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«Les pouvoirs autocratiques et la rente pétrolière bloquent le décollage économique des pays arabes»
Publié dans Le Temps d'Algérie le 16 - 08 - 2015

Abdelkader Djeflat, ancien doyen de la faculté d'économie d'Oran et actuellement professeur à l'Université de Lille (France) est fondateur du réseau Maghtech (Maghreb Technologie). Il est membre du Comité scientifique du réseau mondial Globelics et également chercheur associé au Cread (Alger).
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Les Vrais enjeux des économies du monde arabe et la question des printemps arabes : une approche par la recherche, l'innovation et l'entrepreneuriat, écrit en collaboration avec Thomas Anderson et publié aux Editions Springer - New York. Dans cet entretien, Abdelkader Djeflat revient sur les enjeux du développement du monde arabe et du printemps arabe. Ecoutons-le.
Le Temps d'Algérie : Comment justifiez-vous le titre de cet ouvrage : Les vrais enjeux des économies du monde arabe et la question des printemps arabes ?
Abdelkader Djeflat : Comme vous le constatez, le titre est composé de deux
parties : la première est constituée «Des enjeux profonds des économies du monde arabe» qui n'arrive toujours pas à connaître un véritable décollage, comme l'ont connu les pays émergents depuis la fin du XXe siècle, et la seconde est liée à la question des printemps arabes. Il est par conséquent dans cet ouvrage analysé les lames de fond et les tendances lourdes des économies arabes, et ensuite donné des éclairages sur le phénomène du printemps arabe. Pourquoi les vrais enjeux ? Il est traditionnel d'appliquer dans l'analyse des pays arabes des schémas figés se résumant à un ensemble de clichés dont il est très rapide de faire le tour : les pouvoirs autocratiques, la rente pétrolière et le rôle de la femme. Ces analyses ignorent trop souvent la complexité des économies et des sociétés arabes. Pour preuve, les soulèvements de ce qui a constitué le printemps arabe sont venus comme une surprise, alors que des analyses fines et profondes auraient pu en déceler les prémisses et l'imminence. On oublie souvent qu'avant le Printemps, il y avait des vagues de mécontentement de ce qui a fini par être connu du nom de la «rue arabe» (esharaa el arabi). Comment la rue arabe s'est transformée en printemps arabe, c'est là la question à laquelle nous tentons de répondre indirectement.
Quel est l'apport de ce livre ?
Les analyses qui ont investi d'autres formes d'exclusion et de dépendance comme celle de la sphère du savoir, causant des frustrations des populations arabes, n'ont en général pas été prises au sérieux. Parmi celles-ci, la nôtre qui a depuis quelque temps déjà mis en avant la question de la maîtrise des savoirs et des techniques comme éléments structurants des économies, des sociétés et un déterminant du jeu politique. Il est de plus en plus clair que celui qui détient le pouvoir, c'est celui qui détient le savoir, la technologie et la capacité à modeler le monde par des vagues successives d'innovations. C'est déjà Schumpeter, le grand économiste allemand, qui l'avait avancé voilà presque un siècle. Mais bien avant lui, Ibn Khaldoun, qui avait pointé du doigt les éléments du développement des sociétés et des économies où le savoir figure en bonne place. La dépendance structurelle des économies et des sociétés arabes des connaissances et des technologies de l'extérieur, après un brillant passé de leadership en tant que producteurs de savoir, est un des éléments de cette instabilité chronique. Les tentatives bien pâles d'ailleurs qui ont été faites par les gouvernants pour rompre ces dépendances et de développer des capacités endogènes de maîtrise et de création technologiques n'ont pour la plupart pas abouti pour des raisons qui ont largement été analysées par des travaux, dont les nôtres, (voir à cet effet notre dernier ouvrage sur la construction des systèmes d'innovation (Editions Adonis & Abbey - London 2010). Ces exclusions de la sphère de la connaissance, de l'innovation de l'entrepreneuriat non contraint ne peuvent plus être vécues de la même manière par les jeunes générations. Ceci est d'autant plus vrai qu'ils voient que des pays autrefois marginalisés ont fait des bonds qualitatifs importants dans ces domaines alors que leurs pays stagnent en termes comparatifs. Les jeunes générations ont la volonté farouche de s'approprier ces technologies, d'acquérir de nouvelles compétences et pas seulement dans les TIC, de créer, d'innover. Et par ce biais, c'est aussi une note pleine d'espoir pour les pays de la région et une «fenêtre d'opportunités» à saisir, des ressorts importants pour rebondir, pour être des acteurs actifs dans ce XXIe siècle, de participer d'une manière effective à l'offre mondiale de sciences (voyez le nombre résiduel de Prix Nobel dans la région) de technologie et de connaissances, et ne pas continuer à être des consommateurs passifs.
Pourquoi ce livre en ce moment précis ?
