Sur les trente-huit mosquées du début du XIXe siècle, il n'en reste que quatre dont des plus connues sont «Djamâa Abou Marouane» et «Djamâa Salah Bey». C'est par la rue Aissat Idir que l'on peut accéder directement au millénaire «Djamâa Abou Marouane», un bel édifice bâti sur le point le plus haut de la vieille ville qui domine la mer et la plaine. Sa construction remonte aux environs de l'an 1000 à 1050, et aurait fait partie d'un ribat (ensemble composé d'un édifice et d'une mosquée pour la défense de la côte) La mosquée Abou Marouane représente un pan important de l'histoire de la ville de Annaba. C'est un patrimoine matériel et spirituel, jusque-là non apprécié à sa juste valeur, en dépit des tentatives menées dans ce sens, de temps à autre. C'est un facteur de perpétuation de l'Histoire du pays, d'une génération à une autre. C'est ainsi que la mosquée devint le centre autour duquel la nouvelle ville s'était organisée ; pour voir naître petit à petit, au fil des siècles Annaba aujourd'hui. La mosquée est un témoin d'une période et des personnages : comme dans cette ville, son concepteur, Abou Leith El Bouni, disposait du fort de Fousala entièrement creusé dans un rocher et qui consistait en l'un de ses fameux ribats s'échelonnant le long du littoral nord africain ; il eut l'idée non pas de le transformer en mosquée, mais de le surélever d'un masdjid dont le minaret, dans un but stratégique et défensif, devait aussi scruter l'horizon et observer le mouvement lointain des vaisseaux ennemis qui viennent de la mer. C'est aussi un lieu charmant où de nos jours encore, durant l'été, se poursuivent les prières sans mihrab, ni mamber. Tout près, à même le roc, il fit ensuite construire la salle de prière, et puis d'autres salles de belle allure affleurant les dépendances de la mosquée : écoles coraniques, plus tard classes pour les études supérieures avec dortoir, ou réservées à des fins sociales. Ses colonnes et chapiteaux dont l'existence dans les ruines d'Hippone n'était d'aucune utilité, c'est pourquoi l'aspect brillant de la salle de prière n'en masque pas moins la disparité de ces colonnes pour la plupart d'origine numide, romaine, ou même ziride contemporaine. Si on les observe de près on constate en effet leur dissemblance en hauteur et en volume. Chaque colonne contient son histoire et toutes ne forment pas un aspect austère. Elles sont d'un intérêt passionnant parce qu'à travers elles non seulement s'y inscrit le passé antique de la ville, mais aussi s'y reflète l'une des plus belles périodes de la civilisation islamique. A l'entrée de la mosquée, Abou Leith fit ouvrir une porte, donnant sur des salles qui apparaissent comme le cadre d'une bibliothèque, celle décrite par cheikh Ahmed El bouni dans son livre Ed-doura El Maknouna. L'ensemble des salles et dépendances qui formait un rez-de-chaussée vu de Annaba, et le troisième étage à partir du niveau de la mer fut couvert d'une vaste terrasse elle-même entourée d'un crénelage à caractère militaire très conciliable avec la vocation religieuse de l'édifice. Le tout était dominé par un minaret, deux coupoles et quatre petites coupoles. Si nous devons nous référer aux textes laissés par plus d'un historien, en particulier Dikra « EL Ghabrini» dans le titre Ed-Diraya, il paraît que dès cette lointaine époque, la mosquée comptait déjà parmi les plus célèbres. Aux côtés de celle de M'sila, Achir, Tlemcen et Kairouan, elle était le rendez-vous des hautes études. C'est en 1947, une fois l'édifice rendu au culte musulman après avoir été inféodé pendant 115 ans aux services sanitaires, qu'un autre architecte Abdel-Baki Derdour entreprit outre l'adjonction d'une autre salle, désormais au nombre de seize, l'édification de cette porte devenue indispensable pour une masse de fidèles plus importante. Vingt années plus tard, exactement le 17 rajeb 1388 correspondant au 26 octobre 1968, des personnalités du culte venues de tous les pays d'islam fêtèrent le millénaire (hégirien) de l'unique mosquée qui à travers le pays avait pu échapper au temps, à la guerre et à leurs destructions. Un an auparavant, à la suite des travaux de consolidation des assises basses de l'édification (à même le port), antérieurement ébranlées par l'exploitation de 4000 tonnes de bombes à bord d'un navire, on y découvrit un modeste trésor composé de quelque soixante lourdes pièces en or, des bendeki et cherif (vénitiennes et arabes de l'époque hammadide) ; elles furent remises au musée national d'Alger. Autres objets de valeur se trouvant actuellement dans ce musée, une petite collection de kandils ou lampes en cuivre qui éclairaient la grande salle avant le XIXe siècle. On trouvera aussi à Alger un modèle de seau également en cuivre orné d'une inscription coufique illustrant les ablutions quotidiennes en cette époque lointaine d'Abou Leith.