Que cache donc cette opération ? A quels impératifs obéit-elle ? Pourquoi certaines terrasses ne sont-elles pas concernées par cette mesure ? L'opération d'assainissement des trottoirs de la ville, conduite par les services de la commune de Béjaïa, à l'instigation de la wilaya, ne se fait pas sans controverse. A l'origine, cette action était destinée à rendre aux trottoirs le rôle qui est le leur - la circulation piétonne - en y interdisant le dépôt de matériaux de toute nature et en les libérant des occupations illicites de certains commerçants. Cependant, les contrôles effectués concernent en grand nombre les terrasses de café. Les gérants de ces commerces qui ont été tous sommés de se conformer à cette «soudaine règle de voirie», pour reprendre les termes de l'un deux, s'interrogent sur les véritables buts de cette opération. «Dans toutes les villes du monde, ce sont les terrasses qui embellissent les rues et avenues et sont pour beaucoup dans leur notoriété touristique. N'est-ce pas que la capitale française n'a pas trouvé mieux pour répondre à la psychose terroriste qui l'a frappée récemment que de lancer une opération terrasses ouvertes ?» interroge un propriétaire. Il précise d'ailleurs que sa demande d'installation d'une terrasse sur un grand boulevard de la ville a été rejetée par la direction de la voirie de la ville. «Ma terrasse est connue de tous les visiteurs de la ville, été comme hiver. On y vient pour lire et siroter tranquillement une boisson sous un parasol. Aujourd'hui, je suis dans le désarroi parce que mon commerce risque de prendre un coup sévère avec cette interdiction. Une bonne partie de ma clientèle est non fumeur, sans compter les retraités qui viennent pour un bain de soleil», ajoute notre infortuné cafetier. Même ton du côté du boulevard des Aurès. Le propriétaire du «Café des Aurès» a bravé l'interdit en installant à l'extérieur une table et deux chaises. «Les services de la mairie m'ont délivré une autorisation valable pour les trois mois d'été uniquement et là, nous jouons à cache-cache avec l'agent de police en faction dans la rue qui risque de nous verbaliser à tout moment», nous déclare le jeune serveur. Il ajoute sur un ton ironique : «Comme si notre commerce servait des glaces». Pourtant, sur d'autres rues, des terrasses sont autorisées sans restriction aucune, avec cette particularité cependant : les terrasses sont couvertes. Si certains commerçants se sont pliés aux desiderata de la municipalité, d'autres, comme ce jeune gérant, sont décidés à aller loin dans leur revendication du droit d'aménager un espace de consommation sur le trottoir. «J'ai rejeté la réponse qui m'a été donnée par la direction de la voirie de la municipalité et j'ai exigé que l'on me signifie le motif exact de l'objection à ma demande d'exploitation d'une terrasse», nous déclare le jeune commerçant, ajoutant qu'il ira jusqu'à «saisir les tribunaux» pour satisfaire sa demande. Cette opération, au-delà des motifs que l'on invoque, «dément la volonté étalée à longueur de manchettes de journaux par les responsables concernant le développement du tourisme», nous dit, dépité, un client attablé au café «Mirage». Le propriétaire de cet établissement très fréquenté ne cache pas sa colère quant au «deux poids, deux mesures» entachant cette action de la municipalité. Il montre du doigt un café pas très loin du sien qui a été autorisé à exploiter un espace sur un trottoir «pourtant moins large que celui où j'exerce et qui fait huit mètres de large». Que cache donc cette opération ? A quels impératifs obéit-elle ? Pourquoi certaines terrasses ne sont-elles pas concernées par cette mesure ? Sollicitée pour apporter des éléments de réponse, la responsable du service de la réglementation a refusé carrément de s'exprimer. «Je ne suis pas autorisée à faire des déclarations à la presse», s'est justifiée notre interlocutrice.