C'est d'abord le résultat d'une rencontre : vous savez, de grandes œuvres ont été parfois le fruit d'une rencontre par hasard. Mais pour ce qui concerne ce travail, c'est plus que cela. Il y a plusieurs raisons : celles qui résultent de facteurs fondamentaux et structurels et celles qui relèvent de la conjoncture. Au niveau structurel, le monde aborde un tournant majeur où les mécanismes fondamentaux de la croissance et les centres mondiaux du pouvoir économique sont en train de changer de manière drastique : le nouveau paradigme de la croissance est largement mené par l'innovation, la connaissance et l'entrepreneuriat d'un nouveau genre. Par ailleurs, l'année 2012 marque une décennie de réflexion sur l'économie du savoir et son impact sur la région : il était important de se poser la question : où est le monde arabe par rapport à ce nouveau paradigme de la croissance et surtout par rapport à chacun de ses constituants : les TIC, la recherche et l'innovation, l'éducation et la formation et la gouvernance des institutions. Par ailleurs, au moment où l'investissement public et privé dans les pays de la région atteint des niveaux jamais vus auparavant, notamment dans les pays du Golfe, il était important de mettre l'accent sur l'importance de la relance de l'investissement industriel non seulement public, car il serait insuffisant, mais aussi l'investissement privé et l'investissement étranger. Cependant, l'investissement dans le hard : infrastructures et équipements industriels ne suffit pas s'il n'est pas accompagné de politiques publiques lucides sur le développement des capacités d'entrepreneuriat, de recherche, d'innovation et d'engineering. Une relance de l'industrie algérienne, si elle est fondamentale et nécessaire après une décennie de dégradation ne peut pas se faire de manière efficace par les simples investissements publics. Des questions importantes de l'environnement scientifique et technologiques pour permettre l'émergence d'entrepreneurs et de travailleurs créatifs et innovants à tous les niveaux sont vitales si on veut éviter de refaire les erreurs des années soixante-dix. Au plan conjoncturel, c'est l'avènement du printemps arabe : de par la configuration de ces mouvements, il était clair que ce qui s'est passé n'est pas déconnecté de la sphère du savoir : c'est le point de vue fondamental que nous défendons dans ce travail. Les analyses qui ont été faites l'ont fait d'une manière indirecte mais l'ont réduit à la simple maîtrise des technologies de l'information et de la communication (TIC) et des réseaux sociaux par les jeunes en particulier. Nous allons au-delà dans notre travail en mettant en évidence les autres dimensions du savoir que sont l'éducation, la créativité et l'innovation qui ont également joué un rôle important. Ce n'est pas étonnant qu'un pays relativement avancé sur cette échelle du savoir comme la Tunisie est aussi celui qui a été le précurseur en la matière. Comme je l'ai mentionné au départ, c'est aussi le résultat d'une rencontre entre le professeur Thomas Anderson, le créateur du modèle à quatre piliers de l'économie de la connaissance (également parmi les concepteurs du système d'innovation suédois) et moi-même. On se lisait mutuellement puis des occasions nous ont permis de travailler ensemble sur des projets conjoints dans des pays arabes, soit pour le compte d'organisations internationales comme la Cnuced par exemple, ou bien de l'institut Iked qu'il dirige (Iked : Institut de l'économie de la connaissance pour le développement) et qui est localisé à l'université Joekoping en Suède. Le professeur Anderson a fait beaucoup de travaux sur le monde arabe et a conseillé plusieurs gouvernements sur leurs politiques scientifiques et technologiques, notamment des pays du Golfe. L'idée de l'ouvrage est venue lors d'une rencontre internationale à Oman en 2010 sur ces questions. Mais pour des aspects très pointus, nous avons fait appel à des spécialistes de différentes disciplines : économie et management, anthropologie et sociologie et science politiques. La situation est relativement complexe et aucune discipline seule ne peut donner une analyse en profondeur et un éclairage complet.
En quoi un double regard sur la même problématique peut-il être constructif ?
