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«Avant 2001, les juges se substituaient à Dieu»
Maître Benbraham Fatima, avocate agréée à la Cour suprême et au Conseil d'Etat :
Publié dans Le Temps d'Algérie le 07 - 06 - 2010

Très connue pour son objectivité, son audace et son franc-parler sur les questions épineuses d'ordre social, maître Benbraham nous livre dans cet entretien sa perception de l'erreur judiciaire, tout en tentant d'en identifier les causes et les raisons principales.
Elle évoque les dysfonctionnements procéduraux conduisant aux vices de forme et les contradictions contenues dans le code pénal et de procédures qui, par voie de conséquence, affaiblissent le système judiciaire algérien qui, selon elle, perd sa crédibilité.
Dans cet entretien, elle évoque également les circuits parallèles dont les gérants ont pignon sur rue. Tout en parlant de malaise endémique gangrenant notre justice, elle tire la sonnette d'alarme sur les conséquences pouvant être engendrées par les anachronismes et la thèse de l'accusation injuste.
Partant du fait que vous êtes avocate, donc au service du justiciable algérien, pourriez-vous nous livrer votre définition de l'erreur judiciaire ?
L'erreur judiciaire est tout d'abord une très grave faute que commet la justice envers un citoyen, en le condamnant alors qu'il est innocent.
En droit algérien, l'erreur judiciaire a été très longuement ignorée, et ce n'est que le 26 juin 2001 que la loi 01 08 est venue consacrer la notion d'erreur judiciaire par sa réparation et portant l'intitulé d'indemnisation de l'erreur judiciaire. Il s'agit d'un article (n°531 bis) qui est venu s'ajouter à l'ancien, lequel est intervenu à la suite d'une loi qui porte révision du code pénal.
Si on reconnaît que la justice peut faire des erreurs judiciaires, il faut donner au justiciable une occasion de faire réviser son procès par une juridiction et des magistrats.
Il faut dire que ce raisonnement est logique et rationnel parce qu'avant 2001, nous étions dans un raisonnement illogique où la loi plaçait le juge au même titre que Dieu, si on revenait à l'ancien adage qui dit que seul Dieu est juste envers les siens, et partant, cela veut dire que l'homme est faillible vis-à-vis des jugements qu'il porte.
Avant 2001, ont ne reconnaissait pas la faute du juge, et son jugement, une fois rendu, devenait définitif et exécutoire, et sur ce point, beaucoup d'innocents ont payé des peines qu'ils n'ont jamais méritées et payé des crimes qu'ils n'ont jamais perpétrés. A mon avis, l'année 2001 a été une coupure avec l'ancien système qui consacrait l'infaillibilité des juges. Dans le Coran, le Créateur sacralise la justice.
Aujourd'hui, la loi permet de réviser ces jugements aux fins d'innocenter les victimes. Il y a toutefois un équilibre au sein de l'organisation judiciaire et le nombre impair est de mise. 1 juge et 1 procureur au sein du tribunal, 3 juges et 1 procureur au sein de la cour et 7 juges et 1 procureur au sein de la Cour suprême, et ce, pour la raison que l'on juge à la majorité.
La révision du procès suite à la majorité peut conduire à la découverte du vrai coupable en dehors des juridictions et innocenter la personne qui a été abusivement condamnée. La cour d'appel peut annuler la condamnation et libérer la personne condamnée.
C'est-à-dire que les juges de la cour d'appel peuvent infirmer la condamnation de la première instance. Mais entre temps, la victime aura subi les phases d'instruction et de détention au point de la déstabiliser. Si avant 2001, ces personnes qui souffraient étaient tout bonnement relâchées, aujourd'hui, la nouvelle loi, qui reconnaît «textuellement» l'existence de l'erreur judiciaire, reconnaît également le droit à l'indemnisation.
Sur quels paramètres ou critères se base-t-on pour évaluer et définir la nature du préjudice, notamment moral, subi ?
Je précise que cette loi de 2001 est une loi barrière qui va séparer l'ancien régime du nouveau, donc les indemnisations ne vont être possibles que pour les cas avérés d'erreurs judiciaires après 2001 et non pour ceux ayant été commises avant 2001, date de promulgation de cette loi. Pour le montant, la loi n'a pas fixé de seuil et donc l'évaluation se fait en fonction du bon vouloir des membres de la commission.
Il y a forcément préjudice sur préjudice...
