La grève des médecins est de celles qu'il faut «gérer». Non pas que les autres grèves peuvent marcher toutes seules une fois déclenchées, mais parce que les premières ont ceci de particulier que leur impact est immédiat sur les citoyens les plus fragiles, les malades en l'occurrence. Déjà que leur prise en charge en temps de pleine activité n'est pas si brillante, il faut donc imaginer ce qu'elle devient en période de grève. Dans ces situations, il n'est pas étonnant que l'évocation du «service minimum» fasse sourire désespérément ou fasse carrément rire jaune. Avant de gérer le piquet de grève, il s'agit donc de gérer le principe de la grève. Et ce n'est jamais facile. Entre la tentation, évidente, d'y recourir souvent – abusivement diraient d'autres – et «l'excès de conscience» qui prive parfois la corporation d'un moyen de combat consacré, il faut encore… gérer. Parce que la capacité de nuisance est telle que les demandes sociales ou professionnelles ont plus de chances d'aboutir que dans d'autres secteurs, cela contribue pour une grande part à leur impopularité. Tout le monde vous dira qu'un médecin formé au rabais touche un salaire de moins de quarante mille dinars par mois, n'est pas logé et n'a aucune perspective de promotion, ce n'est pas «normal». Il a donc toutes les raisons du monde d'être en colère et d'agir en conséquence. Mais tout le monde vous dira aussi que les femmes, les enfants et les hommes malades ne peuvent être abandonnés à leur sort, avec un péril certain sur leur vie, quel qu'en soit le prétexte. Il faut quand même trouver une solution parce que la grève des médecins est de ces choses qui ne peuvent pas s'inscrire dans la durée. Et manifestement, le ministère de la Santé n'en a pas, puisqu'il en est maintenant aux «menaces». Ponction sur salaires, pressions individuelles, instructions des administrations hospitalières pour répertorier toutes les opérations médicales prioritaires qui n'ont pas été exécutées en raison de la grève en sont les «mesures» les plus importantes. Pour les médecins, l'arrière-pensée de Djamal Ould Abbas est évidente : il s'agit de les livrer à la vindicte populaire et les obliger à la reprise du travail. Pourtant, le ministre de la Santé dit la même chose que ceux qui pensent qu'un médecin payé à moins de 40 000 dinars et qui n'a aucune perspective de promotion ce n'est pas normal. Mais il ne dit pas que la prise en charge des malades n'est déjà pas si brillante en temps de pleine activité, entre autres parce qu'il a été formé au rabais. Pour qu'il n'en soit pas ainsi, il aurait fallu une politique de la santé. Il n'y a décidément pas que les grèves à gérer. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir