La mise en place par les pouvoirs publics d'un «mécanisme de couverture contre les risques de change» permettrait de renforcer l'implication des banques publiques et faire adhérer les banques privées au project- finance, un mode de financement très peu pratiqué en Algérie. Ce mode «devrait prendre le relais du budget de l'Etat dans le financement des grands projets», a estimé, hier, le délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (ABEF), M. Abderrahmane Benkhalfa, lors d'un séminaire sur ce mode de financement. Il a mis en exergue le fait que le financement des projets selon la formule project-finance est exclusivement limité aux banques publiques dont le capital social est supérieur à 10 milliards de dinars. Une situation appelée à changer, selon le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), M. Reda Hamiani, qui a prévenu que la poursuite du financement des grands projets par le Trésor «risquera de peser lourdement sur l'économie nationale». Il a, à cet effet, plaidé pour «un tri de projets» à financer par le budget de l'Etat selon les priorités et d'encourager, parallèlement, de nouveaux modes de financement comme le project-finance ou le marché financier. Le développement du financement des grands projets selon le mode project-finance nécessite, essentiellement, une meilleure maîtrise des risques de change et de financement, ont souligné lundi des participants à une rencontre sur le financement des grands projets. «Le project-finance est un financement à long terme, complexe et dont le rendement est assuré par la rentabilité du projet lui-même nécessitant ainsi d'importantes capacités financières des banques ainsi qu'une bonne maîtrise des risques liés au change», a-t-il expliqué. De même, «la mise en œuvre d'un pôle national de project-finance nécessite la présence de grandes banques en matière de capitaux et de réseaux d'exploitation mais surtout un certain niveau de management des risques liés à la liquidité et au change, ce qui n'est pas le cas pour les banques privées de la place», a-t-il ajouté. En marge du séminaire, M. Benkhalfa s'est exprimé sur la position des pouvoirs publics vis-à-vis de ces questions et a affirmé qu'«un dialogue entre le ministère des Finances, la communauté bancaire et le milieu patronal a été engagé et se poursuit en vue d'arriver à une plate-forme d'entente dans ce sens». Le marché financier en Algérie à l'état embryonnaire Pour sa part, le PDG de la Banque extérieure d'Algérie (BEA), Mohamed Loukal, a indiqué que «l'absence de structure de protection contre les risques de change constitue un élément dissuasif pour les investisseurs étrangers et le développement du project-finance». Le patron de la BEA a également estimé que l'offre de financement publique jugée «suffisante» des méga-projets et l'état «embryonnaire» du marché financier en Algérie ainsi que le désintérêt des banques privées locales en raison de leur faible ratio de solvabilité sont à l'origine du nombre limité de financements, selon la formule project-finance. A cet égard, M. Loukal a proposé l'adoption par les autorités financières d'une réglementation «plus souple avec une meilleure automatisation» des transferts financiers ainsi que la formation sur ce mode de financement au profit des banquiers et des managers des entreprises. Il a aussi jugé intéressante la création d'un pôle bancaire de grands projets en intégrant les banques privées. Depuis 2006, la BEA a participé, à hauteur de 28%, au financement de 10 méga-projets pour une valeur globale de 539,5 milliards de dinars, soit un apport d'environ 151 milliards DA. Cette contribution est répartie sur cinq stations de dessalement d'eau de mer, trois centrales électriques dont celle de Hassi R'mel et deux usines d'ammoniac, a fait savoir M. Loukal. Par ailleurs, le Crédit populaire d'Algérie (CPA) a, quant à lui, participé à une quinzaine d'opérations de financement similaires pour un apport global de plus de 257 milliards DA répartis sur 7 stations de dessalement (42,07 milliards DA), 5 centrales électriques (147,48 milliards DA) et deux unités d'ammoniac (66,52 milliards DA), a indiqué à l'APS un cadre de la banque en marge du séminaire. Le project-finance ou le financement de projet consiste à rassembler, combiner et structurer les divers apports de fonds nécessaires à des investissements de grande envergure (infrastructures de transport, complexes industriels, centrales de production d'énergie...), privés, publics ou mixtes, en s'assurant de leur viabilité financière, a-t-on expliqué. Ils se différencient d'autres méthodes de financement par le fait que les apports de fonds seront majoritairement rémunérés par les cash flows générés par le projet lui-même.