Le Temps d'Algérie : L'Etat compte reprendre le processus de privatisation des entreprises publiques. Quel est votre avis sur ce point ? Réda Amrani : Avant de procéder à cette opération, il faudrait à mon avis établir un bilan exhaustif de toutes les entreprises en difficulté et celles qui sont aujourd'hui à l'arrêt où fermées. Il y a lieu d'identifier ce potentiel dormant pour le remettre en état de marche. La privatisation par l'ouverture du capital est une idée excellente, notamment lorsqu'elle est prise par le biais de la Bourse d'Alger. Cela permettra de garantir une certaine transparence. Cela dit, il ne faut pas oublier que les privatisations effectuées durant les années 2000 ont été faites dans des conditions anormales et dans la précipitation. Nous avons eu à assister à des opérations de privatisation par le système de gré à gré parfois en faveur d'investisseurs qui n'avaient pas la compétence ou la maîtrise des secteurs concernés. Nous avons connu des opérations de transfert illicites et même des cas de dilapidation de deniers publics. Pour éviter ces mauvaises expériences, il faut y aller vers une privatisation via le marché boursier dans une politique de transparence totale. C'est clair qu'il n'y a pas lieu de laisser des entreprises ou des unités de production fermées pour faute de repreneurs. Il y a toujours des investisseurs intéressés d'acheter des installations et des usines fermées pour les redémarrer et créer de nouvelles activités. L'Etat devra vendre ce type d'usines, mais dans la transparence, par la voie officielle et selon les règles du plus offrant. Donc, cela m'amène à dire qu'ouvrir le capital ou privatiser une entreprise n'est pas une mauvaise chose. Il s'agit bien au contraire d'une opération indispensable pour la relance de l'économie du pays. De toutes les façons, nous n'avons pas d'autre choix. Quel rôle doit assumer l'Etat dans le domaine économique. Faudrait-il maintenir l'actionnaire public dans les entreprises à vocation économique ? Quand l'Etat n'est pas en mesure de se comporter comme un actionnaire et à défendre ses intérêts, il doit se retirer. Mais ce retrait ne doit pas se faire dans l'intérêt du pays et du citoyen. L'Etat ne doit pas aussi continuer à gérer une entreprise déficitaire sans avenir. S'il est amené à céder une société à un privé ou un opérateur semi-public, il ne devra pas hésiter. L'objectif stratégique restera toujours celui de sauver cette entreprise de la fermeture et de la disparition de son activité. Nous avons assisté, malheureusement, à des expériences qui ont fait que l'Etat avait procédé au retrait des compétences qui géraient des entreprises publiques pour les engager dans des groupements de sociétés de gestion des biens marchands de l'Etat. Nous avons perdu de bons gestionnaires d'usines, des ingénieurs et des techniciens hautement qualifiée aussi bien dans la production que dans la gestion administrative. C'était une double erreur. L'Etat a montré qu'il n'était pas donc un bon actionnaire. Donc, il ne peut pas tout faire et ne doit pas également tout faire. Que pensez-vous du débat enclenché actuellement sur les mesures de la loi de finances 2016 ? A mon avis, il n'y a absolument rien de nouveau dans la politique économique du gouvernement. La loi de finances complémentaire de 1994 avait déjà prévu l'ouverture du capital et la privatisation des entreprises publiques. Le thème date de plus de 20 ans. Il faut arrêter de mener des combats d'arrière-gardes et de réfléchir à l'intérêt de l'économie du pays.