Exactement. Il faut dire que l'indemnisation ne se fait pas d'office et l'arrêt ou jugement devenu définitif qui va constituer le moyen de travail permettra d'asseoir l'indemnisation, et ce, après que la victime soit reconnue innocente.
Dès lors, c'est le commencement d'un long périple. La commission d'indemnisation, qui se trouve au niveau de la Cour suprême, constitue la structure de révision et d'étude, mais il faut savoir que c'est à la victime ou aux ayants droit de prétendre à cette indemnisation.
La loi est claire là-dessus, et au cas où la victime d'erreur judiciaire décède, c'est aux ayants droit de réclamer l'indemnisation. La diffusion peut être portée par voie de presse et les frais sont à la charge de l'Etat. A charge pour le demandeur de rédiger une demande manuscrite et suivant les règles énoncées par la loi.
Que les montants soient définis selon l'appréciation des membres de la commission n'est pas normal parce que le préjudice peut être moral, matériel mais surtout psychologique, et il peut avoir des conséquences désastreuses en milieu social.
Afin de parer aux retombées en milieu social, la loi prévoit la publication, et ce, aux fins de réhabilitation des victimes au sein de leur environnement. Mais ce n'est tout de même pas évident, et ceci dans le cas où la commission accepte le dossier mais celle-ci peut refuser le dossier car elle est souveraine.
Serait-ce par peur de reconnaissance de l'erreur par les juridictions judiciaires ?
Tout à fait. D'ailleurs, beaucoup d'avocats qui viennent au métier se posent des questions quand il y a un acquittement.
Maintenant, si on considère que l'acquittement est un frein au bon fonctionnement de la justice, cela relève de la gravité extrême, et cela veut dire qu'il faut faire des erreurs et ne pas les reconnaître, et de surcroît, maintenir les justiciables sous le joug de l'inculpation et toucher à la liberté des gens.
Dans ce cas de figure, nous tombons dans l'accusation injuste, et autant vous dire que nous sommes actuellement dans la phase d'un concept erroné et qui s'appelle la thèse de l'accusation injuste et qui se développe à une allure vertigineuse. Pour ne pas aller vers l'indemnisation, alors accusons injustement, telle est la lecture de cet état de fait. C'est le gros malaise de la justice algérienne.
La reconnaissance de l'erreur judiciaire et l'indemnisation sont censées libérer la justice d'un fardeau qui lui courbait l'échine, mais au lieu de cela et au vu des anachronismes, elle a adopté la thèse de l'accusation injuste. Je tire la sonnette d'alarme en suggérant aux hauts responsables d'opter pour les indemnisations après reconnaissance, plutôt que de les condamner alors qu'ils sont innocents pour éviter l'indemnisation.
Ne croyez-vous pas que tant que la justice ne reconnaît pas ses erreurs, sa crédibilité s'en trouvera diminuée vis-à-vis d'un peuple qui parle d'absence d'équité, voire d'injustice ?
Il ne faut pas être ministre ou magistrat pour connaître les problèmes de la justice, il suffit de sillonner les rues pour avoir une idée sur les conséquences découlant du système actuel.
Si le peuple ne croit plus en sa justice, c'est tout simplement parce qu'on a transformé la justice de qualité en justice de quantité. Ce n'est pas en traitant 100 ou 1000 dossiers et en rendant autant de jugements qu'on peut prétendre être un bon gestionnaire de la justice ou bon ministre.
La saturation des juridictions et le cumul des dossiers sont-ils des facteurs qui ont conduit à cette gestion ?
Bien entendu. Quand on sait que les juges traitent 300 dossiers par jour, il convient de souligner l'impossibilité, pour un homme aussi brillant soit-il, de rendre un jugement réfléchi et mûr.
Quelles sont les raisons de ces cumuls ?
Sur ce chapitre, j'oserai dire qu'il y a une réelle démission des instances judiciaires face aux enquêtes préliminaires (éléments d'enquête), qui deviennent de facto un document de base, contrairement à la loi qui stipule que cette enquête fait office de document de renseignement et non de document définitif. Alors, devant cet état de fait, il y a lieu de se demander pourquoi avoir des magistrats ?
Le procès-verbal de la gendarmerie ou de la police sert de base lors de l'instruction, ce qui n'est pas normal. En d'autres termes, on ne fait plus d'enquêtes judiciaires et encore moins le recours à la reconstitution des crimes, comme cela se fait dans le monde, et cela depuis 1990 ou 1991.
