Chaque jour un peu plus abasourdis, les Finlandais découvrent que leur pays, sa classe politique un peu plus que les autres pans de la société, n'est pas à l'abri du scandale et de la turpitude humains. C'est que les démocraties apaisées du nord de l'Europe ont toujours eu quelque chose d'exemplaire qui les distingue du reste du monde développé, régulièrement et quotidiennement en proie à de violentes déchirures morales, indignes de leur niveau de développement économique et technologique et à des dérives de la compétition politique que la démocratie n'a pas encore tout à fait réglées. Dépositaire d'un système de protection sociale de référence, d'un modèle de développement efficace et d'une culture de la différence assez rare de part le monde, la Finlande a su, pendant longtemps, prémunir sa (ou ses) communauté (s) contre les errements de la société moderne, ou du moins d'en atténuer les fâcheuses conséquences. Mais voilà, le dernier scandale politico-financier qui a secoué ce pays a révélé de la manière la plus spectaculaire que rien n'est définitivement consacré et que la différence est dans les capacités de réaction d'une société face à la dérive. Et la Finlande comme les autres contrées du même espace géographique et culturel, a plutôt de merveilleuses capacités d'indignation qui lui permettent de dépasser plus aisément quelques tourmentes perçues à juste titre plutôt comme une «maladie infantile» que comme une banalité de l'ordre établi. De quoi est donc fait le scandale dont des pans entiers de la société finlandaise parlent comme d'autres parleraient des extraterrestres ou d'un phénomène parapsychologique ? «L'affaire» a éclaté il y a deux ans. «Mais le Parti du centre a attendu passivement que le nuage du scandale du financement électoral se dissipe de lui-même. Les affaires se sont succédé, et ce n'est que maintenant que les dirigeants réalisent qu'il ne disparaîtra pas de lui-même», écrit un quotidien de ce pays. Les détails ont afflué ces derniers jours, révélant comment un groupe d'hommes d'affaires, constructeurs de grandes surfaces commerciales ou industrielles, a financé au moins 53 politiciens, dont la quasi-totalité a été élue et sept sont devenus ministres. La plupart d'entre eux sont membres du Parti du centre et du Parti conservateur, les deux principaux partis qui constituent la coalition gouvernementale. Ces derniers jours, les responsables centristes ont commencé à se dénoncer les uns les autres. Depuis cet automne, plusieurs responsables ont déjà démissionné. C'est déjà un premier indice quant à la force de ces capacités d'indignation. De «se dénoncer» et surtout de «démissionner». On attend maintenant la démission du Premier ministre, ce qui, aux yeux des observateurs et de l'opinion la plus large, est «la moindre des choses». Mais l'indice le plus sérieux est sans doute dans le degré d'étonnement et le choc des Finlandais qui posent majoritairement cette pathétique question : comment des hommes d'affaires sont-ils parvenus dans le pays le moins corrompu du monde à s'acheter une telle influence sur les hommes politiques ? Emouvants de naïveté, les Finlandais ? Peut-être, mais pas dupes. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir