Des centaines de milliers de Catalans dans les rues de Barcelone, samedi, avec à leur tête le président du gouvernement socialiste de cette région autonome, José Montilla, ancien ministre de Zapatero pour l'Industrie, et avec lui les nationalistes et les républicains locaux. Non ! C'est loin d'être comme pouvait le voir un étranger non averti d'un défoulement populaire à la suite du but inscrit de la tête par Jordi Pujol, l'enfant prodige du onze espagnol, l'avant-veille, face à l'Allemagne, qui avait propulsé l'Espagne en finale de la Coupe du monde, pour la première fois de son histoire. La «nation catalane» Des drapeaux, il y en avait autant que les manifestants, mais seulement celui de la Catalogne ou du Barça. Pas celui de l'Espagne. A Barcelone, ce sont d'autres slogans en faveur de la souveraineté et de l'indépendance de la Catalogne qui étaient scandés, pas le «Yo soy Español, Español, Español» («Moi je suis espagnol, espagnol, espagnol») des fans de l'équipe d'Espagne, l'équivalent du «One two, three, viva l'Algérie». Bien entendu, les dirigeants catalans avaient déjà, à la fin du mois dernier, choisi la date du 11 juillet pour protester contre la sentence du tribunal constitutionnel rejetant pour «inconstitutionnalité» le caractère de nation pour la Catalogne et l'usage de la langue catalane dans l'administration. L'équipe de Del Bosquet, vaincue par la Suisse et qui soufrait face au Chili et au Paraguay, était encore loin de la victoire face à l'Allemagne. A l'origine, le président socialiste catalan avait appelé à une marche de protestation contre la «provocation du tribunal constitutionnel» qui a mis cinq ans à se prononcer (et de quelle manière !) sur le statut de la Catalogne, pourtant adopté par le Congrès des députés et le Sénat. C'est l'occasion qu'attendaient les nationalistes et les indépendantistes qui à l'image du président républicain du Parlement catalan, Ernest Benach, ne reconnaissent pas le royaume d'Espagne et revendiquent plus de souveraineté pour les institutions de leur région vis-à-vis du gouvernement central. «Monsieur le roi» Ce même Ernet Benach n'emploie jamais la formule de «majesté» quant il est reçu par le roi Juan Carlos auquel il répond par un «oui Monsieur». Visiblement donc, l'initiative «institutionnelle» de Jose Montilla s'est vite transformée en marche indépendantiste. C'est ce que craignait le président Zapatero qui avait invité, la semaine dernière, le dirigeant socialiste catalan à un dialogue sur la mise en œuvre pratique des amendements apportés par le tribunal constitutionnel au statut de la Catalogne. Il le vérifiera, ce samedi, lorsque durant cette même manifestation qu'il avait convoquée lui-même, il s'entendra traité de «traître» par les indépendantistes et les républicains et dut quitter le premier rang. Les slogans ne laissent planer aucun doute sur la nature de la revendication souverainiste : «Pas de sentence que notre indépendance !» ou encore «L'indépendance ou rien». Langage d'extrémistes qui ont brûlé le portrait du roi et le drapeau espagnol ? Sûrement pas car le sentiment indépendantiste est aussi fort en Catalogne qu'au Pays basque où l'ETA a choisi carrément la voie des armes depuis déjà une quarantaine d'années. Certes, c'était au départ contre le régime fasciste du général Franco. Les limites du système des autonomies Or une trentaine d'années après, l'Espagne est en démocratie mais la violence nationaliste prend de l'ampleur au Pays basque. Si la démocratie a brillamment négocié sa place en Europe, elle peine toujours à trouver des solutions aux limites de son système autonomiste qu'elle veut vendre à l'étranger. Au centre de ce grand débat, le concept de «nation» revendiqué avec de plus en plus de conviction et de fermeté par les nationalistes. Le plus modéré des leaders catalans, l'ancien président catalan Jordi Pujol (de la famille du capitaine de l'équipe d'Espagne ?), avait soutenu, en 2003, que la Catalogne avait été une «nation» déjà en 1719, bien avant que ne le sera la couronne d'Espagne.