A force de nous rappeler qu'Alger pourrait bien, à l'occasion de la deuxième rencontre face à la Libye, être une répétition d'Oum Dorman et l'Histoire un éternel recommencement, la presse sportive et les autres «spécialistes» ont presque réussi à nous faire oublier ce qu'a été cet «épisode» du football algérien, plus précisément de sa sélection nationale : un match de foot gagné contre une équipe égyptienne en plein déclin sportif. Certes, ce match avait qualifié à la Coupe du monde un pays depuis longtemps orphelin de satisfactions et surtout d'une politique des sports. Certes, ce match a été gagné dans des conditions particulières qui ont même conféré à la folie nationale par moments. Mais ça reste un match de foot dont l'unique vraie «spécificité» est qu'il ne pouvait pas mieux tomber. Qu'on le prenne sur son côté sportif dont on a fabriqué bon an mal an une référence ou sur le reste, c'est-à-dire l'usage politique qui en a été fait, Oum Dorman n'a été que «ça». Après tout, une plainte aurait pu suffire à l'agression du bus, et l'hostilité générale qui a entouré la rencontre n'était pas vraiment une nouveauté, surtout que les autorités de ce pays avaient autant, sinon plus, de raisons d'enflammer leurs foules en la circonstance. Mais en la matière, les médias des deux pays, au lieu de faire leur boulot, ont fait ce qui était attendu d'eux : des relais zélés de ce que ne pouvaient pas se dire les autorités dans les yeux. Voilà maintenant la Libye. Au commencement était… la politique. Face à la tempête qui a traversé –ravagé, est-on tenté de dire– nos voisins du sud-est, l'Algérie officielle n'a pas toujours eu la réaction heureuse. Elle a été tellement frileuse qu'elle suscitait indifféremment la déception d'une partie comme celle de son adversaire. On attendait d'elle une attitude de fermeté, on a eu droit à d'incompréhensibles tergiversations. On espérait de la clarté, on a découvert le sibyllin poussé au paroxysme. De l'autre côté des frontières, les «révolutionnaires» savaient. Ils savaient l'impossibilité d'une profondeur stratégique en Algérie, d'où la nécessité de prendre les devants en faisant diversion par une rapide accusation de connivence avec Kadhafi. Un Kadhafi dont les siens n'ont même pas eu la reconnaissance à l'Algérie pour l'accueil humanitaire qui lui ont pourtant valu bien des inimités. Mais maintenant que les choses sont devenues plus claires, même si elles ne se sont pas vraiment apaisées, le nouveau pouvoir en Libye a vite fait de tempérer ses ardeurs. Il n'a pas assez d'amis pour se permettre un grand voisin hostile mais il sait que sa nouvelle attitude ne peut pas suffire pour devenir un voisin fréquentable. Peut-on pour autant dire que les nouveaux maîtres de Tripoli ont choisi une opportune coïncidence de tirage au sort pour envoyer leur équipe de foot en découdre avec des Algériens inaccessibles par d'autres moyens de confrontation ? Voyons ! D'abord, il est difficile d'envisager cela, pour un pouvoir en quête de respectabilité, à moins qu'il ne fasse exprès de se tirer des balles dans la jambe. Ensuite, s'il fallait chercher des provocateurs, on aurait peut-être cherché ailleurs que chez des footballeurs qui, pour des raisons évidentes, ne doivent pas être les plus zélés partisans du «changement», au point de compromettre leur carrière. Alors quand on entend à tout bout de champ qu'ils ont été «gonflés à bloc», «conditionnés» et tout le reste, pour s'en prendre à des joueurs algériens qu'ils ne porteraient génétiquement pas dans leur cœur, on se pose des questions. Et la première question est peut-être celle-ci : comment se fait-il que la presse algérienne ait publié plus de photos de joueurs… algériens en train de «taper» que celles de leurs adversaires ? Les «spécialistes» ignorent-ils les règles du foot au point d'oublier qu'en la matière, on sanctionne autant celui qui a «commencé» que celui qui a répliqué. Qu'espérait-on en décrivant dans le détail les… coups donnés par des joueurs algériens décrits comme des héros sur un champ de bataille ? Quelle mouche a piqué le sélectionneur qui déclare «appréhender un envahissement de terrain» au match retour ? Et si on jouait un peu au foot, histoire de rappeler que le «danger libyen» se décline sur d'autres terrains ? [email protected]