La photographie architecturale est un art technique complexe qui demande une expertise et du temps, mais aussi une grande passion pour son métier. C'était la thématique concoctée dimanche par l'Institut Cervantes d'Alger, en collaboration avec l'ambassade d'Espagne, lors d'une table ronde organisée en présence d'architectes pour évoquer la photographie dans le monde de l'architecture. Cette conférence s'est tenue en marge de l'ouverture de l'exposition «L'art de construire en Espagne». Cette magnifique exposition comporte une vingtaine d'œuvres photographiques presque magiques de l'artiste, photographe, architecte et professeur à l'Ecole technique supérieure de Madrid, Ricardo Santonja. Artiste de notoriété internationale, Ricardo Santonja a exposé en Italie, en Estonie, au Japon et partout dans le monde. Son exposition montre un langage visuel entre l'architecture et le spectateur afin d'apprécier l'architecture avant-gardiste de ces dernières années en utilisant de nouveaux points de vue et perspectives de la discipline. Quand Ricardo, l'artiste pluriel et instinctif, parle de son métier, le temps et l'espace se figent pour apprécier ses paroles envoûtantes. «L'architecture est un art fascinant en raison du génie et de la grande utilisation de l'esthétique qu'il requiert pour créer des édifications harmonieuses dans l'espace et qui perdurent dans le temps. D'autre part, la photographie est un art particulier qui fige la beauté des autres arts», dira Ricardo Santonja lors de la conférence. «La photographie architecturale nécessite une parfaite maîtrise de la perspective, grâce à un ensemble de techniques permettant de conserver des lignes parfaites. C'est une spécialité du vaste monde de la photo, car ce n'est pas sans difficulté que toutes les distorsions devront être éliminées afin de respecter la perspective réelle des objets. A l'intérieur comme à l'extérieur, la photo architecturale requiert un matériel particulier (objectifs grand-angle, capteur plein format, déclencheur à distance, etc.) et une maîtrise avancée des outils et techniques professionnels, fait savoir Ricardo. En effet, la photographie d'architecture est chargée de prises de vue extérieures et intérieures d'un bâtiment, de sa structure et de ses aménagements. Le photographe d'architecture utilise différentes techniques afin d'épurer la photographie et de mettre le sujet principal en avant. Ricardo a tenu à préciser qu'il n'utilise pas de photoshop ni aucun maquillage dans ses photos, ces derniers étant pures et libres de toute retouche. «Aucun trucage après la prise de vue, mais parfois un mouvement de l'appareil accentue l'effet recherché», précise Ricardo. En effet, le résultat est surprenant de fraîcheur. Les édifices de son exposition sont figés à jamais et jaillissent presque des tableaux. Ils nous interpellent sur tout ce qui fait d'eux de telles merveilles. «La manière dont ils sont construits, les matériaux utilisés, l'emplacement choisi… on a vraiment qu'une seule envie quand on voit ces photos, c'est d'aller les voir», nous dira Ali, un jeune étudiant en architecture. Ricardo aborde la photographie comme une véritable philosophie. Il nous fait découvrir la ville et le monde par son regard d'artiste moderne. La photographie est une science exacte «On est émerveillé par ce voyage mystique que nous offre Ricardo dans le temps et l'espace. C'est un voyage en cinq dimensions. En effet, en plus des trois dimensions de l'architecture, Ricardo en a ajouté une quatrième et une cinquième qui se traduisent par la lumière et le temps. Cela donne d'autres reflets et vues d'une œuvre architecturale qui changent de lumière et d'aspect tout au long de l'espace d'un clic d'un appareil photo, sans tricherie ni maquillage», nous dira Mazouz Mustapha, architecte et enseignant associé à l'université de Blida et président de l'Ordre des architectes de la wilaya d'Alger. «Cette exposition de Ricardo Santonja est en fait une commande de bureaux d'études et d'architecture, et comme Ricardo est un artiste, il leur donne la photo avec une interprétation artistique, ce qui plaît de plus en plus aux bureaux d'études. La photographie est un art et une science exacte difficiles à réaliser. En Europe, le praticien de cet art est très bien payé car il a fait des études avancées et travaille avec du matériel qui coûte très cher, un véritable investissement. Ricardo nous dit qu'il n'arrête pas de travailler. En Espagne, c'est un marché en expansion et en extension très lucratif, car on reconnaît la valeur de ces photos. L'artiste architecte et le photographe sont respectés en Europe, ce qui n'est pas le cas chez nous… Ici tout le monde est architecte et tout le monde est photographe…», nous dira le Pr Damerdji Mekki, architecte et enseignant à l'Epau (Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme).
