Le «sachet noir» est tombé en désuétude depuis longtemps. Non pas parce qu'il est passé de mode ou qu'un autre contenant plus sûr et plus discret lui a ravi la vedette, mais simplement parce que son volume est devenu dérisoire par rapport au coût de la plus banale des transactions. Pour acheter une voiture, c'est désormais une voiturée de coupures de mille dinars qu'il faut transporter, compter et accessoirement contrôler. Le sachet noir est déclassé par l'inflation comme sont déclassées des catégories sociales intermédiaires désormais en proie à la paupérisation. Dans un pays où autant d'argent liquide est visible, où les rares commerçants disposant d'un compte bancaire courant peuvent mobiliser des journées entières la caisse d'une agence pour le «comptage» de leurs dépôts, où on n'aperçoit un chèque que devant les guichets au moment où son propriétaire s'apprête à le convertir en liquide, ça relève presque de la comédie de parler de fausse monnaie. Les images sont d'ailleurs quasiment émouvantes de singularité. Voilà des gens qui brassent des millions, quand ce n'est pas des milliards et consentent quand même à les déposer à la banque, après les avoir ramassés exclusivement en billets. Dans les pays développés les quotidiennes ou hebdomadaires empruntent le même chemin, mais n'ont jamais la même forme, puisque la proportion d'argent liquide qu'elles contiennent sont réduite à la portion congrue, devant les chèques, les chèques restaurants et les paiements par cartes de crédit. Ils sont rares, mais ils existent, comme existeraient des extraterrestres. Mais qu'on se «rassure», qu'ils aient des millions ou des milliards de dépôts en banque, ils ne pourront pas à leur tour utiliser un autre mode de paiement pour leurs achats et services. Alors, il n'y a aucun risque qu'ils dérangent l'ambiance générale en remettant en cause l'ordre consacré. D'autant plus que du côté des dirigeants économiques, on ne donne aucune impression de vouloir changer les choses. Quand en l'occurrence, on est tellement frileux que le projet d'imposer le paiement par chèque dans les transactions supérieures à… 500 000 dinars fait figure de révolution, quand le «développement de la monétique» est réduit à la délivrance de cartes bancaires qui permettent encore plus de retraits de billets (!), il devient clair qu'on «modernise» le statu quo plus qu'on envisage le changement. Au sachet a succédé la voiturée et les distributeurs automatiques renforcent les guichets. Dans la foulée, les faussaires ont abandonné le scanner pour une logistique plus sophistiqué. Les faux billets prospèrent là où les vrais abondent. Elémentaire. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir