En enfourchant le refus des Arabes de l´après-guerre, Benjamin Netanyahu n´est-il pas en train de conduire les Israéliens vers une destination inconnue? Il y a une tendance lourde qui est en train, furtivement, de s´inverser au Moyen-Orient: celle du refus de l´autre. En refusant l´existence d´un Etat palestinien, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, tient le même discours que celui des dirigeants arabes des années 40 et suivantes qui refusaient l´existence de l´Etat d´Israël. Si on connaît le résultat auquel a abouti le discours des chefs d´Etat arabes, celui du dirigeant israélien est à venir. Le refus de l´autre formulé de manière aussi catégorique, relève de tout ce qu´on voudra sauf d´une politique humainement réfléchie. C´est bien le moment d´avoir une pensée au seul chef d´Etat arabe qui a eu la lucidité et le courage de conseiller à ses pairs et au peuple palestinien d´accepter la création de l´Etat d´Israël dans les frontières définies par les Nations unies dans leurs résolutions 181 et 194 qui prévoient également le retour des réfugiés. C´était à Jéricho, en 1965, où il était en visite dans un camp de réfugiés palestiniens, que Habib Bourguiba a osé aller à contre-courant de la position arabe de l´époque. Comme il le disait souvent: «Il faut avoir le courage de heurter le sentiment populaire» quand c´est nécessaire. Au lieu de refuser l´autre, Bourguiba préconisait «la politique des étapes». Près d´un demi-siècle après, l´avenir a donné raison à Bourguiba. Le refus de reconnaître l´Etat d´Israël par les Arabes a largement contribué à toutes les annexions de territoires palestiniens par l´Etat juif avec ce paradoxe de le maintenir dans sa position «d´agressé». Ou ce que d´autres appellent la «victimisation». Aujourd´hui, les Etats arabes ont fini par reconnaître l´existence de l´Etat d´Israël. Certains ont même établi des relations diplomatiques avec lui. Sauf qu´ils se sont décidés à cette reconnaissance trop tard. Nous assistons à une situation inversée. Ce sont les pays arabes qui demandent à Israël d´admettre l´existence d´un Etat palestinien. Pas plus tard que la semaine qui vient de s´écouler, le roi Abdallah II de Jordanie était à Washington où Obama a tenté de le rassurer en lui réaffirmant la position américaine de «deux Etats». En enfourchant le refus des Arabes de l´après-guerre, Benjamin Netanyahu n´est-il pas en train de conduire les Israéliens vers une destination inconnue? Beaucoup d´intellectuels juifs le pensent. Les mêmes qui se sont élevés contre le génocide de Ghaza. Une agression contre des civils palestiniens qui a fait perdre à Israël une bonne partie du crédit de sympathie qu´il avait en Occident. Une guerre qui le rapproche du banc des accusés vis-à-vis de la communauté internationale. Le refus de Netanyahu vient «booster» cette inconfortable posture. Ce sont les Arabes que l´opinion internationale commence à considérer comme agressés et comme victimes. Cette inversion de la tendance comporte cependant une différence avec celle du passé. De problème arabo-israélien, le conflit du Moyen-Orient s´oriente vers un problème interreligieux avec l´entrée en scène de l´Iran. Musulmans contre juifs. Dans ce nouveau contexte, le «front du refus» est partagé par les protagonistes. Ahmadinejad tient un discours de même nature que Netanyahu. Le premier veut effacer Israël de la carte et le second ne reconnaît pas l´Etat palestinien. On peut légitimement se demander si la force militaire de l´Iran a vraiment besoin de s´adjoindre l´arrogance du verbe et les excès de langage? Ce qui a pour effet de toujours maintenir, autant que faire se peut, Israël dans sa position de victime. L´irruption de l´Iran dans le conflit du Moyen-Orient arrange bien, en définitive, la conduite de Netanyahu. Elle arrange finalement moins les Arabes en général et les Palestiniens en particulier. Et si la solution de leur problème résidait dans leur émancipation? D´un peuple colonisé face à son colonisateur. D´un problème de décolonisation. Qui ne soit ni racial ni religieux. En ce sens, la lucidité et la vision de Bourguiba gagneraient à être revisitées par les dirigeants palestiniens. ([email protected])