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Mokhtar Belmokhtar et la katiba «El Moulathamine»
Contribution
Publié dans Le Temps d'Algérie le 22 - 01 - 2013

Belmokhtar a une personnalité certainement plus complexe que ce qu'en disent les médias. Il est vrai qu'il tient à la fois du bandit de grand chemin et du djihadiste pur et dur. Sur le plan psychologique, un de ses anciens otages qui a pu converser avec lui le qualifie de «froid, calculateur et d'une volonté d'acier ayant un ascendant absolu sur ses hommes».
La katiba El Moulathamine (la «brigade des enturbannés») a été créée en décembre 2012 par Mokhtar Belmokhtar, suite à sa rupture avec Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
C'est l'une de ses unités, la phalange des «signataires par le sang», qui s'est emparée du site gazier de Tiguentourine le 16 janvier, prenant plusieurs centaines d'employés de la base-vie en otages.
Un individu de sinistre réputation
Mokhtar Belmokhtar (MBM) - alias Khaled Abou El Abbès, «Le borgne» (Belaouer) ou Mister Marlboro - est né en 1972 dans un village de la vallée du Mzab (1).
Il rejoint l'Afghanistan en 1991, à l'âge de 19 ans. Contrairement à sa légende savamment entretenue, il n'a pas combattu les Soviétiques - lesquels ont quitté le pays en 1989 - et n'a vraisemblablement jamais rencontré Ben Laden qui était alors installé au Soudan.
Par contre, il a fréquenté des camps d'entraînement djihadistes et combattu les autres factions afghanes, qualifiées d'«apostats» (les traîtres à la cause musulmane, parmi lesquels le commandant Massoud) dans les rangs des islamistes qui ont permis aux taliban de prendre le pouvoir à Kaboul.
MBM quitte l'Afghanistan au moment où un accord de paix (précaire) est signé à Islamabad. Il rentre en Algérie en 1993 et rejoint les Groupes islamiques armés (GIA) afin de poursuivre le djihad contre les autorités algériennes, accusées d'avoir «volé la victoire» aux islamistes en annulant les élections de 1991. Son expérience afghane lui permet de prendre la responsabilité de la zone saharienne.
C'est sa connaissance du Sud algérien qui lui a fait choisir ce lieu de djihad, alors moins prisé que l'est algérois. A la création du GSPC en 1998, il est nommé «émir» de la 9e région, qui couvre tout le Sud algérien.
Rapidement, il va transformer ce commandement en fief personnel. Entre 2003 et 2011, son groupe se livre à de nombreuses prises d'otages d'Occidentaux et d'Algériens, notamment dans la région de Hassi R'mel où sont implantés de nombreux sites d'exploitations gazières (2).
Les otages étaient généralement relâchés contre le versement de rançons. Toutefois, des employés de Sonatrach, de Sonelgaz et d'ENTP ont rapporté que MBM et son groupe avaient pour pratique d'établir des barrages sur les routes d'accès aux sites d'exploitations gazières et d'égorger les voyageurs.
Leur bilan serait d'au moins 80 victimes. Toutefois, selon certaines sources, l'armée algérienne - tout au moins les unités locales - ne l'aurait guère combattu, profitant de ses trafics (trabendo) entre l'Algérie, le Niger et le Nigeria.
Pourtant, MBM s'en prend également à des représentants de l'ordre. Il est d'ailleurs condamné à mort en 2008 par le tribunal de Ghardaïa pour le meurtre de 13 douaniers en février 2006.
Cependant, il est légitime de s'interroger sur les raisons réelles de cette opération : politique ou crapuleuse. Car MBM développe de nombreuses activités criminelles et fait passer le business (trafics, kidnappings, etc.) avant ses convictions politico-religieuses, ce que lui reproche régulièrement la direction du GSPC, puis d'Aqmi.
