«En politique: dans l´opposition, l´on ne sait rien mais l´on peut tout dire, tandis que dans la majorité l´on sait tout mais l´on ne peut rien dire.» Bernard Beugnies Les avant-premières se suivent et se ressemblent, car depuis la fermeture de la Cinémathèque et la reconversion en salle de concert de la salle Ibn Zeydoun, la salle El Mougar est devenue la plaque-tournante de l´actualité cinématographique et surtout l´espace pour toutes les présentations de nouvelles oeuvres du 7e art algérien. Ce dimanche, nous avons eu droit à la présentation du film de Tarek Teguia, Gabbla. Et tout le monde attendait le film de celui qu´on surnomme l´artiste du cinéma algérien. Il y avait les fans artistiques (l´élite de gauche, de droite et du centre), les fans politiques, ce qui reste du MDS et le «Jésus» des archs: Belaïd Abrika et son escorte, mais aussi les cinéastes curieux, comme Merzak Allouache qui est sorti de son hibernation cinématographique pour découvrir le film de celui qui lui fait de l´ombre dans les rendez-vous internationaux. Tarek Teguia a eu la chance de rassembler tous les courants cinématographiques de la place d´Alger. (Il ne manquait que Lakhdar Hamina, Khalida Toumi et Hamraoui Habib Chawki). Mais après 2h18mn de projection, le public est sorti étouffé, au bord de la crise de nerfs cinématographique, d´où la remarque d´une spectatrice: «Kindy d´Ameur Bahloul était meilleur que le film de Teguia.» D´autres ont déclaré avoir perdu deux heures de leur existence. Il faut dire que le cinéma de Teguia est unique et surtout pas proche des Algériens. Un cinéma écorché vif où l´image l´emporte sur le contenu thématique. Le réalisateur (ancien photographe de talent) avait placé l´ombre et la lumière au centre de l´exposition. A cela s´ajoute une histoire tirée par les cheveux frisés d´une Black. 2h18mn de lenteur et de longueur qui peuvent être inscrites au livre des Guinness book des records, les deux morceaux les plus insoutenables (ce plan fixe sur un Derrick durant plusieurs minutes ou encore cette caméra fixée sur la locomotive du train et qui avance pendant de longues minutes en nous faisant découvrir un paysage désolé et sale). A cela s´ajoutent ces inserts d´un débat politique sans queue ni tête, ou encore cette image d´un flic en civil belliqueux (un personnage indispensable dans les films de Teguia), qui apparaît avec le cadre officiel guillotiné par la caméra. Avec ce plan, Tarik Teguia a inventé un nouveau cinéma, celui de l´antipouvoir où l´image de l´Etat est réduite à néant ou néon. Le réalisateur ne respecte ni la réalité historique ni la réalité cinématographie et encore moins la réalité sociale. Une immigrée clandestine «anglophone» qui débarque dans l´Oranie, alors que les Africains frontaliers de l´Algérie sont tous francophones. Visiblement, Teguia a perdu sa carte géo et fait envoler une case de la toiture artistique. Et pourtant, il avait tous les atouts pour nous offrir un film poétique, digne de Fassbinder ou Jim Jarmush. Un film qui a été soutenu par les Fonds Hubert Bals, qui a bénéficié du Fdatic et des Fonds Sud, qui lui ont accordé lors de la commission, le 20 décembre 2007, une aide de 110.000 euros. Et pourtant, en tournant en HD gratuitement dans le Sahara, dans les locaux de la Cinémathèque et dans les appartements des comédiens amateurs recrutés pour le film, Gabbla n´avait pas l´apparence d´une superproduction et encore moins d´une oeuvre extraordinaire à revoir. [email protected]