Depuis le 8 avril et jusqu'au 18 mai 2003, plusieurs manifestations ont eu lieu. Ce Mois du patrimoine qui est compris entre le 18 avril, Journée mondiale des monuments et le 18 mai, Journée mondiale des musées, a, d'ores et déjà, connu trois événements d'une grande importance. Le premier consacré au patrimoine à travers le regard des artistes et une exposition plurielle que le Bastion 23 abrite jusqu'à la fin de la commémoration, en collaboration avec l'Association des arts appliqués, Espace Founoun et Algérie-Poste. Cette exposition regroupe plusieurs expressions artistiques telles que la philatélie, les arts plastiques et les arts appliqués (céramique, décoration sur bois et cuivre repoussé). Dès l'entrée du palais des Raïs, les maquettes originales de timbres-poste accrochées aux murs, conçues par une pléiade d'artistes-maîtres, comme Mohamed Temman, Ali Kabouche, Mustapha Bendabagh, Ali Khodja, Ismaïl Samson et d'autres accrochent le regard du visiteur et l'invitent à admirer ces objets et ces symboles de notre patrimoine mobilier citadin et rural qui, avec le temps et l'invasion de la société mondiale de consommation, s'étiole et s'éteint. Au 2e étage, la nostalgie est dans l'air des chambres du palais, des peintres algériens ont exposé à travers leur regard l'état actuel de La Casbah, noyau de la capitale et leur appréhension, quant à son devenir. L'imposante toile de Sahouli Abderahman est en cri sincère et vrai pour une nécessaire prise en charge de la mémoire citadine. Nombreux toutefois sont les artistes professionnels et autodidactes qui, capitalisant une expérience pratique de plusieurs années, ont bien marqué leur présence par leurs dernières créations et les plus novatrices. Ainsi Abdelaziz Bacha, qui a fait ces premiers pas en céramique aux côtés de sa mère, a décroché plusieurs prix dont le 3e un prix de l'Unesco pour les Etats arabes. Il offre à notre regard ébloui un ensemble d'oeuvres traditionnelles berbères répondant à de nouvelles exigences de fonctionnalité que celles qu'elles avaient à l'origine. La transformation de la «chakoua» berbère en une lampe ajourée, embaumant l'air de parfum et d'étincelles de lumière, est une belle réalisation de la mise en valeur des objets anciens. Non loin de Bacha, Mme Kacimi suit la même démarche innovatrice. Ses services de table, ses jarres et ses mains de Fatima réalisés dans différents styles du terroir: targui, berbère, andalou oriental, composent une palette de couleurs variées avec des formes très recherchées. Douadi et Mezouan, des anciens buralistes ont, quant à eux, exposé leurs dernières oeuvres de décoration sur bois, comme les coffres de mariés d'autrefois enjolivés par des styles d'expression artistique florale et géométrique très demandés. Le deuxième événement a trait à la présentation par le département de la culture et de la communication de la nouvelle stratégie de protection du patrimoine. Cette stratégie qui conforte un nombre de textes exécutifs pour la mise en application de la loi 98-04 sur le patrimoine tourne autour de 3 axes principaux: la préservation du patrimoine, la protection et la mise en valeur. L'Etat a-t-il vraiment compris que c'est à lui d'assumer son rôle de protéger un patrimoine qui ne cesse d'être pillé, détruit ou livré à l'abandon et à la décadence? Cette stratégie a vu sa première mise en application par le relogement des 13 familles vivant dans la villa Abdeltif à El-Hamma. «Cet acte est une preuve d'une volonté politique de protéger la mémoire des artistes en particulier et de notre peuple en général», nous confie M.Ali Kerbouche qui, jeudi 24 avril a assisté au lancement du relogement des familles et le retour de la villa à son statut d'origine. Cette décision de restituer la villa Abdeltif aux artistes est sûrement le fruit de gros efforts déployés par un groupe d'artistes, toutes générations confondues pour sensibiliser les autorités, quant à la préservation du site devenu, depuis l'Indépendance un vrai dépotoir. Rappelons que ce site, à l'origine, était consacré aux arts plastiques, se présentant comme un centre de résidence pour les artistes de tous les coins du monde pour faciliter le rapprochement, la créativité et la réalisation d'une oeuvre dans un environnement unique...La villa Abdeltif était classée la 3e résidence de cette nature après celles de Velázquez en Espagne et de Médicis en Italie. Un groupe d'artistes très assidu ayant à coeur la question, se sont constitués en amis de la villa Abdelatif et ont lancé un SOS lors d'une exposition plurielle organisée en septembre 2002, à laquelle la ministre de la Culture a été invitée. Elle avait alors promis aide et prise en charge. La promesse est enfin tenue, font remarquer certains artistes peinés de voir la villa se dégrader depuis des années. Le cri des artistes comme Sahouli Abderahmane, Nacer Abed, Bendabagh, Douadi, Hamchaoui, Bencheich, Kerbouche, Mezouan, Hamouche, Benkhala...a eu l'effet escompté et fait réagir les autorités. Faut-il souligner que les coups portés à notre patrimoine y compris à la villa Abdeltif composent aujourd'hui l'essence des arguments des pays puissants dans le monde pour refuser de restituer aux pays du tiers-monde leur mémoire, le pillage, l'absence d'entretien, l'insouciance et le mépris sont des armes pour déplacer le patrimoine hors des frontières, le cas de l'Afghanistan et de l'Irak en est un exemple flagrant. L'Algérie a-t-elle vraiment pris conscience que la préservation du patrimoine, c'est la protection du futur et du passé.
