La défaite de l'équipe d'Algérie de football face à son homologue de la Serbie a, bien entendu, soulevé des vagues au sein de l'opinion publique qui, aujourd'hui, s'attend à ce que cette sélection se fasse «étriller» en Coupe du monde. Les gens semblent découvrir que leur équipe nationale est loin d'être du niveau de cette grande compétition. Cependant, au lieu de se pencher sur les carences du football algérien, ils focalisent leur attention sur l'entraîneur national coupable à leurs yeux de mener les joueurs algériens vers une aventure sans issue. Selon eux, seul un changement d'entraîneur serait susceptible de donner de l'allure à cette sélection, Rabah Saâdane étant accusé d'être un adepte d'un conservatisme outrancier. C'est ainsi que jeudi dernier, au lendemain du 3-0 enregistré face à la Serbie, les discussions tournaient autour de Rabah Saâdane et de son impératif changement par un autre coach, de préférence étranger. En somme, si on comprend bien ces gens, s'il y avait quelqu'un d'autre à la place de Saâdane mercredi soir, nul doute que le match se serait terminé sur un succès des Verts. Cela suppose que nous disposons de joueurs hors pair mais que celui qui les dirige n'a pas les compétences pour le faire. Changeons, donc, Rabah Saâdane et ramenons un autre coach. Préparons-nous, alors, à fêter les Verts qui vont nous revenir d'Afrique du Sud avec le trophée mondial. C'est bien de cela qu'il s'agit puisque nous avons des joueurs hors pair et un Lahcen qui va casser la baraque. Une question de réalisme Lors du match de mercredi dernier, nous avions mis en valeur que le réalisme serbe avait primé. Le réalisme, cette notion qui vous oblige à éviter de tomber dans la rêverie. Et c'est bien de rêverie qu'il s'agit quand on s'aperçoit que le commun des mortels en Algérie pense qu'il a une équipe nationale capable de tous les exploits. On applaudirait fort des deux mains si cela était vrai mais au fil du temps on ne fait que remarquer que cette équipe n'est, après tout, qu'une modeste équipe qui peut sur un match réaliser un exploit retentissant mais qui, dans la longueur, ne peut pas vous assurer un résultat positif. Or ce dont les gens ont besoin c'est d'une sélection qui soit performante sur une longue durée et non pas un onze juste bon à nous fournir sporadiquement des coups d'éclat. Rabah Saâdane n'est, certainement, pas le meilleur entraîneur du monde mais on ne peut nier qu'il a certaines compétences dans le domaine technique. On a appris à se méfier des a priori tout récemment à l'occasion de la CAN 2010. On avait, à ce moment-là, critiqué la méthode de préparation de l'équipe d'Algérie pour le rendez-vous continental. On avait, alors, reproché à l'entraîneur national d'avoir choisi le froid français pour cette préparation alors que la CAN allait se jouer dans un pays chaud. Les faits ont fini par lui donner raison puisque l'équipe était montée en puissance au fil des matches jusqu'à atteindre les demi-finales. Ce n'est, donc, pas une défaite aussi lourde soit-elle qui va nous faire croire que le mal de l'équipe nationale c'est son entraîneur. vant de partir en France préparer la CAN, ce dernier avait dit, en conférence de presse, une vérité que personne n'a voulu saisir au vol. Il avait expliqué que l'équipe d'Algérie avait énormément de travail à accomplir pour atteindre le niveau de la haute performance. Il avait mis en exergue le fait que son fond de jeu laissait à désirer et que l'équipe d'Egypte lui était supérieure en ce domaine. C'est qu'ils sont nombreux ceux qui pensent réellement que notre onze national est supérieur à celui des Pharaons. Sur un match, peut-être, mais sur plusieurs confrontations, certainement pas. Ce n'est que la résultante d'une politique qui est infaillible : quand vous jouez ensemble depuis des années vous développez des automatismes supérieurs à ceux d'une équipe qui sort du fond d'un trou suite à des années d'errements de la discipline qu'elle est censée représenter. Ce n'est un secret pour personne que les Egyptiens ont remporté les trois dernières CAN avec une équipe composée majoritairement de joueurs formés par les clubs égyptiens. Nier une telle évidence