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La liberté s'arrache au prix de sacrifices
Publié dans Le Temps d'Algérie le 31 - 10 - 2009

Georges et Jean-Pierre Perles adorent jouer au football. Ils tapent sur le ballon à chaque fois que l'occasion se présente. Les rencontres se déroulent dans les années 50, à Maison Carré (ex-El Harrach), en Algérie.
Jean-Pierre joue pieds nus, il a une meilleure maîtrise du ballon, mais il l'affirme tout haut, c'est Georges le plus habile : son cadet de deux ans a une frappe du tonnerre. Ils jouent souvent avec des Algériens à une époque où il était mal vu, même dangereux, de côtoyer les «indigènes».
A Susini, on torture
Aux pires moments de la bataille d'Alger, les cellules et les couloirs sinistres de la villa Susini ont arraché Georges et Jean-Pierre à leurs parties de football.
Les deux frères sont pris en otages à la place de leur grand frère Roger, militant du parti communiste algérien (PCA). Les paras viennent les cueillir chez eux, à la maison. ils sont emmenés sous les applaudissements des voisins. Et oui, leur voisinage avait remarqué que la famille Perles avait trop fraternisé avec ces «bicots» d'Algériens, ils doivent même comploter avec le FLN.
Les coups pleuvent à la villa au triste renom
Jean-Pierre en garde les stigmates, il a eu les deux tympans explosés. En regagnant sa cellule, il aperçoit une flaque de sang qui inonde le sol, une image qui restera à jamais gravée dans sa mémoire. Pour lui, il y avait tellement de sang qu'il était sûr que les paras avaient exécuté un prisonnier.
A la villa Susini, la torture est pratiquée systématiquement. Tous et toutes «dégustent». Simulation d'exécution, supplice de l'eau, gégène, viol, pendaison, arrachage des ongles, brûlure avec chalumeau… les tortionnaires, parmi eux les capitaines Faulques et Feldmeir, se sont fait une réputation dans l'horreur, la souffrance et dans la mort. Cette villa avait auparavant abrité le consulat allemand, les nazis y torturaient les patriotes français.
Roger est arrêté à son tour, il subira les pires séances de torture. En arrivant à la villa, on lui lie une main à un pied, on le suspend à un madrier et on le laisse se balancer dans le vide durant d'interminables heures. Il paraît qu'au bout de 10 mn, des crampes insupportables se déclenchent.
Denise Cots a, dès son jeune âge, travaillé dur pour aider sa famille; elle occupe le poste de caissière à la pâtisserie «La Parisienne». Elle est arrêtée, elle aussi, par les paras à la place de son frère Pierre.Denise subit les coups et la torture. Les questions tournent autour de Pierre et de son oncle.
Son oncle est un militant engagé comme Pierre
A quoi on pense dans ces moments-là ? Le cerveau est tellement embrumé. Dans la cellule, elle pense à ce qui va advenir de son frère. Elle a également peur de perdre son boulot. On lui sert une boule de riz. heureusement qu'on l'avertit à temps de ne pas y toucher car ils vous la servent exprès très salée et sans eau.
La torture morale précède la torture physique. Denise se souviendra de ce para qui imite les pleurs d'un bébé. Denise n'arrivera jamais à se rappeler le nombre de jours passés à la villa Susini. Le patron de La Parisienne, un certain Trolet, capitaine de l'armée française à la retraite, se démène pour la retrouver. elle pense que c'est un peu grâce à lui qu'elle s'en est sortie.
Karl, pseudo de Pierre Cots, est en cavale. Ce matin-là, le 27 mars 1957, on frappe à la porte de sa maison, ça doit être le laitier. «El malté» distribuait le lait chaque jour à sept heure du matin. En ouvrant la porte, il est happé par les parachutistes. Il n'était pas 7 heure mais une heure du matin, une confusion qui le jette entre les mains des paras et de ses futurs tortionnaires.
Dès qu'ils sont hors de la maison, on lui met une cagoule sur la tête et on s'empresse de lui faire comprendre ce qui l'attend. on le roue de coups. A la villa Susini, Pierre est soumis à un simulacre d'exécution. Ça lui fait très peur, mais Pierre se dit qu'ils ne le tueront pas avant d'obtenir de lui toutes les informations. Pierre, comme Roger Perles, est militant du PCA et participe activement à la diffusion de La voix du soldat, un périodique à l'intention du contingent français.
