les troubles qui ébranlent la Syrie viennent ainsi mettre en péril près de dix années de diplomatie états-unienne et de normalisation des rapports avec Damas.
Enfin, Israël considère Bashar Al-Assad comme un allié de fait : si le discours, à Damas, demeure très antisioniste, la Syrie, dans les faits, ne mène aucune action concrète et garantit à Israël une parfaite sécurité sur leur frontière commune, le Golan. Cette frontière est strictement surveillée par les Syriens,
pour empêcher que des Palestiniens, parmi les 500 000 réfugiés qui vivent en Syrie, ne tentent des attaques contre Israël à partir du sol syrien. Tel-Aviv ne souhaite certainement pas voir une guerre civile ou les islamistes plonger un aussi bon voisin dans le chaos.
Dès lors, l'Occident attend, sans prendre de mesures réellement contraignantes contre le régime, dans l'espoir cynique que la situation se stabilisera et que l'ordre reviendra en Syrie.
Seule l'attitude de la France (son implication en faveur de l'ASL notamment) suscite l'interrogation. Et pas seulement en ce qui concerne la Syrie, d'ailleurs…
On ne peut pas dire que le gouvernement du président Sarkozy s'est montré très empressé à soutenir les révoltes dans les pays arabes. On ne peut oublier les mots ahurissants de la ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui avait proposé au dictateur Ben Ali et au gouvernement algérien une aide policière française pour encadrer efficacement les contestataires.
Certes, la ministre a par la suite soutenu que l'on avait mal interprété ses propos, mais, en substance, le choix du gouvernement français était clair.
L'attitude soudainement très gesticulante de la France dans le cas de la Libye n'a dès lors pas manqué d'étonner, de prime abord du moins : c'est bien la France qui a tout mis en œuvre pour obtenir de l'ONU une résolution permettant l'intervention en Libye et l'on se souviendra des grosses gouttes de sueur du successeur de Michèle Alliot-Marie, Alain Juppé, tentant de convaincre le Conseil de sécurité auquel il n'est parvenu à arracher qu'une bien maigre adhésion… Mais nous savons quels étaient les objectifs français.
Toutefois, une chose n'est pas élucidée encore, en ce qui concerne la Libye. Je me trouvais à Bengazi, en août, et j'ai eu l'opportunité d'assister à une réunion de diplomates étrangers et de membres du CNT. C'était juste avant l'assaut sur Tripoli.
Le président du CNT, Moustafa Abd Al-Jalil, était complètement paniqué : on venait d'apprendre qu'une colonne d'environ trois cents islamistes surarmés marchait sur la capitale. Or, personne ne savait qui les commandait et quel était leur agenda.
C'est pourquoi le CNT, pour ne pas être débordé par ces islamistes, a donné l'ordre d'attaquer Tripoli, en catastrophe, trois semaines avant la date prévue. Par la suite, nous avons appris que ces islamistes étaient armés et financés par le Qatar.
Et une diplomate britannique s'est offusquée ouvertement de ce que eles Français étaient au courant ; ils s'étaient concertés avec le Qatar», a-t-elle affirmé, «mais ne nous ont pas avertis».
On connaît les relations privilégiées et personnelles qu'entretiennent le président Nicolas Sarkozy et l'émir du Qatar. Mais cela ne permet pas vraiment de voir clair dans ce jeu, qui n'est pour l'instant pas encore démêlé.
Le rôle du Qatar
Le Qatar est omniprésent dans ce «Printemps arabe». Je l'ai constaté au Caire, en Tunisie et en Libye. Le Qatar manipule l'opinion, au moyen de sa chaîne de télévision satellitaire, Al-Jazeera, et finance l'armement des rébellions.
Je l'ai constaté également en Syrie : certaines manifestations de l'opposition arborent des drapeaux qataris et, plus que partout ailleurs auparavant, plus qu'en Tunisie ou en Libye, Al-Jazeera s'adonne à une propagande éhontée contre Bashar Al-Assad et n'hésite pas à monter de toutes pièces de fausses «informations» pour discréditer et affaiblir le régime de Damas.
Faut-il lier l'attitude de la France envers la Syrie à cette implication du Qatar et à un lien privilégié unissant les deux dirigeants de ces pays ?
À ce stade de notre information, tout ce qu'il est possible de faire, c'est de constater une nouvelle gesticulation française et de formuler cette hypothèse, mais qui ne répond ni à la question de savoir quel objectif commun poursuivraient la France et le Qatar, quels accords éventuels ils auraient passés, ni de comprendre pourquoi le Qatar, minuscule Etat, bien qu'immensément riche du fait de ses prodigieuses réserves gazières, veut manifestement jouer un rôle tellement important dans le «Printemps arabe» (un rôle sélectif, cela dit :
Al-Jazeera s'est bien gardée de couvrir le Mouvement du 20 février au Maroc et les manifestations au Bahreïn, écrasées dans le sang avec l'appui des chars saoudiens et l'accord tacite des Etats-Unis, présents au Bahreïn avec leur cinquième flotte).
La problématique est d'autant plus complexe que le Qatar, par sa politique, gêne son grand allié, les Etats-Unis, précisément qui, même si dans l'ensemble, ont bien repris le contrôle de la partie, se seraient volontiers passés de tous ces soubresauts sur l'échiquier de leur «Grand Moyen-Orient».
Mais c'est là toute la complexité de la politique moyen-orientale : un autre grand allié des Etats-Unis, l'Arabie saoudite, n'a-t-elle pas de tous temps financé l'islamisme radical, principale menace régionale à l'encontre de Washington ?
La question qui se profile désormais est celle de la porte de sortie que les différents protagonistes de la crise syrienne pourraient emprunter pour mettre fin à cet état de guerre civile latent qui accable le pays et risque de le mener assez rapidement à un point de non-retour qui, une fois dépassé, laissera peu de chance à un éventuel processus de réconciliation nationale.
Le gouvernement baathiste a multiplié les appels au dialogue, libéré de nombreux prisonniers politiques et promulgué plusieurs décrets par lesquels il a lâché du lest, laissant entrevoir la possibilité d'une transition vers la démocratie, mais une transition fatalement longue et sans heurts, ni inquiétude pour les actuels tenants du pouvoir.
Toutefois, l'attitude du gouvernement reste ferme et intransigeante face aux rébellions armées qui se sont manifestées à Homs et le long des frontières. Une intransigeance qui est dénoncée par les oppositions comme la volonté avouée de conserver l'autorité sur le pays. Et de conclure que Bashar Al-Assad et ceux qui l'entourent n'ont en réalité aucune intention de négocier.
Mais la question ne s'applique pas qu'au gouvernement syrien : l'opposition également doit accepter la négociation. Or, toutes les composantes de la contestation s'y refusent : «Bashar doit partir» ; les plus radicaux réclament même son exécution.
Quoi qu'il en soit, après bientôt un an de troubles, tandis que la guerre des propagandes fait rage, que les morts s'accumulent de part et d'autre et que la société se déchire un peu plus chaque jour, il semble bien que, en Syrie, la «révolution» soit impossible.


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