n'est pas fait pour rendre service au football algérien. Chez nous on demande la tête du sélectionneur national alors que le football dont est issu l'équipe nationale est d'une affligeante médiocrité. Chez nous on exige des résultats pour une équipe nationale qui repose sur un championnat national qui ne produit plus de talents. On demande à cette équipe nationale d'être pérenne dans les performances alors que la politique de formation dans les clubs algériens est quasi nulle. Cela fait plusieurs années que la Fédération clame tout haut qu'il faut instaurer le professionnalisme dans notre football, ce qui suppose des clubs forts qui possèdent un patrimoine et qui soient lancés dans un bon système de formation. On arrive à une date limite fixée par les instances du football international pour la mise en place de ce professionnalisme mais on ne voit rien venir. Il se dit que l'Algérie a une école nationale de football sise à Sidi Moussa. Le projet date de 2003 et à ce jour l'école ne serait toujours pas opérationnelle. Si on se fie aux déclarations du président de la FAF, la semaine dernière, lors de l'assemblée générale de cette instance, il semblerait que cette école va rester sous la coupe du ministère de la Jeunesse et des Sports et la fédération ne pourra qu'en être un des utilisateurs. Dans n'importe quel pays au monde une école nationale de football est placée sous l'autorité directe de la fédération, pas sous celle du ministère qui a d'autres attributions que celle de s'occuper de la formation de jeunes footballeurs. Des joueurs qui ne sont pas des surhommes Face à ce triste tableau, il fallait sortir une équipe nationale pour répondre à des échéances internationales. Comme le championnat local n'offre pas la qualité en matière de bons joueurs, la fédération a été forcée de battre le rappel de ce que notre émigration est capable de nous fournir. Elle l'a fait et c'est grâce à ces joueurs que l'équipe nationale se retrouve qualifiée au Mondial, des joueurs qui ne doivent rien au système de formation algérien. Mais des joueurs aussi, il faut le dire, qui ne sont pas des grosses pointures, en termes de vedettariat, dans le concert international. Ce sont de bons joueurs sans plus qui se donnent à cœur pour leur pays et celui de leurs parents. Malheureusement, on a une certaine tendance à en faire des surhommes capables de remporter la Coupe du monde. Aussi, quand il leur arrive d'avoir des ratés et de prendre une raclée, c'est tout naturellement que l'on se tourne vers leur entraîneur à qui on reproche de ne pas avoir les compétences pour les diriger. Pourtant, c'est sous sa direction que ces mêmes joueurs sont allés vers la qualification à la Coupe du monde et à celle de la CAN puis aux demi-finales de cette même CAN. On ne peut pas être un grand coach un jour puis un âne un autre jour. C'est dire que le problème n'est pas dans l'entraîneur national mais bien dans l'approche que nous avons de cette équipe nationale. Le président de la FAF avait bien dit que ce ne serait pas une catastrophe si cette sélection venait à se faire battre par la Serbie comme ce ne serait pas une catastrophe si elle venait à rater la qualification aux 8e de finale de la Coupe du monde. Il y a tellement de choses à accomplir dans notre football qu'une défaite de l'équipe nationale devrait, vraiment, être prise au second degré. L'ancien président de la FAF, Omar Kezzal, qu'on ne peut pas considérer comme un incompétent, nous disait l'autre jour qu'il fallait continuer dans cette voie qui consistait à donner à la FAF les moyens de mener une grande politique de développement et de formation. Aujourd'hui, il apparaît clairement que Rabah Saâdane et ses joueurs sont victimes de leur réussite. On se met à exiger d'eux ce qui est quasiment impossible à faire. L'équipe nationale obtenait de superbes résultats au moment même où les clubs algériens, base de tout le système de notre football, brassaient du vent. Ils continuent à le faire sans que l'on s'inquiète. Un bricolage à tous les niveaux et qui voudrait jouer dans la cour des grands. Quand on disait que le réalisme c'est cela qui nous manquait vraiment, on ne se trompait pas tellement.