Pierre est questionné dans la grande bibliothèque. La force des coups le fait virevolter à l'autre bout de la pièce. On lui percera les deux tympans et il perdra beaucoup de sa capacité d'audition. Son regard accroche le paysage qui se profile derrière la vitre.
C'est bizarre ce contraste entre la beauté de l'horizon qui se fixe dans le regard bleu de Pierre et la sauvagerie des tortionnaires. Il passera au supplice de la gégène et de l'eau.
Avant de rejoindre sa cellule, Pierre passe une demi-heure dans un tunnel. il y rencontre d'autres prisonniers : Sepcelevicius (Alfred Jerson), Jean Ferandis, Georges Torres, professeur de géographie et Mohamed Sahnoun, membre du FLN. Sahnoun ôte sa veste et la met sous la tête de Pierre qui s'est allongé par terre. Pierre est gêné, il lui propose de la reprendre car il fait froid. Sahnoun lui répond «qu'il est habitué». ce geste solidaire lui fait beaucoup de bien. On lui apprend la mort du camarade Omar Djeghri sous la torture. Le martyr Djeghri était dans la même cellule que Georges et Jean-Pierre Perles.
Camp de Beni Messous : l'enfer sur terre
George, Jean-Pierre, Roger et Pierre connaîtront aussi le camp de Beni Messous, un centre de tri semblable à d'autres créés à travers l'Algérie. C'était l'horreur à Béni Messous. Les prisonniers s'abritaient sous des tentes vides. ils avaient droit à une ou deux couvertures et vivaient dans des conditions lamentables, inhumaines, pires que des bêtes. Pas de lit, pas d'assiettes, ni couverts…
Les prisonniers qui y arrivaient étaient dans un piteux état, des loques, après les nombreuses séances de torture. Certains étaient repris du camp pour passer de nouveau à la torture ou être exécutés. Les blessures et les brûlures étaient apparentes. Leurs corps étaient marqués par les sévices et l'odeur du sang s'était imprégné sur leurs habits. Les tentes abritaient les souffrances, les gémissements et les plaies purulentes… Pour les soulager : du mercurochrome et de l'aspirine !
La nourriture est immonde
George raconte que pour accéder aux W.-C., ne pas se méprendre, on utilise le mot W.-C. pour désigner des tranchées à ciel ouvert, il fallait jouer à l'équilibriste, car ils étaient entourés par de la glaise.
La plupart d'entre eux glissaient sans cesse, souvent dans les excréments qui débordaient. Il s'en dégageait une puanteur insupportable qui s'accrochait à vous pendant des journées. Il était rare de pouvoir se laver. Ceux qui ne tenaient pas debout étaient portés par les plus valides afin de s'y rendre. C'était horrible, innommable et avilissant.
Loddi, une école
Si les horreurs vécues à Susini et à Beni Messous représentent pour eux les pires moments de leur vie, George et Jean-Pierre affirment que cette expérience leur a permis de se former, de comprendre les choses et de devenir de véritables militants. «Ils voulaient nous enfermer, ils ont participé à notre formation», affirme George.
George et Jean-Pierre adhèrent au PCA dès leur arrivée au camp de Loddi. Ils militeront activement à leur sortie de Loddi en 1960.
Durant les trois ans d'enfermement dans ce camp et avec beaucoup de volonté et de persévérance, ils ne ratent ni cours ni débats organisés par l'université mise en place par les camarades détenus. Un programme est tracé avec chaque semaine des conférences autour d'un thème différent se rapportant à la géographie, la philosophie, l'économie politique, la culture… mais aussi des cours de français, d'arabe, de maths, etc.
Ces formations permettront à de nombreux prisonniers de jouer un rôle important dans la construction de l'Algérie indépendante. Un certain Bencharif, qui était mineur, est devenu cadre au PTT après l'indépendance. Aujourd'hui Jean-Pierre a 79 ans, George, Pierre et Denise ont chacun 77 ans. Ils parlent modestement de leur militantisme pour la liberté et la reconstruction de leur pays.Il ne faut pas que leur lutte, comme celle de milliers d'autres Algériens, disparaisse de nos mémoires.


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