Depuis 20 ans, aucune reconstitution n'a eu lieu en Algérie. Dans des affaires criminelles, les empreintes digitales, pour ne citer que cela, ne sont pas relevées sur les lieux des crimes.
C'est en quelque sorte une latitude concédée à l'injustice ?
Absolument. Actuellement, dans les affaires criminelles, les experts ne viennent pas devant les juridictions, cela est un constat qui pousse à croire qu'ils n'ont plus de respect pour la justice. En clair, nous avons une justice expéditive.
Nous osons une question pour savoir s'il est possible de juger un juge ?
Non, sauf dans des cas précis. Il y a le Conseil supérieur de la magistrature qui connaît les erreurs des juges qu'elles soient d'ordre professionnel, moral ou pénal, et ce n'est que lorsqu'il y a cas avéré de corruption ou autres faits graves que le ministère le renvoie devant la juridiction pénale.
Lorsque j'ai posé le problème de la responsabilité pénale des juges afin de leur permettre plus de protection, plus de liberté dans leurs appréciations des dossiers, éliminer les pressions et les injonctions dont ils font l'objet...
cela a provoqué la colère de certains magistrats. Pour moi, l'instauration de la responsabilité pénale pour les juges est une protection qui permettra plus de liberté d'exercice de la justice. Ainsi, il peut aller à l'encontre des injonctions ou ordres émanant de quelque niveau que ce soit dans l'échelle hiérarchique de la justice, du ministère ou de quelques endroits que ce soit.
Et en se référant à cette responsabilité pénale, il lui sera loisible de refuser toute pression que ce soit en répondant tout simplement «jugez vous-même». En définitif, il y a lieu de dire que pour aller vers une indépendance de la justice, il faut instaurer la responsabilité du juge car il est quelque part un représentant de Dieu sur terre.
Au niveau de la Cour suprême, il y a environ 700 affaires par jour, alors que cette instance doit veiller à l'application du droit et produire des arrêts de principe en sa qualité de colonne vertébrale de la justice, et au lieu de cela, elle joue le rôle de troisième degré de juridiction.
Au vu de cette saturation et à la lecture de vos propos, il est permis de croire à un possible courant de corruption au sein de notre justice ?
C'est de cette façon que les canaux de la corruption s'installent au sein de la justice. Il y également d'innombrables réseaux parallèles qui proposent des aides à certains justiciables en profitant de l'incrédulité de ces derniers qui espèrent être rétablis dans leurs droits.
Il y a ce qu'on appelle des bureaux de liaison et de conseils juridiques gérés par des retraités ou par des personnalités. J'ai eu l'occasion de visiter quelques-uns dans l'anonymat et j'ai été reçue par une jeune fille ayant l'apparence d'une entremetteuse qui me proposait l'assistance dans divers secteurs, y compris la justice.
Cette dernière me dira : «Nous avons des relations avec des magistrats et nous pouvons intervenir au niveau de la justice pour régler divers problèmes.» Cela m'a choqué et lorsque j'ai été découverte par le patron qui me connaissait, il me dira : «Maître Benbraham, vous nous avez piégé.» Et moi de répondre : «C'est vous qui piégez les citoyens.»
Par ailleurs, des anciens détenus connaissant parfaitement les rouages de la justice s'érigent en patrons de bureaux de liaison pour proposer leur aide aux familles moyennant des sommes d'argent. En conclusion, depuis 1990, cette société a été touchée au plus profond de son âme, et s'il faut faire une analyse, je pourrais dire sans risque de me tromper qu'au moins 80% de notre jeunesse détient un casier judiciaire et il y presque autant de détenteurs de jugement de divorce.
Ce sont là des signes de l'émergence d'une fausse criminalité et une augmentation des divorces qui portent atteinte aux cellules familiales et plus particulièrement aux enfants. Cela est un appel aux dirigeants qui parlent de redresser ce pays pour leur indiquer qu'ils sont en train de constituer un peuple de délinquants doté de casiers judiciaires, et autant leur dire que de cette manière ils perdront la représentativité des Algériens à l'étranger dont l'image est souillée.
Il faut réhabiliter les personnes ayant des casiers excédant les 15 ans et le peuple doit comprendre que ce droit lui est accessible en toute légitimité. L'épisode du football et des incidents avec l'Egypte a prouvé l'amour que porte ce peuple pour son pays et il faut que les politiques en tirent des leçons, parce qu'un jour, les choses vont changer et peut-être que ces responsables qui méprisent le peuple seront dans la position de ceux que le peuple méprisera.


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