Mais, pragmatique, MBM a rapidement compris que la seule façon de financer sa lutte était de protéger les caravanes de trafiquants qui sillonnent les vastes étendues saharo-sahéliennes.
De plus, afin de pouvoir parcourir librement le Sahel avec ses hommes et y disposer de complicités, Belmokhtar contracte plusieurs mariages avec des femmes de tribus touarègues, mariages qui lui ont ouvert de juteuses opportunités dans le domaine de la contrebande.
Un terroriste soutenu par le Qatar Si Mokhtar Belmokhtar est un actif trafiquant, il n'en demeure pas moins un islamiste convaincu déterminé à imposer ses idées par la force.Il a toujours eu beaucoup d'admiration pour les moudjahidine afghans dont le récit des exploits contre l'Armée rouge a bercé sa jeunesse.
D'ailleurs, il a toujours bénéficié du soutien l'émir du Qatar en personne (3). En contrepartie, avec son groupe, il assure la protection du monarque qatari, de ses amis et de sa famille, lors de leurs chasses au faucon dans le désert algérien.
Ainsi, au printemps 2011, c'est financé et encouragé par l'émir du Qatar qu'il est allé prêter main-forte aux rebelles libyens. Après l'effondrement du régime du colonel Kadhafi, il en a profité pour «faire son marché» dans les entrepôts d'armements abandonnés.
Des informations laissent penser qu'au cours d'un voyage effectué fin 2011, il a eu des contacts avec des djihadistes internationalistes ayant établi trois camps dans l'ouest de la Libye, à proximité de la frontière algérienne.
Ces camps étant situés hors du contrôle des «autorités» de Tripoli, ils peuvent parfaitement avoir servi de base arrière au commando à l'origine de la prise d'otages de Tiguentourine.
La rupture avec Aqmi
Mokhtar Belmokhtar était en conflit larvé depuis des années avec le chef d'Aqmi, Abdelmalek Droukdel. La direction du mouvement lui reprochait son indépendance excessive et de se livrer à de nombreuses activités criminelles le détournant du djihad contre «les juifs, les croisés et les mécréants».
Le différend ayant atteint un point de non-retour, MBM a été démis de ses fonctions de commandant de katiba en octobre 2012. Furieux, il a «démissionné» d'Aqmi en décembre, afin de retrouver toute sa liberté. Certaines sources affirment qu'il aurait alors rejoint le Mujao, mais l'information n'a pas été confirmée.
Le 5 décembre 2012, il crée finalement la katiba El Moulathamine. Il aurait été rejoint rapidement par d'autres djihadistes, parmi lesquels Oumar Ould Hamaha (4), un personnage haut en couleur ayant appartenu auparavant conjointement au Mujao et à Ansar Dine.
MBM a cependant clamé haut et fort que s'il n'obéissait plus à Aqmi, il restait à la disposition d'Al Qaïda «historique» dirigée par le docteur Al-Zawahiri, réfugié dans les zones tribales pakistanaises.
Le commandement central d'Al-Qaïda ne lui a pas retiré sa confiance, car MBM demeure l'homme incontournable de la région. En effet, ses activités de contrebande lui permettent d'approvisionner de nombreux groupes en armes, munitions, véhicules, carburants et vivres, grâce à ses réseaux.
La phalange des «signataires par le sang»
Le groupe terroriste qui a attaqué mercredi la base de vie du site gazier Sonatrach/British Petroleum/Statoil de Tiguentourine (In Amenas) et pris en otages plus de 600 ressortissants algériens et étrangers est la phalange des «signataires par le sang», une des unités de la katiba El Moulathamine.
L'opération avait été planifiée de longue date. MBM a déclaré à une agence de presse mauritanienne que le commando islamiste «était prêt depuis près de deux mois pour mener l'opération, parce qu'on savait d'avance que le régime algérien allait être l'allié de la France dans la guerre contre l'Azawad».