Le double regard permet de croiser deux disciplines, deux appartenances (lui du Nord et moi du Sud), deux visions (une vision occidentale externe à la région et une vision arabe de l'intérieur) et des représentations différentes de nos économies et sociétés. C'est aussi le croisement de normes et de valeurs qui ne sont pas forcément identiques même si sur les questions scientifique et académiques (chapitres 1 à 5), on se rejoint facilement. Sur ces aspects, il y a complémentarité, puisque chacun de nous est spécialiste dans un aspect de la vaste question de l'innovation et de l'entrepreneuriat et du transfert de technologie. Nous avons également des expériences relativement longues et des terrains différents qui ont permis de créer une fertilisation croisée : un terrain au Nord formé essentiellement des pays de l'OCDE (il faut rappeler que Thomas Anderson a pendant longtemps été directeur général adjoint de l'OCDE pour la science, la technologie et l'industrie) et un terrain du Sud formé essentiellement des travaux et analyse des pays africains, du monde arabe et du Maghreb en particulier où l'expérience algérienne figure en bonne place. Les travaux faits dans le cadre du réseau Maghtech (Maghreb technologie : http://www.maghtech.net/) que nous avons initié dans les années 1990 nous ont beaucoup servi. Mais un double regard n'est pas indemne de problèmes et difficultés, surtout sur les analyses qui relèvent des soubassements historiques, socioculturels et politiques. C'est là que les visions et les perceptions des choses peuvent s'opposer et où des clichés sur cette région du monde et ces sociétés parfois relayés par les médias pour les besoins de consommation du lectorat du Nord nous ont parfois opposés. Dans ce cas de figure, il a fallu faire preuve de capacités de compromis sans entrer dans la compromission : les deux points de vue ont été parfois exposés en laissant au lecteur le soin de se positionner quand il n'y avait pas consensus.
Vous avez dit que la dimension socio-politique a souvent dominé les analyses dans le monde arabe. Pourriez-vous nous donner plus d'explications ? Ou est-ce qu'en tant qu'économiste, vous n'êtes pas prisonnier du pouvoir politique?
C'est par rapport à l'analyse du printemps arabe que nous avons affirmé cela. Comme cela a été indiqué auparavant, c'est souvent en termes de mécontentement social et en termes de déficit de démocratie que les analyses ont été avancées, auxquelles on associe la haute maîtrise des TIC et des réseaux sociaux par les jeunes. D'une manière plus générale, il n'est pas difficile de s'apercevoir que les analyses qui ont dominé sur la région du monde arabe se sont beaucoup appesanties sur des questions de rente, de l'exclusion de la femme dans la société, de l'économie et des questions de gouvernance et toute l'opacité qui entoure les mécanismes de la décision publique. Si ces facteurs sont importants, le risque est de s'enfermer dans un canevas et d'en rester prisonnier, sans tenter de fouiller d'autres facteurs fondamentaux qui peuvent mieux nous éclairer pour comprendre ce qui se passe maintenant dans les pays concernés : la Tunisie, l'Egypte et la Libye, où l'expression libre est rétablie et les pouvoirs autocratiques renversés et le mouvement de la rue continue toujours parfois d'une manière violente. Notre ouvrage représente une tentative d'investir d'autres terrains et traite d'autres formes de frustrations et d'exclusions comme celui de l'exclusion de la sphère la connaissance et de l'innovation comme indiqué auparavant. Par rapport à votre deuxième interrogation, les questions de l'économique ne peuvent pas se déconnecter de la question du pouvoir même et la notion de «l'économie politique» traduit bien cette relation intime. Ce n'est pas pour autant que l'économiste est prisonnier du pouvoir politique dans la mesure où les conclusions et recommandations doivent résulter d'analyses en dehors du pouvoir pour avoir toute leur profondeur et efficacité.
Quels sont, selon vous, les défis auxquels fait face le monde arabe en termes de développement économique et social dans un contexte mondial en pleine mutation ?
Les défis sont à peu près connus de tous, et parmi lesquels, on peut citer : la situation démographique et le marché du travail, l'état peu reluisant des systèmes éducatifs, les conditions difficiles de l'émergence d'un entrepreneuriat innovant de type schumpétérien, le management de l'environnement souvent négligé, les systèmes de santé peu performants dans plusieurs pays, le rôle changeant de la femme, les modes de gouvernance inadaptés aux exigences de la globalisation et les enjeux sociétaux et cultuels. Mais les vraies questions sont liées à la capacité effective des gouvernants à répondre aux aspirations des populations et en particulier des jeunes dans un monde dont la configuration change pratiquement en permanence et d'une manière accélérée, créant de vastes pans d'obsolescence non seulement du fait des bouleversements que confère cette troisième révolution liée aux TIC mais également au niveau des nouveaux paradigmes de la croissance. C'est cette capacité qu'il s'agit de consolider. Les autres enjeux sont détaillés dans les contributions des différents experts invités à contribuer à la réflexion : ainsi, on y retrouve des enjeux liés à la culture «rentière», au rôle du secteur industriel dans cette nouvelle ère de la dématérialisation, à l'importance de la demande publique dans le décollage des dynamiques d'innovation, à la question de la maîtrise des techniques et des savoirs dans le domaine de la santé et la question du cadre approprié pour un développement durable tiré par la R&D et l'innovation. D'autres ne sont pas à minimiser ; il s'agit de l'importance de la coopération dans le domaine des TIC, le rôle de l'apprentissage tout au long de la vie, les relations université-entreprise et leur devenir, et enfin comment construire des économies tirées par l'innovation et le savoir.
Interview réalisée par


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