La trentaine d'homme de différentes nationalités (5) de ce groupe est arrivée de Libye à bord de trois véhicules 4X4. Surarmés, certaines sources affirment qu'ils étaient dotés de missiles antiaériens. Dès la prise de contrôle du site, les terroristes ont menacé de tuer tous les otages et de faire explose
r le complexe gazier en cas d'intervention de l'Armée nationale populaire (ANP) algérienne pour sauver les otages. Lors du déclenchement de l'assaut, certains d'entre eux ont tenté de fuir en emmenant avec eux des otages à bord de deux véhicules qui ont été interceptés par les forces spéciales.
L'intervention rapide et énergique des unités antiterroristes algériennes a permis l'élimination de trois importants chefs de la katiba El Moulathamine.
- Abou El Bara, le chef du commando, était l'un des instructeurs militaires les plus proches de Mokhtar Belmokhtar, chargé d'entraîner les nouvelles recrues aux techniques de combat.
De nationalité algérienne, né dans les années 1970, il aurait appris les techniques militaires au cours de son service national avant de rejoindre les maquis du GSPC. Abou El Bara souhaitait «la chute des régimes de la région» pour donner suite au printemps arabe, notamment les régimes algérien et mauritanien, les accusant «d'agir par procuration pour la France».
- Le Mauritanien Abdallah Ould Hmida, alias «El Zerqaoui el Mauritani». Considéré comme «l'un des meilleurs instructeurs militaires de Belmokhtar dans le nord du Mali», il n'avait que 18 ans et était originaire du nord de la Mauritanie.
- Lamine Boucheneb, alias «Tahar», de nationalité inconnue. Il était l'émir de la phalange «Les fils du désert pour la justice islamique», alliée aux organisations islamistes sévissant au nord du Mali.
MBM a perdu, avec Abou El Bara, El Zerqaoui el Mauritani et Lamine Boucheneb trois de ses meilleurs instructeurs militaires et des chefs opérationnels motivés, partisans acharnés de la poursuite des hostilités. C'est dire si le coup porté par les forces spéciales algériennes est significatif.
Belmokhtar a une personnalité certainement plus complexe que ce qu'en disent les médias. Il est vrai qu'il tient à la fois du bandit de grand chemin et du djihadiste pur et dur. Sur le plan psychologique, un de ses anciens otages qui a pu converser avec lui le qualifie de «froid, calculateur et d'une volonté d'acier ayant un ascendant absolu sur ses hommes».
En effet, dans l'affaire d'In Amenas, il a envoyé ses hommes à une mort certaine en pleine connaissance de cause, car tous savaient que les forces algériennes ne négocieraient jamais.
Il convient de rajouter à ces traits de caractère un ego surdimensionné qui lui a fait rejeter Aqmi, organisation qu'il jugeait trop limitée pour combler ses ambitions personnelles. En fait, MBM se rêve désormais en «émir du continent africain», espérant faire la jonction avec les shebab somaliens et Boko Haram au Nigeria.
En conséquence, il représente une menace majeure de déstabilisation pour l'ensemble de l'Afrique subsaharienne qu'il convient de «traiter» dès que l'occasion s'en présentera.
Alain Rodier et Eric Denécé Janvier 2013
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1) Région située à 600 km au sud d'Alger dont la capitale est Ghardaïa.
2) Les installations construites autour de Hassi R'Mel sont la plaque tournante de l'industrie gazière algérienne : en plus de la production du gisement lui-même, elles centralisent le gaz produit dans d'autres régions d'Algérie, comme le gaz associé de Hassi Messaoud. A partir de Hassi R'mel, différents gazoducs exportent également le gaz vers l'Europe.
3) Leurs liens dateraient de l'engagement de MBM en Afghanistan.
4) Cf. Note d'actualité n°290 du 15 octobre 2012.
5) Les auteurs de la prise d'otages sont issus d'Algérie, du Canada, du Mali, d'Egypte, du Niger, de Libye, de France et de Mauritanie.


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